Ceux qui se sont offusqués il y a quelques temps, des propos tenus par l’Ambassadeur français au Sénégal, M. Jean-Christophe Ruffin, devraient quelque part lui présenter des excuses, et, constater que ses paroles, loin de chercher à choquer, n’étaient, outre la manifestation d’une affection bourrue d’un ami du Sénégal, que la reconnaissance d’un nouveau rapport des forces dans les relations entre le Sénégal et ses partenaires extérieurs. Par delà les 82 milliards de francs Cfa dont l’ambassadeur Ruffin concrétisait le prêt ce jour-là, il y avait, plus que la volonté de ne pas laisser le Sénégal s’enfoncer au fond du gouffre, le signe que, quoiqu’il puisse en déplaire à des esprits chagrins, la France reste toujours une puissance éminente au Sénégal, et l’un des pays qui tienne encore au nôtre.
On avait dit ici même, que ces milliards avancés par l’Agence française de développement, ont été le déclencheur qui a permis au Conseil d’administration du Fonds monétaire international (Fmi) d’accorder une fois de plus son appui au Sénégal, alors que, les choses ne semblaient pas du tout évidentes. Des informations recueillies à Washington, aux sièges du Fmi et de la Banque mondiale, indiquent que, sans le forcing de la France, le dossier du Sénégal aurait été rejeté.
En lisant son communiqué de presse, on remarque que le Fmi a été contraint d’accorder des dérogations sur trois points, comme l’a relevé Le Quotidien n°1787 du lundi 22 décembre dernier, passant ainsi outre les obligations du programme Ispe. Cette initiative impose en effet, une rigueur telle qu’elle n’accepte pas de demi-mesure. On passe tous les points ou l’on est recalé et l’on quitte le programme. Le Sénégal, qui n’a pas pu faire état du montant global des arriérés de créance dus aux entreprises, ni établi le paiement annoncé depuis longtemps et souvent reporté, de ladite créance, et encore moins fait preuve de transparence dans sa dette intérieure, a malgré tout reçu le quitus du Conseil d’administration du Fonds monétaire international. Bien entendu, il a été signifié aux autorités sénégalaises que c’était la toute dernière fois que cela arrivait, et qu’il n’y en aurait pas d’autre. Mais cela n’a pu être possible que parce que le gouvernement français, le président Nicolas Sarkozy en tête, a pesé de tout son poids dans la balance pour emporter la décision.
Les administrateurs du Fmi n’ont pas du tout été tendres envers les dirigeants sénégalais. Au point que le directeur adjoint, Murillo Portugal, a fait noter de manière diplomatique, dans le communiqué de presse sanctionnant le passage, que le Sénégal a fourni au Fmi des chiffres erronés sur ses comptes, dans le but manifeste de masquer ses erreurs de gestion. Plusieurs autres reproches ont été faits, dont les plus tendres ne venaient pas nécessairement de pays réputés amis du Sénégal.
Les administrateurs de l’Inde, de la Grande Bretagne ou des Etats-Unis, entre autres, n’ont pas épargné la gestion du Sénégal, ils n’étaient pas disposés à lui renouveler leur confiance. C’est la détermination française qui a changé la donne. Les administrateurs français ont fait valoir que les 82 milliards de francs Cfa d’appui budgétaire accordés par l’Agence française de développement étaient justement une marque de confiance dans les capacités de redressement du pays, dont les agrégats macroéconomiques étaient, dans l’ensemble, encore bons. Au moment de se déterminer, les Américains, les Indiens, les Brésiliens, et même les Anglais, ont préféré s’abstenir. La France ayant voté pour, le dossier du Sénégal est passé avec la plus faible des marges. Mais il est passé, et c’était le plus important.
L’agrément du Fonds a été, comme tout le monde s’y attendait, le déclic qui a permis de libérer les vannes des fonds attendus de plusieurs partenaires. Le gouvernement a pu annoncer qu’il attendait de ses partenaires un peu plus de 160 milliards de francs Cfa, dans les prochains jours. Au point que, même les dirigeants d’entreprises du secteur privé en sont déjà à espérer être payés avant la fin du mois prochain, anticipant sur les promesses solennelles du Président Abdoulaye Wade.
Dans cette profusion d’aide, qui remarque-t-on encore ? L’Afd, pour ne pas la nommer. Autrement dit, le bras financier de la coopération française. L’appui budgétaire de 82 milliards de francs Cfa a été suivi, bien opportunément, de 20 milliards de francs pour la recapitalisation de la Senelec. On peut s’attendre à d’autres manifestations prochaines de la «générosité» de la France envers le Sénégal. Les observateurs les plus perspicaces de remarquer, qu’à ce jour, aucun autre partenaire n’a fait autant que le gouvernement de M. Sarkozy, pour permettre au Sénégal de sortir la tête de l’eau. Et certains se demandent ce qui justifie cette munificence, quand on sait que la France n’a pas été particulièrement bien traitée ces dernières années, surtout dans le domaine économique.
Cependant, des voix bien au fait des relations internationales, font valoir que tout cela a une contrepartie, et que le Sénégal sera bien obligé de passer par les fourches caudines de ses partenaires, en particulier français. D’abord, au moment de solder la dette du secteur privé, il est évident que les entreprises françaises devront être servies en premier. Même si la filiale sénégalaise de Eiffage a toujours revendiqué son statut sénégalais quand il s’agit de concourir pour des marchés publics, il est certain qu’aujourd’hui, elle exigera d’être traitée comme une représentante du pays qui aura permis de trouver l’argent pour payer les dettes. Tant pis pour ce qu’en penseront les représentants de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes).
Et si la France est disposée à passer l’éponge sur ce qui s’est passé dans la concession du terminal à conteneurs du Port de Dakar, ou avec «l’expulsion» de la Cma-Cgm de l’exploitation du bateau Aline Sitoe Diatta, parce qu’elle avait repris la marocaine Comanav, elle n’est plus disposée à se laisser faire, dorénavant. L’argent de Sarkozy va aussi transmettre le message que les véritables amis doivent être traités avec beaucoup plus de considération.
Quand le Sénégal a été en proie à des difficultés, il n’a vu aucun de ses nouveaux «amis», choyés par le pouvoir en place. Les Emiratis de Dubaï, qui ont acquis la gestion du terminal à conteneurs du Pad, dans des conditions que peu de gens connaissent vraiment, et pour le projet duquel le gouvernement a sacrifié les 800 milliards de francs Cfa que les Américains étaient disposés à offrir dans le cadre de la mise en œuvre de la zone économique de Diamniadio, n’ont jamais fait le moindre geste pour nous. Les Saoudiens, les Koweitiens ou même les Libyens, dont la munificence est un mythe bien entretenu dans nos chaumières, n’ont, bizarrement, jamais trouvé de projet digne d’intérêt, quand il s’agissait d’injecter des liquidités dans nos caisses, alors que, le pétrole vendu à des prix astronomiques, remplissait prodigieusement leurs caisses.
Quant aux Chinois, les plus courtisés, pour les beaux yeux desquels ont a vite oublié tous les milliards de Taïwan, seuls leurs intérêts les font vraiment courir. Pour ne pas parler des Indiens, dont les 50 000 tonnes de riz mensuels, garantis par la parole du président de la République, comme palliatifs au riz thaïlandais, n’ont jamais été signalés au Port autonome de Dakar (Pad), et dont l’acquisition des Ics n’est pas une marque d’altruisme. Pourtant, c’est en référence à tous ces nouveaux partenaires qu’a été lancé à un moment, le slogan de «partenariat gagnant-gagnant». Qui laissait entendre que le partenariat traditionnel que nous avions avec les Occidentaux, ne l’a jamais été. Dans la réalité, bien peu de choses ont changé. Au moment de passer l’examen du Fmi, nos nouveaux partenaires ne nous ont pas ménagés, et nous étions bien heureux que les anciens ne nous aient pas gardés rancune.
Seulement, tout ayant un prix, on doit se préparer à payer celui de cette amitié renouvelée. En plus des faveurs que la France ne manquera pas nous demander, il y a la surveillance accrue du Fmi. En effet, en plus de l’audit de finances publiques qui nous est imposé, le Fmi sera beaucoup plus regardant en ce qui concerne de nombreuses dépenses, ainsi que sur la passation de certains contrats. Avec l’appui de ses partenaires, le Sénégal pourrait très rapidement retrouver l’équilibre budgétaire, d’autant que, comme le disent certains fonctionnaires des Finances, le problème du Sénégal n’est pas un manque de liquidité, ce serait plutôt l’utilisation qui en est fait, «surtout au plus haut niveau de l’Etat». Là aussi, il faudra que l’on sente les effets de l’ajustement structurel.
Source: Rewmi
On avait dit ici même, que ces milliards avancés par l’Agence française de développement, ont été le déclencheur qui a permis au Conseil d’administration du Fonds monétaire international (Fmi) d’accorder une fois de plus son appui au Sénégal, alors que, les choses ne semblaient pas du tout évidentes. Des informations recueillies à Washington, aux sièges du Fmi et de la Banque mondiale, indiquent que, sans le forcing de la France, le dossier du Sénégal aurait été rejeté.
En lisant son communiqué de presse, on remarque que le Fmi a été contraint d’accorder des dérogations sur trois points, comme l’a relevé Le Quotidien n°1787 du lundi 22 décembre dernier, passant ainsi outre les obligations du programme Ispe. Cette initiative impose en effet, une rigueur telle qu’elle n’accepte pas de demi-mesure. On passe tous les points ou l’on est recalé et l’on quitte le programme. Le Sénégal, qui n’a pas pu faire état du montant global des arriérés de créance dus aux entreprises, ni établi le paiement annoncé depuis longtemps et souvent reporté, de ladite créance, et encore moins fait preuve de transparence dans sa dette intérieure, a malgré tout reçu le quitus du Conseil d’administration du Fonds monétaire international. Bien entendu, il a été signifié aux autorités sénégalaises que c’était la toute dernière fois que cela arrivait, et qu’il n’y en aurait pas d’autre. Mais cela n’a pu être possible que parce que le gouvernement français, le président Nicolas Sarkozy en tête, a pesé de tout son poids dans la balance pour emporter la décision.
Les administrateurs du Fmi n’ont pas du tout été tendres envers les dirigeants sénégalais. Au point que le directeur adjoint, Murillo Portugal, a fait noter de manière diplomatique, dans le communiqué de presse sanctionnant le passage, que le Sénégal a fourni au Fmi des chiffres erronés sur ses comptes, dans le but manifeste de masquer ses erreurs de gestion. Plusieurs autres reproches ont été faits, dont les plus tendres ne venaient pas nécessairement de pays réputés amis du Sénégal.
Les administrateurs de l’Inde, de la Grande Bretagne ou des Etats-Unis, entre autres, n’ont pas épargné la gestion du Sénégal, ils n’étaient pas disposés à lui renouveler leur confiance. C’est la détermination française qui a changé la donne. Les administrateurs français ont fait valoir que les 82 milliards de francs Cfa d’appui budgétaire accordés par l’Agence française de développement étaient justement une marque de confiance dans les capacités de redressement du pays, dont les agrégats macroéconomiques étaient, dans l’ensemble, encore bons. Au moment de se déterminer, les Américains, les Indiens, les Brésiliens, et même les Anglais, ont préféré s’abstenir. La France ayant voté pour, le dossier du Sénégal est passé avec la plus faible des marges. Mais il est passé, et c’était le plus important.
L’agrément du Fonds a été, comme tout le monde s’y attendait, le déclic qui a permis de libérer les vannes des fonds attendus de plusieurs partenaires. Le gouvernement a pu annoncer qu’il attendait de ses partenaires un peu plus de 160 milliards de francs Cfa, dans les prochains jours. Au point que, même les dirigeants d’entreprises du secteur privé en sont déjà à espérer être payés avant la fin du mois prochain, anticipant sur les promesses solennelles du Président Abdoulaye Wade.
Dans cette profusion d’aide, qui remarque-t-on encore ? L’Afd, pour ne pas la nommer. Autrement dit, le bras financier de la coopération française. L’appui budgétaire de 82 milliards de francs Cfa a été suivi, bien opportunément, de 20 milliards de francs pour la recapitalisation de la Senelec. On peut s’attendre à d’autres manifestations prochaines de la «générosité» de la France envers le Sénégal. Les observateurs les plus perspicaces de remarquer, qu’à ce jour, aucun autre partenaire n’a fait autant que le gouvernement de M. Sarkozy, pour permettre au Sénégal de sortir la tête de l’eau. Et certains se demandent ce qui justifie cette munificence, quand on sait que la France n’a pas été particulièrement bien traitée ces dernières années, surtout dans le domaine économique.
Cependant, des voix bien au fait des relations internationales, font valoir que tout cela a une contrepartie, et que le Sénégal sera bien obligé de passer par les fourches caudines de ses partenaires, en particulier français. D’abord, au moment de solder la dette du secteur privé, il est évident que les entreprises françaises devront être servies en premier. Même si la filiale sénégalaise de Eiffage a toujours revendiqué son statut sénégalais quand il s’agit de concourir pour des marchés publics, il est certain qu’aujourd’hui, elle exigera d’être traitée comme une représentante du pays qui aura permis de trouver l’argent pour payer les dettes. Tant pis pour ce qu’en penseront les représentants de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes).
Et si la France est disposée à passer l’éponge sur ce qui s’est passé dans la concession du terminal à conteneurs du Port de Dakar, ou avec «l’expulsion» de la Cma-Cgm de l’exploitation du bateau Aline Sitoe Diatta, parce qu’elle avait repris la marocaine Comanav, elle n’est plus disposée à se laisser faire, dorénavant. L’argent de Sarkozy va aussi transmettre le message que les véritables amis doivent être traités avec beaucoup plus de considération.
Quand le Sénégal a été en proie à des difficultés, il n’a vu aucun de ses nouveaux «amis», choyés par le pouvoir en place. Les Emiratis de Dubaï, qui ont acquis la gestion du terminal à conteneurs du Pad, dans des conditions que peu de gens connaissent vraiment, et pour le projet duquel le gouvernement a sacrifié les 800 milliards de francs Cfa que les Américains étaient disposés à offrir dans le cadre de la mise en œuvre de la zone économique de Diamniadio, n’ont jamais fait le moindre geste pour nous. Les Saoudiens, les Koweitiens ou même les Libyens, dont la munificence est un mythe bien entretenu dans nos chaumières, n’ont, bizarrement, jamais trouvé de projet digne d’intérêt, quand il s’agissait d’injecter des liquidités dans nos caisses, alors que, le pétrole vendu à des prix astronomiques, remplissait prodigieusement leurs caisses.
Quant aux Chinois, les plus courtisés, pour les beaux yeux desquels ont a vite oublié tous les milliards de Taïwan, seuls leurs intérêts les font vraiment courir. Pour ne pas parler des Indiens, dont les 50 000 tonnes de riz mensuels, garantis par la parole du président de la République, comme palliatifs au riz thaïlandais, n’ont jamais été signalés au Port autonome de Dakar (Pad), et dont l’acquisition des Ics n’est pas une marque d’altruisme. Pourtant, c’est en référence à tous ces nouveaux partenaires qu’a été lancé à un moment, le slogan de «partenariat gagnant-gagnant». Qui laissait entendre que le partenariat traditionnel que nous avions avec les Occidentaux, ne l’a jamais été. Dans la réalité, bien peu de choses ont changé. Au moment de passer l’examen du Fmi, nos nouveaux partenaires ne nous ont pas ménagés, et nous étions bien heureux que les anciens ne nous aient pas gardés rancune.
Seulement, tout ayant un prix, on doit se préparer à payer celui de cette amitié renouvelée. En plus des faveurs que la France ne manquera pas nous demander, il y a la surveillance accrue du Fmi. En effet, en plus de l’audit de finances publiques qui nous est imposé, le Fmi sera beaucoup plus regardant en ce qui concerne de nombreuses dépenses, ainsi que sur la passation de certains contrats. Avec l’appui de ses partenaires, le Sénégal pourrait très rapidement retrouver l’équilibre budgétaire, d’autant que, comme le disent certains fonctionnaires des Finances, le problème du Sénégal n’est pas un manque de liquidité, ce serait plutôt l’utilisation qui en est fait, «surtout au plus haut niveau de l’Etat». Là aussi, il faudra que l’on sente les effets de l’ajustement structurel.
Source: Rewmi