On a bien failli ne pas voir en région parisienne ce spectacle magistral, créé par le patron du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne en novembre 2006
Deux ans plus tard, et grâce au Festival d'automne, le voici enfin. C'est heureux : Coriolan, puissante réflexion sur la politique, est de ces spectacles où le théâtre public à la française, tel qu'il s'est constitué au lendemain de la guerre avec les Vilar, Planchon, etc., affirme sa force et sa nécessité.
Malgré un changement de distribution d'importance - la grande Nada Strancar, victime en septembre d'un accident cardiaque, a été remplacée par Hélène Vincent -, le spectacle a encore pris, en deux ans, de l'ampleur et du souffle. Coriolan, la grande tragédie politique de Shakespeare, écrite en 1607, est rarement montée en France, en raison de sa complexité. Christian Schiaretti la rend remarquablement lisible, et parvient, sans une once de démagogie, à rendre ultrasensibles les échos qu'elle peut avoir pour nous aujourd'hui.
C'est qu'elle nous tend, cette pièce, en nos temps où l'on voit bien qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de la démocratie, un miroir particulièrement saisissant. Dans cette fable ambiguë, tellement ambiguë qu'elle a souvent fait l'objet de mises en scène totalement dévoyées - crypto-fasciste, notamment, à la Comédie-Française, en 1934 -, Shakespeare, comme à son habitude, ne porte aucun jugement moral sur les personnages ou les forces en présence.
L'histoire de Caïus Marcius, alias Coriolan, guerrier fanatique et patricien arrogant fustigeant cette "racaille" qu'est le peuple, met à nu un mécanisme d'une complexité inouïe. Shakespeare le situe dans la Rome de 488 av. J.-C., qui invente ses institutions républicaines, renvoyant ainsi un reflet à cet Etat moderne qui naît en Angleterre au début du XVIIe siècle.
Culte du chef, jeux d'influence de l'oligarchie ou de l'aristocratie, versatilité du peuple qui se laisse manipuler au gré des promesses, démagogie des tribuns... Bref, la politique, cette affaire d'hommes sur laquelle règne pourtant ici une femme : Volumnia, mère de Coriolan, Machiavel en jupons rendue enragée par l'impossibilité, au regard de sa condition féminine, d'exercer pleinement ses talents.
S'appuyant sur une belle troupe d'une trentaine d'acteurs (quel luxe - et quel bonheur ! - aujourd'hui), Schiaretti déploie la pièce dans le vaste espace du plateau de Nanterre, ne craignant ni les scènes de bataille ni les mouvements de foule.
Le rouge des drapeaux claque, le sang des combats et les eaux sales de la politique s'écoulent par la bouche d'égout au centre de la scène. L'utilisation des clairs-obscurs renvoie à la représentation du pouvoir, notamment dans la peinture anglaise ou flamande du XVIIe siècle.
Cette théâtralité, ce souffle épique tiennent en haleine tout du long, malgré la durée du spectacle (3 h 45). Les acteurs se sont totalement approprié la langue de Shakespeare, telle que la traduit, avec une précieuse précision, Jean-Michel Déprats.
Les trois rôles principaux sont éblouissants : Wladimir Yordanoff (Coriolan), pantin viril manipulé par sa maîtresse-mère ; Roland Bertin (Ménénius), redoutable animal politique portant le masque de la bonhomie ; et Hélène Vincent, souveraine Volumnia. La politique est un théâtre, et Christian Schiaretti son grand ordonnateur.
Coriolan, de William Shakespeare (traduction de Jean-Michel Déprats). Mise en scène : Christian Schiaretti. Avec Wladimir Yordanoff, Roland Bertin, Hélène Vincent... Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, av. Pablo-Picasso, Nanterre. RER Nanterre-Préfecture. Tél. : 01-46-14-70-00. Ou Festival d'automne : 01-53-45-17-17. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 h 30, jusqu'au 19 décembre. De 12 à 25 . Durée : 3 h 45. Puis à Rennes du 8 au 17 janvier 2009, et à Villeurbanne (Rhône) du 28 janvier au 7 février.
Source: Yahoo News
Deux ans plus tard, et grâce au Festival d'automne, le voici enfin. C'est heureux : Coriolan, puissante réflexion sur la politique, est de ces spectacles où le théâtre public à la française, tel qu'il s'est constitué au lendemain de la guerre avec les Vilar, Planchon, etc., affirme sa force et sa nécessité.
Malgré un changement de distribution d'importance - la grande Nada Strancar, victime en septembre d'un accident cardiaque, a été remplacée par Hélène Vincent -, le spectacle a encore pris, en deux ans, de l'ampleur et du souffle. Coriolan, la grande tragédie politique de Shakespeare, écrite en 1607, est rarement montée en France, en raison de sa complexité. Christian Schiaretti la rend remarquablement lisible, et parvient, sans une once de démagogie, à rendre ultrasensibles les échos qu'elle peut avoir pour nous aujourd'hui.
C'est qu'elle nous tend, cette pièce, en nos temps où l'on voit bien qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de la démocratie, un miroir particulièrement saisissant. Dans cette fable ambiguë, tellement ambiguë qu'elle a souvent fait l'objet de mises en scène totalement dévoyées - crypto-fasciste, notamment, à la Comédie-Française, en 1934 -, Shakespeare, comme à son habitude, ne porte aucun jugement moral sur les personnages ou les forces en présence.
L'histoire de Caïus Marcius, alias Coriolan, guerrier fanatique et patricien arrogant fustigeant cette "racaille" qu'est le peuple, met à nu un mécanisme d'une complexité inouïe. Shakespeare le situe dans la Rome de 488 av. J.-C., qui invente ses institutions républicaines, renvoyant ainsi un reflet à cet Etat moderne qui naît en Angleterre au début du XVIIe siècle.
Culte du chef, jeux d'influence de l'oligarchie ou de l'aristocratie, versatilité du peuple qui se laisse manipuler au gré des promesses, démagogie des tribuns... Bref, la politique, cette affaire d'hommes sur laquelle règne pourtant ici une femme : Volumnia, mère de Coriolan, Machiavel en jupons rendue enragée par l'impossibilité, au regard de sa condition féminine, d'exercer pleinement ses talents.
S'appuyant sur une belle troupe d'une trentaine d'acteurs (quel luxe - et quel bonheur ! - aujourd'hui), Schiaretti déploie la pièce dans le vaste espace du plateau de Nanterre, ne craignant ni les scènes de bataille ni les mouvements de foule.
Le rouge des drapeaux claque, le sang des combats et les eaux sales de la politique s'écoulent par la bouche d'égout au centre de la scène. L'utilisation des clairs-obscurs renvoie à la représentation du pouvoir, notamment dans la peinture anglaise ou flamande du XVIIe siècle.
Cette théâtralité, ce souffle épique tiennent en haleine tout du long, malgré la durée du spectacle (3 h 45). Les acteurs se sont totalement approprié la langue de Shakespeare, telle que la traduit, avec une précieuse précision, Jean-Michel Déprats.
Les trois rôles principaux sont éblouissants : Wladimir Yordanoff (Coriolan), pantin viril manipulé par sa maîtresse-mère ; Roland Bertin (Ménénius), redoutable animal politique portant le masque de la bonhomie ; et Hélène Vincent, souveraine Volumnia. La politique est un théâtre, et Christian Schiaretti son grand ordonnateur.
Coriolan, de William Shakespeare (traduction de Jean-Michel Déprats). Mise en scène : Christian Schiaretti. Avec Wladimir Yordanoff, Roland Bertin, Hélène Vincent... Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, av. Pablo-Picasso, Nanterre. RER Nanterre-Préfecture. Tél. : 01-46-14-70-00. Ou Festival d'automne : 01-53-45-17-17. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 h 30, jusqu'au 19 décembre. De 12 à 25 . Durée : 3 h 45. Puis à Rennes du 8 au 17 janvier 2009, et à Villeurbanne (Rhône) du 28 janvier au 7 février.
Source: Yahoo News
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