Depuis deux mois, ce trentenaire diplômé d'une prestigieuse université américaine cherche un emploi. Sans succès. "Ils sont des milliers comme moi, vous savez. Même ceux qui ont encore un job dans leur banque cherchent ailleurs. Ils savent qu'ils risquent de se faire licencier du jour au lendemain", explique-t-il.
Depuis qu'a éclaté la crise financière, il ne se passe plus un jour sans qu'une grande banque, quelque part dans le monde, n'annonce un plan de licenciements massif. Les chiffres donnent le vertige. Selon le cabinet de recrutement américain Challenger, Gray & Christmas, 220 506 emplois ont été détruits dans la finance aux Etats-Unis depuis janvier, dont plus de la moitié au cours des quatre derniers mois. Cela représente 3 % des effectifs du secteur.
L'Europe n'échappe pas au tsunami social, avec 70 000 emplois supprimés depuis le début de l'année, selon l'agence Bloomberg. Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont les plus sévèrement frappées - du fait d'une forte exposition de leurs banques aux subprimes - le cabinet Michael Page a calculé qu'à Paris, les licenciements dans la banque d'investissement dépassent déjà largement le millier (chez Calyon, Natixis, etc.). Au total, les suppressions d'emplois dans la finance mondiale sont estimées à plus de 300 000... l'équivalent de la ville de Nantes !
Jusqu'où ira l'hémorragie ? Thomas Philippon, professeur à l'université Stern de New York, estime que le secteur financier devrait détruire entre 1 et 1,4 million d'emplois dans le monde du fait de cette crise, dont 700 000 aux Etats-Unis. "Il y avait une bulle dans le secteur financier. Elle est en train d'exploser", explique-t-il.
A leur apogée en 2006, les institutions financières américaines employaient 6,3 millions de salariés, représentant 8,5 % du produit intérieur brut (PIB). "C'était un niveau insoutenable", juge M. Philippon, situant le niveau d'équilibre "plutôt autour de 7 % du PIB". Selon son calcul, le secteur devrait rétrécir de 1 point de PIB aux Etats-Unis (100 milliards de dollars, environ 76 milliards d'euros) et d'autant dans le reste du monde.
"Le secteur était devenu obèse, confirme David Thesmar, professeur à HEC. Il a été emporté par la croissance liée à l'innovation financière." L'économiste s'en prend au recours excessif à la titrisation, cette technique consistant à transformer des crédits en une multitude de produits financiers complexes. "On est allé trop loin, dit-il, comme dans les années 1980, avec les junks bonds (obligations pourries)." A titre d'exemple, le marché mondial des Credit Default Swaps (CDS) atteignait 52 000 milliards de dollars en 2007 ! Aujourd'hui, ce secteur est sinistré. Les ingénieurs qui les concevaient, les traders qui les négociaient, les gérants de fonds spéculatifs qui les achetaient sont désœuvrés.
Pour combien de temps ? Selon les experts, cette crise a ceci de particulier par rapport aux chocs antérieurs que les emplois perdus ne se recréeront pas de sitôt. "On ne retrouvera pas les niveaux d'emploi des dernières années", analyse Louis-Armand de Rougé, responsable à Paris de Richcourt Fund Advisors. Plusieurs facteurs y concourent : la disparition de nombreux établissements en faillite ou rachetés ; la cure d'amaigrissement forcée des métiers touchés par la crise (prêts hypothécaires, fusions-acquisitions, etc.) ; les efforts demandés par les Etats aux banques nationalisées, etc.
L'économiste Nicolas Véron du centre Bruegel tempère : "Il y aura moins d'emplois, mais on aura toujours besoin d'un système financier fort et mondialisé, pour allouer l'épargne aux investissements."
En attendant, que deviennent les centaines de milliers de financiers licenciés ? Les plus talentueux, les "experts", sont vite réembauchés. Pour les autres, la crise économique complique les choses. "Certains sont recrutés par les départements financiers de groupes industriels, d'autres changent de voie, pour devenir avocat, par exemple", observe Jim Pedderson chez Challenger, Gray & Chrismas à New York.
Romain Burnand, cogérant de la société Moneta à Paris, confirme qu'à chaque crise financière, "beaucoup sortent du système". "Les licenciements dans la finance sont souvent violents, dit-il. Mais pour ceux qui ont accumulé des bonus, ils sont vécus comme quelque chose d'assez normal, une contrepartie aux années fastes."
A Paris, Romain Boisnard, chez Michael Page, décrit un climat difficile. Mais il décèle des opportunités dans les sociétés de conseil, les SSII et même la finance... chez les fonds souverains ! "Le fonds d'Abu Dhabi vient d'ouvrir un bureau de 450 mètres carrés à Paris", rapporte-t-il. Près de 40 personnes ont été recrutées.
Source: Yahoo News
Depuis qu'a éclaté la crise financière, il ne se passe plus un jour sans qu'une grande banque, quelque part dans le monde, n'annonce un plan de licenciements massif. Les chiffres donnent le vertige. Selon le cabinet de recrutement américain Challenger, Gray & Christmas, 220 506 emplois ont été détruits dans la finance aux Etats-Unis depuis janvier, dont plus de la moitié au cours des quatre derniers mois. Cela représente 3 % des effectifs du secteur.
L'Europe n'échappe pas au tsunami social, avec 70 000 emplois supprimés depuis le début de l'année, selon l'agence Bloomberg. Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont les plus sévèrement frappées - du fait d'une forte exposition de leurs banques aux subprimes - le cabinet Michael Page a calculé qu'à Paris, les licenciements dans la banque d'investissement dépassent déjà largement le millier (chez Calyon, Natixis, etc.). Au total, les suppressions d'emplois dans la finance mondiale sont estimées à plus de 300 000... l'équivalent de la ville de Nantes !
Jusqu'où ira l'hémorragie ? Thomas Philippon, professeur à l'université Stern de New York, estime que le secteur financier devrait détruire entre 1 et 1,4 million d'emplois dans le monde du fait de cette crise, dont 700 000 aux Etats-Unis. "Il y avait une bulle dans le secteur financier. Elle est en train d'exploser", explique-t-il.
A leur apogée en 2006, les institutions financières américaines employaient 6,3 millions de salariés, représentant 8,5 % du produit intérieur brut (PIB). "C'était un niveau insoutenable", juge M. Philippon, situant le niveau d'équilibre "plutôt autour de 7 % du PIB". Selon son calcul, le secteur devrait rétrécir de 1 point de PIB aux Etats-Unis (100 milliards de dollars, environ 76 milliards d'euros) et d'autant dans le reste du monde.
"Le secteur était devenu obèse, confirme David Thesmar, professeur à HEC. Il a été emporté par la croissance liée à l'innovation financière." L'économiste s'en prend au recours excessif à la titrisation, cette technique consistant à transformer des crédits en une multitude de produits financiers complexes. "On est allé trop loin, dit-il, comme dans les années 1980, avec les junks bonds (obligations pourries)." A titre d'exemple, le marché mondial des Credit Default Swaps (CDS) atteignait 52 000 milliards de dollars en 2007 ! Aujourd'hui, ce secteur est sinistré. Les ingénieurs qui les concevaient, les traders qui les négociaient, les gérants de fonds spéculatifs qui les achetaient sont désœuvrés.
Pour combien de temps ? Selon les experts, cette crise a ceci de particulier par rapport aux chocs antérieurs que les emplois perdus ne se recréeront pas de sitôt. "On ne retrouvera pas les niveaux d'emploi des dernières années", analyse Louis-Armand de Rougé, responsable à Paris de Richcourt Fund Advisors. Plusieurs facteurs y concourent : la disparition de nombreux établissements en faillite ou rachetés ; la cure d'amaigrissement forcée des métiers touchés par la crise (prêts hypothécaires, fusions-acquisitions, etc.) ; les efforts demandés par les Etats aux banques nationalisées, etc.
L'économiste Nicolas Véron du centre Bruegel tempère : "Il y aura moins d'emplois, mais on aura toujours besoin d'un système financier fort et mondialisé, pour allouer l'épargne aux investissements."
En attendant, que deviennent les centaines de milliers de financiers licenciés ? Les plus talentueux, les "experts", sont vite réembauchés. Pour les autres, la crise économique complique les choses. "Certains sont recrutés par les départements financiers de groupes industriels, d'autres changent de voie, pour devenir avocat, par exemple", observe Jim Pedderson chez Challenger, Gray & Chrismas à New York.
Romain Burnand, cogérant de la société Moneta à Paris, confirme qu'à chaque crise financière, "beaucoup sortent du système". "Les licenciements dans la finance sont souvent violents, dit-il. Mais pour ceux qui ont accumulé des bonus, ils sont vécus comme quelque chose d'assez normal, une contrepartie aux années fastes."
A Paris, Romain Boisnard, chez Michael Page, décrit un climat difficile. Mais il décèle des opportunités dans les sociétés de conseil, les SSII et même la finance... chez les fonds souverains ! "Le fonds d'Abu Dhabi vient d'ouvrir un bureau de 450 mètres carrés à Paris", rapporte-t-il. Près de 40 personnes ont été recrutées.
Source: Yahoo News