Et quand, quelques heures plus tard, il logera avec sa famille dans la Maison Blanche, il se rappellera sans doute que cette résidence, elle aussi, a été bâtie par des esclaves
Obama n’est pas un descendant d’esclaves. Il ne fait pas non plus partie de ce qu’on appelle les « Noirs en colère » qui effraient tant les Blancs. Si une seule fois, durant la campagne électorale, le candidat démocrate avait haussé le ton pour dénoncer le racisme, il aurait été sur le champ accusé de « rancunier » ou de « revanchard ». Et perdu l’élection.
C’est pourquoi sa tactique a consisté à répéter que l’identité raciale n’était pas son étendard, et que le fait d’être noir ne faisait pas de lui le représentant des Noirs. Ce qui ne l’empêchera nullement de penser, lorsqu’ il entrera en fonction, qu’au moment de sa naissance, en 1961, il y avait encore des lois racistes dans plusieurs Etats de son pays et que beaucoup d’Afro-américains étaient empêchés d’exercer leur droit de vote.
Il mesurera alors le chemin parcouru. Marqué par des luttes sanglantes et par des dirigeants exceptionnels comme Malcolm X et Martin Luther King, tous deux assassinés par des groupes racistes.
L’élection de Barack Hussein Obama est aussi un témoignage de la vitalité de la société américaine. Une démonstration que le « rêve américain » demeure vivant. Et que (presque) « tout est possible ». Une brise d’air frais après huit ans de puanteurs et de pratiques répugnantes de l’Administration Bush. C’est pourquoi, le nouveau président a annoncé que parmi ses premières mesures figurent : l’interdiction de la torture et la fermeture du bagne illégal de Guantanamo.
Sa singulière biographie, son allure élégante, ses exceptionnelles qualités d’orateur et ses dons de leader charismatique ont fait de lui, en peu de temps, une star politique admirée par l’opinion publique mondiale. Pour la première fois, un président des Etats-Unis (qui ne gouverne pas encore) est populaire dans des zones comme l’aire arabo-musulmane, l’Afrique sub-saharienne et l’Amérique latine. Régions où, pour des raisons historiques, il existe d’ordinaire une méfiance assez généralisée à l’égard de l’Oncle Sam. Nombre d’intellectuels habituellement critiques, à l‘intérieur et à l’extérieur des Etats-Unis, ont également célébré son élection.
Nelson Mandela, premier président noir d’Afrique du Sud, dans son message de félicitations, a déclaré : « Nous sommes convaincus que vous allez finalement parvenir à réaliser votre rêve de faire des Etats-Unis d’Amérique un partenaire à part entière dans une communauté de nations, qui se consacre à la paix et à la prospérité pour tous (1). »
De si grandes espérances ne pourront être que déçues. C’est d’ailleurs pourquoi, en se fondant sur sa longue expérience d’avoir eu affaire à dix présidents américains, Fidel Castro a suggéré de modérer les attentes : « Ce serait fort naïf de croire que les bonnes intentions d’une personne intelligente pourraient changer ce que des siècles d’intérêts et d’égoïsme ont créé. L’histoire humaine montre que ce n’est pas ainsi (2). »
Le plus dur pour Obama commence maintenant. D’abord, parce que le démarrage de son mandat aura lieu en plein milieu du pire krach économique depuis un siècle. Les Américains attendent de lui qu’il les fasse sortir de cette imbrication de crises (immobilière, bancaire, boursière) dans lesquelles l’Administration Bush les a plongés. Ils le supplient également d’éviter le naufrage industriel des constructeurs automobiles, les Big Three (Ford, General Motors, Chrysler). Et de sauver des millions d’emplois.
Par ailleurs, lui-même a promis d’instaurer une assurance-santé universelle que les quarante millions d’Américains dépourvus de sécurité sociale attendent désespérément. Sans compter le travail d’Hercule qui sera son projet de « Green New Deal ». Un ambitieux programme de développement de nouvelles technologies vertes pour en finir avec la dépendance du pétrole. Et rendre obsolescent l’usage des énergies fossiles. Comme quand, vers 1880, l’électricité remplaça le charbon et la vapeur.
Tout ceci ne se fera pas du jour au lendemain. Cela coûtera fort cher et les avantages ne seront pas évidents à court terme. Qui plus est, l’équipe économique choisie par le nouveau président et au sein de laquelle on retrouve des personnalités ultralibérales responsables en partie de la crise actuelle, comme Robert Rubin, Laurence Summers ou Timothy Geithner, n’est pas de nature à rassurer.
Il apparaît clair désormais que l’Administration Obama sera de centre-droit, c’est-à-dire plus à droite que le Congrès. Ce qui laisse présager des tensions bien plus fortes que prévu entre le législatif et l’exécutif. En particulier, les nouveaux élus démocrates lors du scrutin du 4 novembre dernier ne manqueront pas d’exprimer les impatiences de leurs électeurs durement touchés par la crise et fortement irrités par les aides massives versés par l’Etat à des banquiers dont les salaires et les primes continuent de scandaliser. Bref, l’enthousiasme d’aujourd’hui pourrait assez vite se transformer en déception, frustration et colère.
Le nouveau président n’aura pas non plus la partie facile en matière de politique extérieure. Là encore, l’équipe dont il a décidé de s’entourer pour gouverner, avec au premier plan Hillary Clinton, Robert Gates, et le général James Jones, semble très conservatrice. On la voit mal mettre en application les idées de changement exprimées par Obama.
L’ère Bush a marqué l’apogée de l’hégémonie mondiale des États-Unis. Un pouvoir en définitive éphémère et peu efficace. Car les guerres en Afghanistan et en Irak ont révélé que la suprématie militaire ne se traduit pas automatiquement par des victoires politiques. Par ailleurs, l’essor de la Chine et de l’Inde laisse présager que les jours des États-Unis comme première puissance économique sont comptés.
En d’autres termes, Obama aura à gérer la « nouvelle décadence » de son pays. Ce qui est toujours dangereux. Parce qu’il peut se retrouver à la merci d’escalades et de provocations. Non pas en Amérique latine où les choses pourraient s’améliorer rapidement si Washington soulage ou supprime l’embargo commercial contre Cuba et s’il rétablit des relations constructives avec le Venezuela et la Bolivie. Mais au Proche-Orient où la situation demeurera très tendue. Et où elle pourrait même s’aggraver.
Par exemple, si Obama retire les troupes d’Irak, comme il l’a promis et comme le souhaite la plupart des Américains, le vainqueur de la guerre sera, objectivement, l’Iran, car les chiites, alliés de Téhéran, resteront aux commandes à Bagdad. L’Arabie saoudite, grand ennemi de l’Iran qu’elle accuse d’expansionnisme, l’acceptera-t-elle ? Israël d’acceptera-t-il, alors que ce pays est menacé de destruction par Téhéran, et que l’élection de février prochain pourrait être remportée par Benyamin Netanyahou et ses amis « faucons » ?
Que fera Obama si ces deux États s’arrangent, d’une manière ou d’une autre, pour faire obstacle au retrait américain d’Irak ?
Source: Yahoo News
Obama n’est pas un descendant d’esclaves. Il ne fait pas non plus partie de ce qu’on appelle les « Noirs en colère » qui effraient tant les Blancs. Si une seule fois, durant la campagne électorale, le candidat démocrate avait haussé le ton pour dénoncer le racisme, il aurait été sur le champ accusé de « rancunier » ou de « revanchard ». Et perdu l’élection.
C’est pourquoi sa tactique a consisté à répéter que l’identité raciale n’était pas son étendard, et que le fait d’être noir ne faisait pas de lui le représentant des Noirs. Ce qui ne l’empêchera nullement de penser, lorsqu’ il entrera en fonction, qu’au moment de sa naissance, en 1961, il y avait encore des lois racistes dans plusieurs Etats de son pays et que beaucoup d’Afro-américains étaient empêchés d’exercer leur droit de vote.
Il mesurera alors le chemin parcouru. Marqué par des luttes sanglantes et par des dirigeants exceptionnels comme Malcolm X et Martin Luther King, tous deux assassinés par des groupes racistes.
L’élection de Barack Hussein Obama est aussi un témoignage de la vitalité de la société américaine. Une démonstration que le « rêve américain » demeure vivant. Et que (presque) « tout est possible ». Une brise d’air frais après huit ans de puanteurs et de pratiques répugnantes de l’Administration Bush. C’est pourquoi, le nouveau président a annoncé que parmi ses premières mesures figurent : l’interdiction de la torture et la fermeture du bagne illégal de Guantanamo.
Sa singulière biographie, son allure élégante, ses exceptionnelles qualités d’orateur et ses dons de leader charismatique ont fait de lui, en peu de temps, une star politique admirée par l’opinion publique mondiale. Pour la première fois, un président des Etats-Unis (qui ne gouverne pas encore) est populaire dans des zones comme l’aire arabo-musulmane, l’Afrique sub-saharienne et l’Amérique latine. Régions où, pour des raisons historiques, il existe d’ordinaire une méfiance assez généralisée à l’égard de l’Oncle Sam. Nombre d’intellectuels habituellement critiques, à l‘intérieur et à l’extérieur des Etats-Unis, ont également célébré son élection.
Nelson Mandela, premier président noir d’Afrique du Sud, dans son message de félicitations, a déclaré : « Nous sommes convaincus que vous allez finalement parvenir à réaliser votre rêve de faire des Etats-Unis d’Amérique un partenaire à part entière dans une communauté de nations, qui se consacre à la paix et à la prospérité pour tous (1). »
De si grandes espérances ne pourront être que déçues. C’est d’ailleurs pourquoi, en se fondant sur sa longue expérience d’avoir eu affaire à dix présidents américains, Fidel Castro a suggéré de modérer les attentes : « Ce serait fort naïf de croire que les bonnes intentions d’une personne intelligente pourraient changer ce que des siècles d’intérêts et d’égoïsme ont créé. L’histoire humaine montre que ce n’est pas ainsi (2). »
Le plus dur pour Obama commence maintenant. D’abord, parce que le démarrage de son mandat aura lieu en plein milieu du pire krach économique depuis un siècle. Les Américains attendent de lui qu’il les fasse sortir de cette imbrication de crises (immobilière, bancaire, boursière) dans lesquelles l’Administration Bush les a plongés. Ils le supplient également d’éviter le naufrage industriel des constructeurs automobiles, les Big Three (Ford, General Motors, Chrysler). Et de sauver des millions d’emplois.
Par ailleurs, lui-même a promis d’instaurer une assurance-santé universelle que les quarante millions d’Américains dépourvus de sécurité sociale attendent désespérément. Sans compter le travail d’Hercule qui sera son projet de « Green New Deal ». Un ambitieux programme de développement de nouvelles technologies vertes pour en finir avec la dépendance du pétrole. Et rendre obsolescent l’usage des énergies fossiles. Comme quand, vers 1880, l’électricité remplaça le charbon et la vapeur.
Tout ceci ne se fera pas du jour au lendemain. Cela coûtera fort cher et les avantages ne seront pas évidents à court terme. Qui plus est, l’équipe économique choisie par le nouveau président et au sein de laquelle on retrouve des personnalités ultralibérales responsables en partie de la crise actuelle, comme Robert Rubin, Laurence Summers ou Timothy Geithner, n’est pas de nature à rassurer.
Il apparaît clair désormais que l’Administration Obama sera de centre-droit, c’est-à-dire plus à droite que le Congrès. Ce qui laisse présager des tensions bien plus fortes que prévu entre le législatif et l’exécutif. En particulier, les nouveaux élus démocrates lors du scrutin du 4 novembre dernier ne manqueront pas d’exprimer les impatiences de leurs électeurs durement touchés par la crise et fortement irrités par les aides massives versés par l’Etat à des banquiers dont les salaires et les primes continuent de scandaliser. Bref, l’enthousiasme d’aujourd’hui pourrait assez vite se transformer en déception, frustration et colère.
Le nouveau président n’aura pas non plus la partie facile en matière de politique extérieure. Là encore, l’équipe dont il a décidé de s’entourer pour gouverner, avec au premier plan Hillary Clinton, Robert Gates, et le général James Jones, semble très conservatrice. On la voit mal mettre en application les idées de changement exprimées par Obama.
L’ère Bush a marqué l’apogée de l’hégémonie mondiale des États-Unis. Un pouvoir en définitive éphémère et peu efficace. Car les guerres en Afghanistan et en Irak ont révélé que la suprématie militaire ne se traduit pas automatiquement par des victoires politiques. Par ailleurs, l’essor de la Chine et de l’Inde laisse présager que les jours des États-Unis comme première puissance économique sont comptés.
En d’autres termes, Obama aura à gérer la « nouvelle décadence » de son pays. Ce qui est toujours dangereux. Parce qu’il peut se retrouver à la merci d’escalades et de provocations. Non pas en Amérique latine où les choses pourraient s’améliorer rapidement si Washington soulage ou supprime l’embargo commercial contre Cuba et s’il rétablit des relations constructives avec le Venezuela et la Bolivie. Mais au Proche-Orient où la situation demeurera très tendue. Et où elle pourrait même s’aggraver.
Par exemple, si Obama retire les troupes d’Irak, comme il l’a promis et comme le souhaite la plupart des Américains, le vainqueur de la guerre sera, objectivement, l’Iran, car les chiites, alliés de Téhéran, resteront aux commandes à Bagdad. L’Arabie saoudite, grand ennemi de l’Iran qu’elle accuse d’expansionnisme, l’acceptera-t-elle ? Israël d’acceptera-t-il, alors que ce pays est menacé de destruction par Téhéran, et que l’élection de février prochain pourrait être remportée par Benyamin Netanyahou et ses amis « faucons » ?
Que fera Obama si ces deux États s’arrangent, d’une manière ou d’une autre, pour faire obstacle au retrait américain d’Irak ?
Source: Yahoo News