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Tribune Libre
17/07/2006 - 15:55

Sud Liban, Gaza et l'Iran

La lutte contre l’influence grandissante de l’Iran au P-O en filigrane de la confrontation au Liban et à Gaza

Les dés sont jetés, tous les masques sont tombés. Dès le départ, nul n’était vraiment dupe et ne pouvait occulter la dimension régionale, avec un arrière-fond politico-communautaire, des opérations militaires déclenchées mercredi dernier par le Hezbollah, du fait de ses tirs de katiouchas contre le nord d’Israël et de son incursion en territoire israélien pour enlever les deux soldats de Tsahal.


Sud Liban, Gaza et l'Iran
La décision de mener une opération d’une telle envergure n’a pu en aucune façon être prise localement par le parti intégriste. Sur le plan doctrinal, d’abord, le Hezbollah s’est aligné en effet, dès sa fondation au début des années 80, sur le système politique qui régit la République islamique iranienne, à savoir le principe dit « wilayat al-fakih ». En clair, les grandes décisions d’ordre stratégique, dont notamment les options de guerre ou de paix, doivent obligatoirement être prises, ou tout au moins être approuvées, par une autorité religieuse suprême (chiite), le « walih al-fakih ». Depuis sa création, le Hezbollah a choisi de reconnaître comme « walih al-fakih » le guide de la Révolution iranienne, qui n’est autre, présentement, que Khameneï (et avant lui l’ayatollah Khomeiny).

Même si l’on suppose, ensuite, que le Hezbollah aurait pu dépasser théoriquement cet aspect doctrinal – éventualité fort peu probable –, il paraît exclu (réalisme politique oblige) qu’il ait entrepris une telle action – si tant est que la décision était libanaise – sans une coordination préalable avec ses alliés régionaux.

Dans l’un ou l’autre de ces deux cas de figure, le résultat est le même et le créneau irano-syrien dans la décision de déclencher les opérations militaires paraît évident. Depuis quelques semaines, on assistait d’ailleurs à une multiplication des indices reflétant une aggravation de la tension entre l’axe Téhéran-Damas, d’une part, et la communauté internationale et les principaux pays arabes, d’autre part. Les négociations sur le dossier nucléaire iranien étaient dans l’impasse, poussant ainsi les pays occidentaux de même que la Russie et la Chine à envisager, une nouvelle fois, un recours au Conseil de sécurité. Parallèlement, le président Bachar el-Assad opposait pratiquement une fin de non-recevoir à la dernière médiation entreprise par son homologue égyptien, Hosni Moubarak, afin d’amener la Syrie à se montrer coopérative sur le plan du règlement du lourd contentieux avec le Liban. Dans le même temps, Damas redoublait d’efforts sur la scène libanaise dans le but de regrouper les nostalgiques de l’ère syrienne en vue de déstabiliser l’édifice souverainiste mis en place à la faveur de la révolution du Cèdre.

Ce net durcissement de l’axe irano-syrien s’est inscrit dans un contexte géopolitique marqué par l’influence grandissante de l’Iran comme puissance régionale, avec l’arme nucléaire à portée de main. Une influence grandissante qui se manifeste, dans cette partie du Proche-Orient (indépendamment du noyautage des chiites irakiens), par le soutien à une Syrie isolée et placée pratiquement, désormais, sous protection iranienne, par l’appui au Hamas dans les territoires palestiniens et, enfin, par la tête de pont que constitue le Hezbollah aux frontières d’Israël.

Les opérations militaires contre le Hezbollah de même que l’offensive contre le Hamas à Gaza peuvent ainsi être perçues sous l’angle d’une volonté de juguler, sinon d’éradiquer, l’implantation politique rampante de Téhéran dans cette région. Cela expliquerait la position en flèche adoptée par l’Arabie saoudite qui a condamné sans détour, pour la première fois, l’aventurisme du Hezbollah. Une attitude avalisée par le roi Abdallah de Jordanie et le président Moubarak. Au terme de la conférence des ministres arabes des Affaires étrangères, qui s’est tenue samedi au Caire, le chef de la diplomatie saoudienne Séoud el-Fayçal a été, en outre, on ne peut plus clair en dénonçant les initiatives « unilatérales qui portent préjudice » aux intérêts du monde arabe. Une allusion qui pourrait s’adresser aussi bien au Hezbollah qu’à Téhéran.

La confrontation actuelle s’accompagne ainsi d’une double offensive politique : celle des grands pôles arabes sunnites qui voient d’un mauvais œil l’influence croissante de l’Iran au P-O, et celle de la communauté internationale (dont notamment la Russie) qui cherche à empêcher la République islamique d’acquérir (grâce, entre autres, à l’arme nucléaire) une trop grande stature régionale. D’où la position du G8, hier, à Saint-Pétersbourg, qui a fait assumer au Hezbollah, qualifié d’« extrémiste », la responsabilité de l’escalade, en réclamant l’envoi au Liban-Sud d’observateurs internationaux, ce qui revient concrètement à mettre un terme à la présence armée de la tête de pont iranienne aux frontières d’Israël.

Dans la pratique, l’opération israélienne en cours semble ainsi bénéficier d’un appui tacite international et d’un laisser-faire arabe. Les deux parties qui s’affrontent aujourd’hui, en semant mort et destruction dans les quartiers, les villes et les villages du pays, affichent leur détermination à aller jusqu’au bout de leurs desseins, sans se soucier des pertes en vies humaines. Mais cette nouvelle épreuve imposée au Liban pourrait déboucher, malgré tout, sur une nouvelle renaissance du pays – encore une… Car une chose paraît certaine, à la lumière des circonstances de la confrontation présente : il ne saurait être question d’un retour au statu quo ante, en termes de « privilège militaire » que s’était octroyé, contre vents et marées, le Hezbollah.
Aussi bien le communiqué du G8, hier soir, que la teneur du discours plein d’émotion prononcé samedi par Fouad Siniora ont placé les jalons de la solution qui devrait poindre, tôt ou tard, à l’horizon : le rétablissement de la seule autorité du pouvoir central au Liban-Sud, sous ombrelle onusienne. C’est alors que devrait être lancé le chantier non seulement de la reconstruction, mais surtout de la recherche, enfin, d’un équilibre stable, durable et réaliste dans les rapports entre les composantes sociocommunautaires de la société libanaise.
Article signé Michel Touma
source: l'Orient le Jour


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