Il serait faux de prétendre, qu'au Sénégal, la politique est un sport national. Bien au contraire: il s'agit d'un drame épouvantable au cœur duquel se trouve Karim Wade* qui s'est lancé dans un combat contre Abdoulaye Wade, son propre Père. Mais Wade n'est pas César pas plus que Karim n'est Brutus; tout juste avons-nous affaire à un Iznogoud et un Isverybad sauf que le Sénégal n'est pas un Khalifat. Ce combat ne peut avoir qu'une issue: la mort politique des Wade avec, pour corollaire, la décomposition de toute une classe politique par la confusion qu'elle fait entre économie informelle, politique-business et libéralisme. Dommage, Karim aurait pu être le symbole du métissage culturel si cher à Senghor tout autant que le porteur du message universaliste auquel nous, Sénégalais, sommes attachés. Dois-je vraiment démontrer l'objectif parricide de Karim? Je ne le crois pas car chacun pressent que les portefeuilles ministériels dévolus à Karim Wade ont été exigés, arrachés par une multitude de manifestations capricieuses du fils prodigue soutenu par une caste de golden boys avides de pouvoir et d'argent pour lesquels tout est à vendre. Le Sénégal y perd son âme et les démons, sous diverses appellations telles que Cadres libéraux PDS, y règnent en Maitres de l'ombre dans une impunité totale et au mépris des lois les plus élémentaires. Qui, en effet, peut penser que le Président Wade serait assez méchant pour utiliser son fils comme fusible ou assez bête pour imposer un Karim Wade qui ne brille que par ses échecs? Et cette hideuse arrogance qui pousse Karim à publier une lettre ouverte exigeant d'être - par plébiscite - jugé sur ses résultats. Un Ministre peut-il faire cela? Non, cent fois non, sinon à l'occasion de sa démission. C'est ainsi que le message à retenir de cette lettre me parait être "j'y suis, j'y reste!" Avec quelle légitimité, quelle base populaire? Celle de son Père dont on sait que la santé est défaillante? Je n'en vois pas d'autre! Et c'est ce qui a fait dire à Robert Bourgi: "Karim n'a rien à faire en politique". Et Alain Juppé, Ministre français des affaires étrangères de surenchérir: "Ce pays (le Sénégal) est un pays ami qui nous aide notamment dans l’affaire Libyenne. Le Président Wade a très clairement pris position pour le départ de Kadhafi. Je serais tenté de dire qu’il faut éviter que les mêmes causes se produisent dans son pays". Il était temps que les amis du Sénégal rompent le silence et, de fait, dénoncent l'Etat dans l'Etat, nébuleuse à la physionomie mafieuse constituée par Karim Wade et ses courtisans qui semblent s'être emparés de tous les leviers du pouvoir. Souvenez-vous que Karim Wade se serait écrié: "si tu es mon ami je te suivrais jusqu'en enfer!" Cette formule, aussi affectueuse et loyale qu'elle paraisse, cache le dessein diabolique de n'emmener personne au paradis… Dans un tout autre registre, il serait non pertinent d'interpréter l'intervention financière de l'Agence française de développement, par l'injection qu'elle fait de 60 millions d’euros, soit près de 40 milliards de francs Cfa, comme étant autre chose qu'une aide directe à la population sénégalaise dans le but de lui éviter d'affronter la répression autant que la sclérose économique provoquée par les délestages intempestifs de courant. Ce n'est pas Paris ni Bruxelles qui ont lâché le Sénégal, mais bien les Wade qui se sont démarqués de la communauté internationale par leur comportement en inadéquation avec les inspirations légitimes des Sénégalais. Qui peut, en effet, imaginer qu'Alain Juppé, patron de la politique étrangère française aurait parlé sans consulter Bruxelles, Washington, Londres et Berlin? Pour autant, tout n'est pas dit et, à cet égard, les silences quasi religieux du Premier Ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, qui gère au jour le jour une politique qu'il ne conduit pas, sont éloquents et le positionnent d'ores et déjà dans l’opposition. Encore faut-il que Maitre Wade ne se contente pas de renoncer à sa candidature pour un nouveau mandat mais démissionne purement et simplement. S'il ne le faisait pas, Karim refuserait de partir. La situation du Sénégal l'impose, le bon sens populaire l'exige: les Wade doivent partir et le Président du Senat, Pape Diop, négocier avec l'opposition un gouvernement de transition. La solution reste ouverte; si les Wade ne la saisissent pas, l'opposition n'aura plus qu'à attendre que, de gré ou de force populaire, le fruit tombe de l'arbre pour le cueillir aussi sanglant qu'il sera. Dans ce sens, il faut rendre justice à Karim Wade lorsque la presse sénégalaise lui fait dire à Robert Bourgi: "Tonton, le Sénégal brule". Et Karim de demander à Bourgi l'intervention de l'armée Française. S'il s'agit d'un mouvement de panique, il serait alors motivé par le refus d'une armée Sénégalaise de tradition Républicaine d'entrer en répression contre son peuple. Oui, cette nuit-là, le 27 juin 2011, le Sénégal brûlait et si l'on peut penser que le grand brasier ne s'est pas étendu, il n'en reste pas moins vrai que le feu couve encore et ce n'est certes pas les appels au calme d'Ousmane Tanor Dieng, Secrétaire Général du Parti Socialiste (PS), leader de la principale composante politique de l'opposition, ni la maturité politique des cadres du Benno Siggil Sénégal dans la gestion pacifiste qu'ils ont eue de la crise, qui empêcheront l'explosion du "Yen a Marre Sénégalais" qui vaut bien le "Dégage" de la révolution Arabe.
* Ministre d’État, Ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Énergie.
Libasse Djite, djitemamadou@yahoo.fr
* Ministre d’État, Ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Énergie.
Libasse Djite, djitemamadou@yahoo.fr