Plus de 20 millions d'euros d'avoirs irakiens datant de l'ère de Saddam Hussein restent bloqués en France. Malgré une résolution de l'ONU datant de 2003, Bagdad ne parvient pas à convaincre Paris de lui donner ce pactole.
Adoptée en mai de cette même année, la résolution 1483 du Conseil de sécurité de l'ONU, appuyée un mois plus tard par une décision du Conseil européen, réclamait «instamment» que les avoirs et ressources économiques du régime déchu soient transférés sur un compte international. Ce dernier est passé en 2004 sous le contrôle des nouvelles autorités irakiennes.
«La France est l'un des derniers pays au monde à ne pas l'avoir fait», regrette un diplomate irakien, qui dénonce «la mauvaise volonté» de la présidence de Jacques Chirac sur ce dossier. «Même les paradis fiscaux, comme le Luxembourg, ont transféré à Bagdad l'argent de Saddam Hussein», ajoute ce diplomate pour qui «la France viole, dans son esprit au moins, une résolution de l'ONU».
Depuis 2003, les avocats du gouvernement irakien ont multiplié les demandes d'explication auprès du Quai d'Orsay puis de Bercy, qui gère ce dossier sensible. Sans succès. «Nous espérons qu'avec le réchauffement des relations entre les deux pays depuis l'élection du président Sarkozy, nos lettres ne vont plus rester sans réponse», affirme au Figaro l'avo-cat-conseil du gouvernement irakien, Me Ardavan Amir-Aslani. Il vient d'obtenir un rendez-vous à la mi-janvier avec Christine La-garde, le ministre de l'Économie.
Pour les Irakiens, le temps presse. En effet, à partir du 1er janvier, en vertu de la résolution 1483, leurs avoirs bloqués à la Banque de France pourraient être saisis par des tiers, autres que leurs propriétaires qui sont la Banque Rafidain, la Compagnie de réassurance d'Irak et la Banque centrale.
Villa à Cannes
Bercy invoque un argument juridique pour s'opposer à ce transfert. «Pour changer la propriété d'un bien qui a été confisqué, nous devons faire adopter une nouvelle loi», explique-t-on à Bercy. «Mais il n'y a pas à changer de loi puisque les propriétaires de ces avoirs sont restés les mêmes», répond la partie irakienne.
Même la Suisse, où le dictateur dissimula une partie de sa fortune, a fini par jouer le jeu. Après une longue bataille judiciaire, l'ambassade d'Irak à Paris est parvenue à récupérer au printemps 2007 une somptueuse villa près de Cannes, qui appartenait via une société écran domiciliée à Fribourg à Barzan al-Tikriti, le demi-frère de Saddam exécuté cette année à Bagdad. Comme tous les avoirs de Saddam Hussein à l'étranger, «le Mas» et ses deux piscines avec vue imprenable sur la mer avaient été achetés par trois prête-noms : un chauffeur du tyran, un de ses gardes du corps et un cuisinier, lesquels avaient ensuite cédé leur titre de propriété à la société fiduciaire suisse Logarchéo.
Après un refus des autorités françaises de leur transférer la valeur de cette villa soit 12 millions d'euros , Bagdad se retourna auprès de Logarchéo, qui fit la sourde oreille. Après de nombreux courriers, les autorités helvétiques consentirent finalement à récupérer le titre de propriété des mains du principal dirigeant de Logarchéo, avant de le transmettre au gouvernement irakien. Un travail de fourmi, à la mesure de ce qu'est la traque internationale du trésor de guerre de Saddam, quatre ans après la chute du dictateur exécuté par pendaison il y a un an. «Nous sommes tombés par hasard sur Logarchéo en fouillant dans la représentation diplomatique irakienne à Genève», confie un autre diplomate irakien.
Aujourd'hui, Bagdad espère que les Français finiront par suivre l'exemple de leurs voisins suisses, afin de les aider à débusquer le reste de l'argent caché de Saddam Hussein dans l'Hexagone, l'un de ses principaux partenaires commerciaux dans les années 1970 et 1980.
Participations dans des sociétés françaises
Outre la villa de Cannes et les avoirs gelés à la Banque de France, l'Irak de Saddam Hussein détenait en effet des participations dans des entreprises françaises via des sociétés off shore, basées notamment en Suisse ou à Panama. L'une de ces sociétés fantoches, Montana Management, possédait 8,4% de Hachette et 2,5% de Matra, avant leur fusion dans Lagardère SCA. Une participation estimée aujourd'hui à environ 200 millions d'euros. Son ancien propriétaire, Khalaf al-Dulaymi, un ancien cadre du Baas proche de Saddam Hussein, serait réfugié en Jordanie où il n'est guère inquiété. Les avocats de l'Irak ont demandé la saisie des biens de Dulaymi, qui possédait une autre société mirage, Midco, mais celui-ci a fait opposition.
«En Syrie ou en Jordanie, malgré nos protestations, nous ne sommes jamais parvenus à récupérer les milliards de dollars qui y ont été transférés en camions juste avant la guerre», déplore-t-on à Bagdad. «Mais en France aussi, certaines personnes savent beaucoup de choses sur le magot de Saddam, mais on a du mal à arracher leur coopération», poursuit Me Aplani. À défaut de rouvrir le chapitre des relations obscures entre Bagdad et Paris des années 1970-1980, la France de Nicolas Sarkozy pourrait au moins régler les créances de l'Irak post-Saddam.
Source: http://www.lefigaro.fr
Adoptée en mai de cette même année, la résolution 1483 du Conseil de sécurité de l'ONU, appuyée un mois plus tard par une décision du Conseil européen, réclamait «instamment» que les avoirs et ressources économiques du régime déchu soient transférés sur un compte international. Ce dernier est passé en 2004 sous le contrôle des nouvelles autorités irakiennes.
«La France est l'un des derniers pays au monde à ne pas l'avoir fait», regrette un diplomate irakien, qui dénonce «la mauvaise volonté» de la présidence de Jacques Chirac sur ce dossier. «Même les paradis fiscaux, comme le Luxembourg, ont transféré à Bagdad l'argent de Saddam Hussein», ajoute ce diplomate pour qui «la France viole, dans son esprit au moins, une résolution de l'ONU».
Depuis 2003, les avocats du gouvernement irakien ont multiplié les demandes d'explication auprès du Quai d'Orsay puis de Bercy, qui gère ce dossier sensible. Sans succès. «Nous espérons qu'avec le réchauffement des relations entre les deux pays depuis l'élection du président Sarkozy, nos lettres ne vont plus rester sans réponse», affirme au Figaro l'avo-cat-conseil du gouvernement irakien, Me Ardavan Amir-Aslani. Il vient d'obtenir un rendez-vous à la mi-janvier avec Christine La-garde, le ministre de l'Économie.
Pour les Irakiens, le temps presse. En effet, à partir du 1er janvier, en vertu de la résolution 1483, leurs avoirs bloqués à la Banque de France pourraient être saisis par des tiers, autres que leurs propriétaires qui sont la Banque Rafidain, la Compagnie de réassurance d'Irak et la Banque centrale.
Villa à Cannes
Bercy invoque un argument juridique pour s'opposer à ce transfert. «Pour changer la propriété d'un bien qui a été confisqué, nous devons faire adopter une nouvelle loi», explique-t-on à Bercy. «Mais il n'y a pas à changer de loi puisque les propriétaires de ces avoirs sont restés les mêmes», répond la partie irakienne.
Même la Suisse, où le dictateur dissimula une partie de sa fortune, a fini par jouer le jeu. Après une longue bataille judiciaire, l'ambassade d'Irak à Paris est parvenue à récupérer au printemps 2007 une somptueuse villa près de Cannes, qui appartenait via une société écran domiciliée à Fribourg à Barzan al-Tikriti, le demi-frère de Saddam exécuté cette année à Bagdad. Comme tous les avoirs de Saddam Hussein à l'étranger, «le Mas» et ses deux piscines avec vue imprenable sur la mer avaient été achetés par trois prête-noms : un chauffeur du tyran, un de ses gardes du corps et un cuisinier, lesquels avaient ensuite cédé leur titre de propriété à la société fiduciaire suisse Logarchéo.
Après un refus des autorités françaises de leur transférer la valeur de cette villa soit 12 millions d'euros , Bagdad se retourna auprès de Logarchéo, qui fit la sourde oreille. Après de nombreux courriers, les autorités helvétiques consentirent finalement à récupérer le titre de propriété des mains du principal dirigeant de Logarchéo, avant de le transmettre au gouvernement irakien. Un travail de fourmi, à la mesure de ce qu'est la traque internationale du trésor de guerre de Saddam, quatre ans après la chute du dictateur exécuté par pendaison il y a un an. «Nous sommes tombés par hasard sur Logarchéo en fouillant dans la représentation diplomatique irakienne à Genève», confie un autre diplomate irakien.
Aujourd'hui, Bagdad espère que les Français finiront par suivre l'exemple de leurs voisins suisses, afin de les aider à débusquer le reste de l'argent caché de Saddam Hussein dans l'Hexagone, l'un de ses principaux partenaires commerciaux dans les années 1970 et 1980.
Participations dans des sociétés françaises
Outre la villa de Cannes et les avoirs gelés à la Banque de France, l'Irak de Saddam Hussein détenait en effet des participations dans des entreprises françaises via des sociétés off shore, basées notamment en Suisse ou à Panama. L'une de ces sociétés fantoches, Montana Management, possédait 8,4% de Hachette et 2,5% de Matra, avant leur fusion dans Lagardère SCA. Une participation estimée aujourd'hui à environ 200 millions d'euros. Son ancien propriétaire, Khalaf al-Dulaymi, un ancien cadre du Baas proche de Saddam Hussein, serait réfugié en Jordanie où il n'est guère inquiété. Les avocats de l'Irak ont demandé la saisie des biens de Dulaymi, qui possédait une autre société mirage, Midco, mais celui-ci a fait opposition.
«En Syrie ou en Jordanie, malgré nos protestations, nous ne sommes jamais parvenus à récupérer les milliards de dollars qui y ont été transférés en camions juste avant la guerre», déplore-t-on à Bagdad. «Mais en France aussi, certaines personnes savent beaucoup de choses sur le magot de Saddam, mais on a du mal à arracher leur coopération», poursuit Me Aplani. À défaut de rouvrir le chapitre des relations obscures entre Bagdad et Paris des années 1970-1980, la France de Nicolas Sarkozy pourrait au moins régler les créances de l'Irak post-Saddam.
Source: http://www.lefigaro.fr
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