L'imaginaire et le rêve européen
Il est impossible de s'imaginer le futur de l'Europe sans l'Union Européenne, ni la paix durable sans le principe primordial de solidarité et de coopération entre États souverains et indépendants. Mais il faut continuer imaginer pour pouvoir esquisser les contours de cette Union dans un cadre contemporain du monde démocratique car sans une idée préliminaire de l'imaginaire, nulle finalité n'est possible. L'histoire de l'Europe est une histoire romantique qui a trouvé dans le désir mimétique des peuples le grain de la prospérité et de la cohésion humaine. Tout à fait comme dans le romantisme classique, le sentiment domine la raison, la passion remplace la pensée et le commun anéantit le personnel. Continuer à imaginer l'Europe aujourd'hui, c'est arrêter de penser au singulier et comprendre que le succès n'est pas donné, mais acquis et qu'il exige une continuité irrévocable.
La France a rêvé de cette Union. Robert Schuman, ministre des affaires étrangères en 1950, a voulu ériger, en partant d'une Europe dévastée par la guerre et polarisée par l'histoire, une communauté unie et cohérente qui sera plus qu'une simple Communauté européenne du charbon et de l'acier. Et son rêve fut réalisé. Cinquante-cinq ans plus tard, Jacques Chirac n'a pas pu réaliser un autre rêve - voir la Constitution européenne acceptée par les Français - malgré son attachement fidèle à la philosophie européenne. Il n'a pas réussi à expliquer aux Français que la Constitution commune n'est pas un document qui abolira la Constitution française et qui ne la remplacera pas. Elle ne porte ce nom que pour s'inscrire dans le cadre communautaire étymologique de la libre circulation, de l'espace sans frontières, de la monnaie unique, de l'intégration des citoyens dans la politique commune et de l'Union Européenne. C'est au tour de la France de jouer. Constituer ou séparer? Imaginer ou réaliser? Expliquer ou agir?
La France a rêvé de cette Union. Robert Schuman, ministre des affaires étrangères en 1950, a voulu ériger, en partant d'une Europe dévastée par la guerre et polarisée par l'histoire, une communauté unie et cohérente qui sera plus qu'une simple Communauté européenne du charbon et de l'acier. Et son rêve fut réalisé. Cinquante-cinq ans plus tard, Jacques Chirac n'a pas pu réaliser un autre rêve - voir la Constitution européenne acceptée par les Français - malgré son attachement fidèle à la philosophie européenne. Il n'a pas réussi à expliquer aux Français que la Constitution commune n'est pas un document qui abolira la Constitution française et qui ne la remplacera pas. Elle ne porte ce nom que pour s'inscrire dans le cadre communautaire étymologique de la libre circulation, de l'espace sans frontières, de la monnaie unique, de l'intégration des citoyens dans la politique commune et de l'Union Européenne. C'est au tour de la France de jouer. Constituer ou séparer? Imaginer ou réaliser? Expliquer ou agir?
La Constitution européenne et la paralysie communautaire
Beaucoup d'événements concernant l'Europe, séparés et indépendants à premier regard, sont en fait impliqués dans une chaîne causale de nature politique et historique qui à présent escamote beaucoup de maillons faibles. La Constitution européenne (j'utilise ce nom car c'est le nom populaire de ce texte qui n'est pas tout à fait une vraie constitution) a été freinée par les Français parce que le nom même «constitution» renvoie directement à une unité nationale, gardée par les peuples tout au long de leur histoire, qui est dotée d'abord d'une signification «intime» et nationale. La Constitution, grosso modo, est le texte «sacré» sur lequel repose le fondement même du pays. Est-il possible de demander à 27 pays d'abolir leurs vingt-sept Constitutions et perdre son visage identitaire?
Cependant, les points-clés de la Constitution européenne n'abolissent pas, au sens direct et implicite, les Constitutions nationales. Valéry Giscard d'Estaing, président de l'UE à l'époque, a effectué des travaux sur la Constitution mais ils ne représentent pas du tout un effort d'ériger une vraie Constitution de l'Europe, mais d'esquisser l'avenir de l'Europe dans un nouveau texte. Son travail sur la Convention est basé sur l'avenir de l'Union. Aujourd'hui, des années plus tard, elle vise quelques points importants:
-l'élection du président du Conseil européen, à la majorité qualifiée, pour un mandat de 2,5 ans renouvelables
-l'élection à la majorité simple par le Parlement européen, du président de la Commission, sur proposition du Conseil, « compte tenu des élections au Parlement »
-l'intégration de la Charte des droits fondamentaux
-la création d'un poste du ministre des affaires étrangères de l'UE, à la fois vice-président de la Commission et rattaché au Conseil
-une présentation plus claire de la représentation des compétences entre l'UE et les États membres
-les Parlements nationaux joueront un rôle plus important dans le contrôle des propositions de la Commission
Pourtant, il n'y a pas que Giscard d'Estaing qui ait travaillé sur cette réforme. En 2001, 105 personnalités politiques, issues des États membres et des pays candidats d'adhésion, ont collaboré et élaboré une version simplifiée du traité sur l'Union. Les points cités ci-dessus démontrent que la Constitution veut mettre en scène les citoyens et les Parlements nationaux, ce qui signifie autre chose que l'abolition du "national". L'élargissement de L'UE dans les dix ou vingt prochaines années portera à plus de 30 ou 35 pays. Il faut se poser la question du fonctionnement du Conseil et de l'unanimité au sein du Conseil car beaucoup de pays peuvent paralyser totalement l'Union européenne.
Cependant, les points-clés de la Constitution européenne n'abolissent pas, au sens direct et implicite, les Constitutions nationales. Valéry Giscard d'Estaing, président de l'UE à l'époque, a effectué des travaux sur la Constitution mais ils ne représentent pas du tout un effort d'ériger une vraie Constitution de l'Europe, mais d'esquisser l'avenir de l'Europe dans un nouveau texte. Son travail sur la Convention est basé sur l'avenir de l'Union. Aujourd'hui, des années plus tard, elle vise quelques points importants:
-l'élection du président du Conseil européen, à la majorité qualifiée, pour un mandat de 2,5 ans renouvelables
-l'élection à la majorité simple par le Parlement européen, du président de la Commission, sur proposition du Conseil, « compte tenu des élections au Parlement »
-l'intégration de la Charte des droits fondamentaux
-la création d'un poste du ministre des affaires étrangères de l'UE, à la fois vice-président de la Commission et rattaché au Conseil
-une présentation plus claire de la représentation des compétences entre l'UE et les États membres
-les Parlements nationaux joueront un rôle plus important dans le contrôle des propositions de la Commission
Pourtant, il n'y a pas que Giscard d'Estaing qui ait travaillé sur cette réforme. En 2001, 105 personnalités politiques, issues des États membres et des pays candidats d'adhésion, ont collaboré et élaboré une version simplifiée du traité sur l'Union. Les points cités ci-dessus démontrent que la Constitution veut mettre en scène les citoyens et les Parlements nationaux, ce qui signifie autre chose que l'abolition du "national". L'élargissement de L'UE dans les dix ou vingt prochaines années portera à plus de 30 ou 35 pays. Il faut se poser la question du fonctionnement du Conseil et de l'unanimité au sein du Conseil car beaucoup de pays peuvent paralyser totalement l'Union européenne.
L'Histoire et son bras de fer
REUTERS/ALEXANDER NATRUSKIN
L'échec du sommet à Samara entre l'Union Européenne et la Russie n'a étonné personne. Ce moment historique a été largement occasionné par l'embargo de la viande polonaise et par le déplacement, par les autorité estioneinnes, du monument à la gloire de l'Armée rouge à Tallinn. Mais son image s'inscrit aussi dans un contexte beaucoup plus large et complexe, tel que l'histoire commune du «Vieux continent» et de l'Union Européenne. L'élargissement de l'UE en 2004 - cette fois sans précédent, car des pays-satellites de l'ex-URSS de l'Europe centrale et orientale ont rejoint l'Union - a été possible parce qu'il existait encore un projet, celui de la Constitution, qui devait venir après l'élargissement. Outre les nombreuses rectifications et modernisations du fonctionnement de l'UE, elle devait introduire une chose très importante: l'extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil européen. Autrement dit, l'Union Européenne a été créée, au départ, pour réunir seulement six pays qui devaient adopter des décisions importantes quant aux décisions à l'unanimité du Conseil, l'organe suprême de législation européenne qui travaille de concert avec le Parlement. Aujourd'hui, la crise énergétique est issue de cette procédure institutionnalisée: avoir le droit de veto au sein du Conseil. La Pologne l'a utilisé tout en respectant ses intérêts nationaux. Si la Consitution avait été ratifiée, ce veto aurait été anéanti et subordonné à la volonté générale, celle du vote à la majorité qualifiée.
A l'heure actuelle, l'histoire européenne ne détend jamais son bras de fer et étouffe les relations intraeuropéennes. L'exemple de la Russie et de la Pologne nous en fournit une image parfaite. Si vous enquêtez auprès des polonais sur la raison du veto sur le nouvel accord de partenariat sur l'exportation du gaz et pétrole russes, ils exprimeront le refus de la Pologne de «danser pour l'éternité la danse russe». Le ministre des affaires étrangères russe réplique que le Russie a déjà prévenu l'Union européenne sur les conséquences de l'adhésion des pays de l'ex-URSS. L'histoire «noire» de la Pologne et de la Russie ne fait que renforcer les sentiments de mépris qui parcourent les relations de ces deux pays depuis l'enferment de la Pologne dans le champ d'influence de la Russie après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, la force des ex-pays satellites de l'URSS est renforcée par leur adhésion à l'UE et il semble que nul côté n'infléchira sa position «diplomatique». Il reste à comprendre pour quelle raison la diplomatie est confondue avec l'histoire et l'intérêt commun avec la dignité nationale.
Le bilan actuel est plus qu'inquiétant: la Polognle, mais aussi l'Estonie et la Lituanie, se voient des pays de «seconde catégorie» face à la Russie. Il me semblait qu'au départ l'idée de l'Europe communautaire était dans le principe de l'unification européenne et de la suppression des différences au profit de l'intérêt commun...
A l'heure actuelle, l'histoire européenne ne détend jamais son bras de fer et étouffe les relations intraeuropéennes. L'exemple de la Russie et de la Pologne nous en fournit une image parfaite. Si vous enquêtez auprès des polonais sur la raison du veto sur le nouvel accord de partenariat sur l'exportation du gaz et pétrole russes, ils exprimeront le refus de la Pologne de «danser pour l'éternité la danse russe». Le ministre des affaires étrangères russe réplique que le Russie a déjà prévenu l'Union européenne sur les conséquences de l'adhésion des pays de l'ex-URSS. L'histoire «noire» de la Pologne et de la Russie ne fait que renforcer les sentiments de mépris qui parcourent les relations de ces deux pays depuis l'enferment de la Pologne dans le champ d'influence de la Russie après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, la force des ex-pays satellites de l'URSS est renforcée par leur adhésion à l'UE et il semble que nul côté n'infléchira sa position «diplomatique». Il reste à comprendre pour quelle raison la diplomatie est confondue avec l'histoire et l'intérêt commun avec la dignité nationale.
Le bilan actuel est plus qu'inquiétant: la Polognle, mais aussi l'Estonie et la Lituanie, se voient des pays de «seconde catégorie» face à la Russie. Il me semblait qu'au départ l'idée de l'Europe communautaire était dans le principe de l'unification européenne et de la suppression des différences au profit de l'intérêt commun...
Sarkozy et Barosso en quête d'un nouveau traité
José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, nous l'a dit clairement en présence du Président français Nicolas Sarkozy lors de sa visite à Bruxelles le 23 mai, et il ne reste que de le comprendre: le futur de l'Europe n'est plus possible sans une modernisation des institutions et du fonctionnement de l'Union. Imaginons que le «retour de la France en Europe» et du son poids politique se réaliseront avec l'aide de notre nouveau Président dans une nouvelle direction. Il ne convient plus d'interdire et de s'opposer au sein de l'UE, mais de constituer et de continuer à imaginer notre demain sans avoir peur du rêve romantique européen.
Une Constitution simplifiée ne défera pas le «noeud européen». Une décision pragmatique est aussi possible: rebaptiser la Constitution en «simple» traité. Mais dans tous les cas, même si l'extension du vote à la majorité qualifiée passe et un gouvernement économique européen voit le jour, il reste à expliquer comment ce traité remontera les passions historiques à l'Est et au centre de l'Europe.
Une Constitution simplifiée ne défera pas le «noeud européen». Une décision pragmatique est aussi possible: rebaptiser la Constitution en «simple» traité. Mais dans tous les cas, même si l'extension du vote à la majorité qualifiée passe et un gouvernement économique européen voit le jour, il reste à expliquer comment ce traité remontera les passions historiques à l'Est et au centre de l'Europe.
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