Boubacar Joseph Ndiaye, le mythique conservateur de la Maison des esclaves de Gorée, a tiré hier sa révérence. Reconnu comme l’un des fidèles gardiens de la mémoire du peuple noir, « Le vieux sage », comme on l’appelait, aura permis à de nombreux Africains et des personnalités du monde de se souvenir du commerce le plus honteux que l’humanité ait jamais connu. A 87 ans, il termine sa mission.
Celui qui, à travers de la Maison des esclaves de Gorée (Sénégal), était reconnu comme l’un des fidèles gardiens de la mémoire du peuple noir. Plus qu’un sacerdoce, il en avait fait sa mission sur terre. Conservateur en chef de cette maison mythique pendant quatre décennies, Boubacar Ndiaye était cet homme qui charmait par son discours et faisait pleurer quand il relatait les dures souffrances des esclaves. Par son charisme et sa voix imposante, il arrivait toujours à attirer l’attention du visiteur le plus indifférent. Et chaque fois qu’il retraçait l’enfer quotidien des esclaves dans ce lieu sinistre et les conditions de leur déportation vers le Nouveau monde, beaucoup de voyageurs ne pouvaient s’empêcher de verser des larmes. « Le Vieux sage », comme on l’appelait également, refusait qu’on balaie d’un revers de main trois siècles de traite des Noirs.
Dans ce combat contre l’oubli et l’indifférence, cet homme a permis, en 1990, la restauration de la Maison des esclaves par l’Organisation des Nations unies pour la science et la culture (Unesco). Ce temple de la mémoire que les Africains et ceux de la diaspora considèrent comme un lieu de pèlerinage.
Grâce à lui également, chefs d’Etat, monarques et grands hommes de ce monde réservent souvent une journée ou un après-midi pour prendre la chaloupe de Gorée. Si le passage à la Maison des esclaves de Gorée est devenu l’un des rendez-vous phare des touristes, Joseph Ndiaye y a largement contribué.
D’origine goréenne, cette icône du peuple noir a vu le jour en 1922 à Rufisque. Il a travaillé comme compositeur-typographe avant de s’engager sous les drapeaux de l’Armée française en 1943. Il participe à la libération de la France. Ancien Tirailleur sénégalais, Joseph Ndiaye a également servi en Extrême-Orient à la 1ère ? Brigade des Commandos parachutistes coloniaux.
Plusieurs fois distingué, le vieil homme est fait Officier de l’Ordre national du lion, Chevalier de l’Ordre national du Mérite et Chevalier de l’Ordre du Mérite sénégalais. Son travail de conservateur est également approuvé par plusieurs universités étrangères qui l’ont fait Docteur honoris causa. En 2004, le promoteur du gala de la Reconnaissance, Ndiawar Touré, lui rend un vibrant hommage en le faisant parrain de la manifestation.
Inspiré par cette forte personnalité, le réalisateur algérien Rachid Bouchareb en fera le personnage d’Alloune dans Little Senegal (2001). Également dans le long-métrage du documentaire américain The Healing Passage : Voices from the water de Saundra Sharp, Babacar Joseph Ndiaye y joue son propre rôle. Il en est de même dans le film suisse Retour à Gorée mettant en scène le chanteur Youssou Ndour.
Dans un passé récent, Joseph Ndiaye faisait pudiquement état de sa misère personnelle. Et dans une interview, il disait : « Il est vrai que j’ai reçu tous les honneurs du monde, mais on ne nourrit pas sa famille avec des citations ».
Mort à l’âge de 87 ans, le vieux sage lègue aux Africains et au monde deux ouvrages : « La Maison des esclaves de Gorée » (1990) et « Il fut un jour à Gorée : l’esclavage raconté à nos enfants » (2006), Michel Lafon. Dans ce livre, l’ancien conservateur de la Maison des esclaves explique aux enfants « la capture des Africains, les marchés où on les vendait comme des animaux, les soutes pestilentielles des bateaux qui les emmenaient en Amérique et notamment aux Antilles, les plantations où ils travaillaient sous la menace du fouet, les récalcitrants ayant le jarret coupé... »
Un document d’une humanité exceptionnelle éloigné de la rage et de la rancœur qui obstruent toute compréhension à la question.
Il sera inhumé aujourd’hui au cimetière layène de Cambérène après la levée du corps à 11 heures à l’Hôpital Principal de Dakar.
Source: Le Soleil
Celui qui, à travers de la Maison des esclaves de Gorée (Sénégal), était reconnu comme l’un des fidèles gardiens de la mémoire du peuple noir. Plus qu’un sacerdoce, il en avait fait sa mission sur terre. Conservateur en chef de cette maison mythique pendant quatre décennies, Boubacar Ndiaye était cet homme qui charmait par son discours et faisait pleurer quand il relatait les dures souffrances des esclaves. Par son charisme et sa voix imposante, il arrivait toujours à attirer l’attention du visiteur le plus indifférent. Et chaque fois qu’il retraçait l’enfer quotidien des esclaves dans ce lieu sinistre et les conditions de leur déportation vers le Nouveau monde, beaucoup de voyageurs ne pouvaient s’empêcher de verser des larmes. « Le Vieux sage », comme on l’appelait également, refusait qu’on balaie d’un revers de main trois siècles de traite des Noirs.
Dans ce combat contre l’oubli et l’indifférence, cet homme a permis, en 1990, la restauration de la Maison des esclaves par l’Organisation des Nations unies pour la science et la culture (Unesco). Ce temple de la mémoire que les Africains et ceux de la diaspora considèrent comme un lieu de pèlerinage.
Grâce à lui également, chefs d’Etat, monarques et grands hommes de ce monde réservent souvent une journée ou un après-midi pour prendre la chaloupe de Gorée. Si le passage à la Maison des esclaves de Gorée est devenu l’un des rendez-vous phare des touristes, Joseph Ndiaye y a largement contribué.
D’origine goréenne, cette icône du peuple noir a vu le jour en 1922 à Rufisque. Il a travaillé comme compositeur-typographe avant de s’engager sous les drapeaux de l’Armée française en 1943. Il participe à la libération de la France. Ancien Tirailleur sénégalais, Joseph Ndiaye a également servi en Extrême-Orient à la 1ère ? Brigade des Commandos parachutistes coloniaux.
Plusieurs fois distingué, le vieil homme est fait Officier de l’Ordre national du lion, Chevalier de l’Ordre national du Mérite et Chevalier de l’Ordre du Mérite sénégalais. Son travail de conservateur est également approuvé par plusieurs universités étrangères qui l’ont fait Docteur honoris causa. En 2004, le promoteur du gala de la Reconnaissance, Ndiawar Touré, lui rend un vibrant hommage en le faisant parrain de la manifestation.
Inspiré par cette forte personnalité, le réalisateur algérien Rachid Bouchareb en fera le personnage d’Alloune dans Little Senegal (2001). Également dans le long-métrage du documentaire américain The Healing Passage : Voices from the water de Saundra Sharp, Babacar Joseph Ndiaye y joue son propre rôle. Il en est de même dans le film suisse Retour à Gorée mettant en scène le chanteur Youssou Ndour.
Dans un passé récent, Joseph Ndiaye faisait pudiquement état de sa misère personnelle. Et dans une interview, il disait : « Il est vrai que j’ai reçu tous les honneurs du monde, mais on ne nourrit pas sa famille avec des citations ».
Mort à l’âge de 87 ans, le vieux sage lègue aux Africains et au monde deux ouvrages : « La Maison des esclaves de Gorée » (1990) et « Il fut un jour à Gorée : l’esclavage raconté à nos enfants » (2006), Michel Lafon. Dans ce livre, l’ancien conservateur de la Maison des esclaves explique aux enfants « la capture des Africains, les marchés où on les vendait comme des animaux, les soutes pestilentielles des bateaux qui les emmenaient en Amérique et notamment aux Antilles, les plantations où ils travaillaient sous la menace du fouet, les récalcitrants ayant le jarret coupé... »
Un document d’une humanité exceptionnelle éloigné de la rage et de la rancœur qui obstruent toute compréhension à la question.
Il sera inhumé aujourd’hui au cimetière layène de Cambérène après la levée du corps à 11 heures à l’Hôpital Principal de Dakar.
Source: Le Soleil
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