Une toute petite équerre en acier trempé. Le vieux bédouin vêtu de tissus en lambeaux, à la barbe si longue, si blanche l'avait dessinée dans le sable: sept centimètres dans sa plus grande longueur et trois centimètres pour la plus petite. Un forgeron avait eu pitié et la lui avait fabriquée. Stanislas obtint aussi les outils qui lui étaient nécessaires.
A Gao, sous la pression des islamistes, les indépendantistes s'en étaient allés. La presse avait écrit: "Moins de trois mois après la prise des trois régions du nord du Mali (Kidal, Gao et Tombouctou) par les rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), la rupture est consommée avec leurs anciens alliés islamistes." Stanislas avait fait alors vœu de silence et s’était embarqué sur la pirogue. Bercé par les flots timides, il s'endormait bien souvent ignorant des corps humains ou d’animaux qui souillaient de leur sang l'eau du fleuve.
Lorsque l’embarcation s’était rapprochée du rivage boueux, accidenté, un groupe armé avait tiré de courtes rafales en l'air. Pour se protéger du vent de sable qui s'élevait en spirales, Stanislas réajusta son chèche bleu dont l'indigo lui marquait le visage en sueur.
Tous le monde débarque. La pirogue danse, elle semble soulagée. Ici, pas de contrôle de papiers: il suffit d'affirmer: " Il n y a qu'un Dieu c'est Dieu et Mohamed est son prophète". Stanislas se tait et ses compagnons de voyage témoignent qu'il est muet.
- Es- tu musulman? lui demande un garde islamiste
Stanislas répond en acquiesçant du chef mais voilà que le piroguier s’écrie:
- attention on le connait pas à Gao. Il est peut être chrétien ou juif.
- Es-tu chrétien, es-tu juif? demande le garde islamiste.
Même acquiescement de Stanislas, tout le monde s'esclaffe. Rires bruyants accompagnés de quelques rafales de tir. Des balles qui ne blesseront plus personne: elles se perdent dans le bleu azur du ciel. Quelqu’un affirme: ce vieux est fou; voyez comme les équerres qu'il prétend vendre sont ridiculement petites. Amenons-le, Allah aime les fous qui viennent à lui.
C'est ainsi qu'encordé à ses compagnons, Stanislas, poussé par les moudjahidines vers un champ de mines que le cortège devait franchir, ferma les yeux et fit confiance à celui qui le précédait. Ce n’était pas si difficile: les pieds nus frappaient le sol, heurtaient des pierres, quelquefois un corps mou... Était-ce le cadavre d'un animal, d'un humain? Cela servait-il de repère? Qui sait?
A cet instant précis la presse occidentale publiait: "En moins d’une semaine, les militants d'Ansar Dine (les défenseurs de la foi), qui avaient pris avec l'aide de rebelles touaregs le contrôle du nord du Mali, ont détruit au moins huit mausolées et plusieurs tombeaux à Tombouctou, ville considérée comme celle des «333 saints» et qui demeure le berceau de l'islam soufiste."
Arrivé à Tombouctou, on prénomma le vieil homme Abdallah, soit créature d'Allah. Stanislas Abdallah ouvrit les yeux, le soleil était encore à l'orient.
Lorsque le soleil fut à son zénith et la ville inondée de lumière, Stanislas Abdallah commença son travail. Peut-être, un jour, saura-t-on comment ce vieil homme réussit à fabriquer à Tombouctou de si minuscules équerres et à les vendre à 333 enfants.
A Gao, sous la pression des islamistes, les indépendantistes s'en étaient allés. La presse avait écrit: "Moins de trois mois après la prise des trois régions du nord du Mali (Kidal, Gao et Tombouctou) par les rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), la rupture est consommée avec leurs anciens alliés islamistes." Stanislas avait fait alors vœu de silence et s’était embarqué sur la pirogue. Bercé par les flots timides, il s'endormait bien souvent ignorant des corps humains ou d’animaux qui souillaient de leur sang l'eau du fleuve.
Lorsque l’embarcation s’était rapprochée du rivage boueux, accidenté, un groupe armé avait tiré de courtes rafales en l'air. Pour se protéger du vent de sable qui s'élevait en spirales, Stanislas réajusta son chèche bleu dont l'indigo lui marquait le visage en sueur.
Tous le monde débarque. La pirogue danse, elle semble soulagée. Ici, pas de contrôle de papiers: il suffit d'affirmer: " Il n y a qu'un Dieu c'est Dieu et Mohamed est son prophète". Stanislas se tait et ses compagnons de voyage témoignent qu'il est muet.
- Es- tu musulman? lui demande un garde islamiste
Stanislas répond en acquiesçant du chef mais voilà que le piroguier s’écrie:
- attention on le connait pas à Gao. Il est peut être chrétien ou juif.
- Es-tu chrétien, es-tu juif? demande le garde islamiste.
Même acquiescement de Stanislas, tout le monde s'esclaffe. Rires bruyants accompagnés de quelques rafales de tir. Des balles qui ne blesseront plus personne: elles se perdent dans le bleu azur du ciel. Quelqu’un affirme: ce vieux est fou; voyez comme les équerres qu'il prétend vendre sont ridiculement petites. Amenons-le, Allah aime les fous qui viennent à lui.
C'est ainsi qu'encordé à ses compagnons, Stanislas, poussé par les moudjahidines vers un champ de mines que le cortège devait franchir, ferma les yeux et fit confiance à celui qui le précédait. Ce n’était pas si difficile: les pieds nus frappaient le sol, heurtaient des pierres, quelquefois un corps mou... Était-ce le cadavre d'un animal, d'un humain? Cela servait-il de repère? Qui sait?
A cet instant précis la presse occidentale publiait: "En moins d’une semaine, les militants d'Ansar Dine (les défenseurs de la foi), qui avaient pris avec l'aide de rebelles touaregs le contrôle du nord du Mali, ont détruit au moins huit mausolées et plusieurs tombeaux à Tombouctou, ville considérée comme celle des «333 saints» et qui demeure le berceau de l'islam soufiste."
Arrivé à Tombouctou, on prénomma le vieil homme Abdallah, soit créature d'Allah. Stanislas Abdallah ouvrit les yeux, le soleil était encore à l'orient.
Lorsque le soleil fut à son zénith et la ville inondée de lumière, Stanislas Abdallah commença son travail. Peut-être, un jour, saura-t-on comment ce vieil homme réussit à fabriquer à Tombouctou de si minuscules équerres et à les vendre à 333 enfants.
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