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Sénégal d'Aujourd'hui
30/07/2009 - 18:15

Kaolack : après six mois de bras de fer, la famille Sidibé expulsée

Après une première tentative d’expulsion qui avait fait deux morts en décembre 2OO8, l’huissier de justice Seydi Diamil Seck est revenu à la charge hier aux premières heures de la matinée pour déloger la famille Sidibé.


Cette fois-ci, contrairement à la première opération qui avait occasionné la mort d’un policier et d’un membre de la famille, les choses se sont déroulées dans le calme. Les Sidibé ,n’ayant apporté aucune résistance face à la centaine d’hommes supervisée par le commissaire Yayé Tamba du commissariat central de Kaolack assisté du lieutenant Faye conduisant le détachement du GMI.

Il est à peine huit heures, au moment où la nationale I commençait à s’animer avec son flot de véhicules et de « Jakarta », que deux cars du groupement mobile d’intervention suivis de quelques voitures de police traversent la grisaille matinale de la capitale du Saloum juste libérée d’une nuit pluvieuse. La maison des Sidibé, source d’un conflit latent qui semblait s’éterniser, est vite ceinturée, les voies d’accès interdites à toute circulation sur un périmètre assez important. Arrivée à hauteur du domicile où les membres de la famille Sidibé avaient passé la nuit sans se soucier des événements qui allaient survenir, les policiers investissent rapidement la maison, surprenant les Sidibé qui ont été sommés par l’huissier de vider la maison. Ayant constaté l’importance des forces de police déployées pour la circonstance, les membres de famille s’exécutent dans le calme avant de trouver refuge dans un établissement scolaire contigu à leur domicile, cette maison du centre-ville qu’ils venaient de perdre de façon définitive.

Seule une photo de Baye Niasse

Alertées par les radios, les populations de Kaolack commencèrent à investir les alentours du théâtre des opérations, sans pouvoir s’approcher du fait de la ceinture de sécurité mise en place par les hommes du commissaire Tamba. Alors commence la sortie des bagages de la maison. Un spectacle autant poignant que fascinant qui amène certaines personnes émotives et fragiles à verser des larmes.

Ainsi, une dizaine de lits, des armoires et autres bahuts, des ustensiles de cuisine, des matelas, et autres bagages se superposent à même le sol et dans la rue par des manœuvres sous l’œil vigilent de l’huissier et des policiers qui n’étaient là pour assurer la sécurité des exécutants.

C’est le moment que nous avons saisi pour entrer dans la maison, pratiquement vide, à part les manœuvres qui continuaient à fouiner même dans les sanitaires, cuisine et magasin et les policiers qui veillaient au grain. Dans le grand bâtiment qui servait de gîte à la famille, seule une photo de Cheikh Al Islam El hadj Ibrahima Niasse, pendant sur un large mur dépeint, constitue une éclaircie dans la grisaille de la détresse. Des cahiers d’écoliers, des chaussures de femmes et d’enfants sont éparpillés par-ci par là.

Dans la vaste cour, une brebis blanche surprise par les événements, les yeux hagards cherche un refuge.

Dehors, c’est toujours la consternation et le désarroi pour les populations qui ont été plus spectatrices qu’actrices. En effet, beaucoup ont reproché à ces populations leur passivité.

La seule action est venue du gardien de l’école Coopé, adossée à la maison des Sidibé qui, après la scellée et le départ des policiers, a aidé les membres de la famille à intégrer l’école. Malgré la bonne volonté du gardien, les conditions dans lesquelles se trouve la famille ne sont pas des meilleures, entassée qu’elle est dans une salle de classe à moitié inondée.

Ce n’est que tard dans la matinée qu’un élan de solidarité s’est noué à partir d’un appel lancé par une radio de la place, ce qui a permis l’octroi d’un terrain et de sommes d’argent par des particuliers.

L’association des juristes sénégalaises (AJS), mue par une volonté de construire une société basée sur l’équité et l’égalité de genre, mène une réflexion sur le Code sénégalais de la famille. C’est dans le cadre d’un symposium en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer et le Haut commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme

Revisiter la loi, les préceptes religieux et la sociologie par un partage des avis en vue d’aboutir à des propositions de réformes consensuelles. Tels sont les objectifs du symposium qui se tient depuis hier à Dakar pour adapter les dispositions désuètes ou discriminatoires à l’égard des femmes. Si en 1972, le Code de la Famille « fut le moteur d’une émancipation pour les nombreux principes consacrés pour une reconnaissance des droits de la femme », a déclaré Marie Delphine Ndiaye, présidente de l’AJS, « l’évolution de la société et les mutations qu’elle entraine aujourd’hui imposent que certaines de ses dispositions soient revues pour une meilleure prise en compte du contexte actuel », a-t-elle insinué. Selon Mamadou Ndiaye, le directeur de cabinet du Garde des sceaux, le Code de la famille qui constituait un progrès lors de son avènement nécessite, plus de trente ans après, une « adaptation à l’évolution interne et internationale ». Aussi, a-t-il suggéré de prendre en compte dans les réformes les dispositions en déphasage avec les réalités économiques, culturelles ou sociologiques.

C’est ainsi qu’un comité scientifique de préparation du symposium regroupant des juristes, des religieux a été mis sur pied. Ce comité a fait des propositions d’harmonisations concrètes afin que « le Code de la famille devienne un code respectueux des droits humains de tous et de toutes, pour une famille épanouie sans distinction d’âge, de sexe ou de religion », a dit Fatou Kiné Camara, secrétaire générale adjointe. Le Comité a proposé 37 applications visant à amender ou abroger certaines dispositions, notamment l’article 3 ainsi formulé : « l’enfant légitime porte le nom de son père, et celui de sa mère s’il le souhaite. (...) Lorsque l’accolement des noms de famille des deux parents dépasse le nombre de deux patronymes, il appartient à chaque parent de choisir parmi ses patronymes celui qu’il va transmettre à son enfant.

Le Comité a aussi proposé que l’âge légal du mariage pour la femme soit porté à 18 ans au lieu de 16 ans. Idem pour la résidence dont le choix devra être déterminé par les deux époux. Pour certaines, il a été préconisé leur abrogation pure et simple. C’est le cas de l’article 107 sur les fiançailles qui stipule que « le fiancé évincé sans motif légitime pourra demander qu’il soit formé opposition au mariage de son ancienne fiancée jusqu’à restitution du cadeau ».

Le Comité scientifique a également proposé la rédaction et la vulgarisation du code de la famille dans les langues nationales pour le rendre plus accessible et permettre aux populations, en particulier aux femmes, d’aller vers les tribunaux en cas de problèmes. Les membres du comité ont aussi plaidé pour la simplification des procédures et leur adaptation au contexte de pauvreté.

A l’issue du symposium, un mémorandum sera porté à l’attention des autorités gouvernementales et des parlementaires », a déclaré la présidente de l’AJS. Pour la vulgarisation de leurs travaux, le Comité peut compter sur le soutien du ministère de la Famille et du Parlement qui ont promis de prendre la question à bras le corps.


Source: Le Soleil


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