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Asie & Extrême Orient
16/04/2009 - 19:58

Un mois de vote pour 714 millions d'Indiens

Le manque d'inspiration idéologique des deux principales formations politiques risque de faire dépendre l' issue des législatives, qui s'achèveront le 13 mai, du score des partis régionaux.



Plus de 700 millions d'Indiens se rendront aux urnes à partir de jeudi pour renouveler la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement. Pour des raisons de sécurité, mais aussi de logistique , le scrutin se déroulera en cinq phases, du 16 avril au 13 mai. «Cette année, plus encore que lors des élections précédentes, la sécurité sera une priorité, l'Inde est plus que jamais vulnérable au terrorisme venu de l'étranger », confie un haut fonctionnaire à Delhi.

Si l'Inde est encore sous le choc des attaques de Bombay (près de 200 morts, du 26 au 29 novembre 2008), le terrorisme ne s'est pas imposé pour autant comme thème de campagne . Pas plus que la crise économique mondiale , qui a fini par toucher l'Inde ; et pas davantage que le communautarisme, malgré les violences antichrétiennes qui ont secoué l'an dernier l'Orissa, sur la côte est, et le Karnataka, au sud. Même les discours enflammés contre les musulmans de l'«autre» Gandhi , le jeune Varun, qui court sous la bannière du BJP, le parti nationaliste hindou , n'ont pas réussi à faire mouche. Ils ont même plutôt embarrassé ses mentors politiques.

Résultat, faute de porter devant les é lecteurs des questions d'intérêt national, l'issue du scrutin risque fort de dépendre de la « politique politicienne» qui se mijote au niveau régional dans les 35 États de l'Union . «Voilà bien une é trange élection ! Le scrutin se déroule dans l'Inde tout entière sans qu'il y ait de questions nationales à la clé», s'exclame le Times of India. Le manque d'inspiration idéologique dont font preuve les deux grandes formations politiques explique peut-être pourquoi les Indiens les ont désert ées. Ni le Parti du Congrès, emmené par la dynastie Nehru-Gandhi sous la houlette de Sonia Gandhi, ni le BJP, qui manque en plus de leaders charismatiques, ne peut espérer former un gouvernement sans faire alliance avec des partis régionaux.

Ce «troisième front » est certes loin d'être uni, et tous ces petits partis courent en solitaire . Mais le plus minuscule d'entre eux sait qu'il sera courtisé, le moment venu, afin de constituer une coalition gouvernementale. «Les législatives 2009 se joueront au cours d'une sixième phase après le 16 mai», affirme l'analyste politique Yogendra Yadav, anticipant un long marchandage avant qu'un nouveau gouvernement ne prenne les rênes du pouvoir à Delhi. Parmi les États «faiseurs de roi », l'Uttar Pradesh arrive en tête. Mais le Tamil Nadu, fortement agité par le sort des Tamouls «frè res» au Sri Lanka et le rôle joué par Delhi dans le conflit, pèsera également lourd dans la balance.

Nombre d'analystes regrettent le côté «Clochemerle» de ce scrutin national. Ces élections se résument à une «interprétation locale d'enjeux nationaux», déplore Harish Khare, éditorialiste au quotidien The Hindu. En 2004, le BJP avait fait campagne sur un slogan global, « Shining India», l'«Inde qui brille», et cela ne lui avait pas réussi. Le parti nationaliste hindou avait sous-estimé deux facteurs : le manque d'intérêt politique traditionnel de l'upper middle class, la classe moyenne la plus riche, qui pratique allègrement l'abstention ; et, précisément, le caractère local des enjeux politiques en Inde. En cultivant l'Aam Admi, le M. Tout-le-Monde des campagnes indiennes, le Congrès avait remporté la mise. Sans toutefois obtenir la majorité absolue qui lui aurait permis de faire passer sans entraves ses réformes économiques et politiques.

L'accord controversé sur le nucléaire civil avec les États-Unis a bien failli faire tomber le gouvernement de Delhi en juillet . Le Parlement qui sortira des urnes à la mi-mai sera-t-il é claté au point que de nouvelles élections soient nécessaires dans moins de deux ans ? L'Inde peut-elle se permettre de mettre entre parenthèses les réformes qui lui ont valu de maintenir le cap sur une croissance de 7 % minimum ? Autant de questions sans réponses.

Le problème, reconnaît Harish Khare, c'est que nous ne savons pas grand-chose de la manière dont a évolué la société indienne en cinq ans. «Nous ne savons rien de l'humeur après les attentats de Bombay. Nous ignorons tout de l' impact des mauvaises nouvelles venues du Pakistan . Les images de la quasi-anarchie au Pakistan nous encouragent-elles à opter pour une solution raisonnable chez nous, ou bien nous poussent-elles secrètement dans les bras de notre propre orthodoxie de type taliban ?», s'interroge-t-il, en allusion à la tentation de l'extrémisme hindou face à la menace terroriste pakistanaise.


Source: Dabio

Awa Diakhate



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