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France
28/05/2007 - 10:27

Travail et société: faut il abolir le salariat?

La plus grosse mystification du siècle, c'est de prétendre faire du socialisme en conservant le salariat.

Le problème est qu'il n'y a pas de capital sans salariat et inversement. Inciter donc à de telles croyances est du même acabit que de parler de la « suppression du féodalisme par la nationalisation des propriétés des grands féodaux »... sans abolir le servage. Le plus ou moins d'autogestion ou de participation accordé aux serfs récalcitrants pour les motiver aux corvées ne change rien à la servitude. Même chose pour le salariat. Imaginez une usine autogérée fabriquant des matraques de C.R.S. ou des gadgets qui s'usent très vite dès qu'on s'en sert, avec à la tête un patron autogestionnaire et toujours des salaires. Donc une fois pour toutes, nous sommes dans une société salariale et non pas - seulement - de « profit », « industrielle » ou « capitaliste ». De la même façon que la société féodale ne fut pas seulement de privilège, agraire ou artisanale, mais de servage.



C'est important d'annoncer le comment de la mise en servitude. Pour en finir avec lui. Pour démystifier le creux des mots qui nous abusent. Tenez, on nous parle souvent de « transition vers le socialisme » : pas possible ! Entre l'esclave et le non-esclave, entre les salariés solitaires et soumis et les producteurs librement associés et fédérés, il n'y a pas de transition possible. Parler de transition, c'est mettre de côté l'abolition du salariat, changer la façade du capital, supprimer son caractère privé, l'étatiser. Si le salariat devenait salariat d'Etat, ça ne changerait rien au mode de servitude et d'atomisation de l'existence. A l'ennui au travail, aux travaux socia­lement inutiles, à l'aliénation par le salaire, à la soumission aux autorités et autres « impératifs économiques et étatiques ». Ça renouvellerait un peu les hiérarchies : les bureaucrates au lieu des actionnaires. Les cadres, ça reste, ça suit les uns ou les autres. Et puis tout n'a qu'un temps. L'ordre revient vite, il faut savoir attendre. Fiat est à Moscou, Nivéa et Shell à Budapest. Et Pékin ? Ça vient, merci.

Ce serait en 1968, après les «événements» que la CGT raya l'abolition du salariat qui figurait encore dans ses statuts. Certes, ça n'y figurait qu'à titre de reliquat des temps lointains. Mais quand même ! A-t-on cru que ça pouvait donner des idées folles à des «masses» qui s'étaient révélées trop fugueuses?

On passe des heures ennuyeuses, fatigantes, en état de soumission, dans la seule attente de la sortie du boulot et de la monnaie finale. Sans broncher. Sans rire et sans chanter. « Faut bien vivre », comme on dit.

Or la plupart des produits fabriqués sont socialement inutiles du point de vue d'une société non-salariale puisque leur seule utilité est ici marchande : elle enchaîne le salarié à la consommation pour réaliser en argent le travail gratuit qu'on vient de lui prendre ! Qui en profite ? Le capital et toute sa hiérarchie salariée qui use du savoir et du pouvoir. Par ailleurs, dans le cadre du salariat près de la moitié des salariés ordinaires passe son temps à surveiller, à contrôler un travail fait sans motivation et sans passion, dans le désintéressement total, ou à comptabiliser et vendre le surtravail des autres afin de le transformer en marchandise et en argent. On mesure l'énorme gâchis de temps de travail, sans parler de celui consommé par l'oppression étatique, par la centralisation économique et le gigantisme des échanges de la société salariale.

Supprimez le capital et le salariat, le salaire et l'argent, I'État et l'économie de marché des produits, inséparable de l'économie de marché des hommes, et vous libérez une masse énorme de temps de travail. Ajoutez le temps disponible de tous les reclus qui voudraient bien produire un peu mais pas trop, les vieux, les enfants, les handicapés, les femmes vouées au rôle de reproductrice ou de gardienne au foyer, mettez toutes les hiérarchies au travail productif et vous aboutissez au compte suivant : deux heures de travail par jour pour la production de biens socia­lement utiles suffiraient amplement pour vivre enfin dans une société non-salariale.

Esclavage, servage, salariat : où est la différence ? Dans les chaînes, dans l'a­veuglement. Esclaves et serfs savaient - c'était visible à l'oeil nu - qu'ils fournis­saient gratuitement la plus grande partie de leur travail aux maîtres et qu'on les y forçait. La révolte était claire : il s'agissait d'en finir avec la servitude.

Le salarié, lui, ne voit rien, ne sait rien, ne veut plus rien. Même ses luttes finissent par l'enchaîner davantage au salariat. La rétribution par le salaire engendre en effet des miracles. Elle cache le travail fourni gratuitement. Le salarié se croit rémunéré pour son travail, tout va donc bien. S'il « prend conscience » qu'il est lésé, que va-t-il réclamer ? La suppression du travail gratuit ? Non, un salaire plus fort ! Plus d'avoir au lieu de plus d'être. C'est le cercle vicieux qui commence. Tout le syndicalisme s'est engouffré là-dedans. Comme l'employeur ne récupère le travail extorqué que transformé en argent par la vente des produits, il lui suffira d'aug­menter le prix des produits pour ne rien perdre - c'est l'inflation ; puis de renou­veler l'arsenal des besoins et des marchandises tout en recherchant de nouveaux marchés du travail, de nouvelles techniques plus riches en travail gratuit - c'est alors l'expansion sophistiquée.

Le travail salarié est la vraie, la seule matière vivante du capital. Toute technique, toute énergie, tout produit ne valent pour lui que par leur richesse en travail gratuit, en surtravail. Le salariat est donc la pollution des pollutions, le ver au pied de l'arbre pourri, le moteur du tout explosif. Il ne peut être qu'anti-écolo­gique. Mais c'est aussi en soi la pire, la plus viscérale des pollutions. Elle pollue le salarié du dedans, elle l'aveugle, elle l'enchaîne, elle le mutile de l'intérieur ; elle l'épuise en même temps que la terre.

Car contrairement à l'esclave ou au serf, le salarié ne va pas se croire forcé d'aller s'enfermer à l'usine ou au lieu de travail. II y va de lui-même. C'est un im­mense progrès qui donne au patron une figure de donneur d'emploi (« je te donne du travail, si tu n'es pas content tu vas voir ailleurs ») et au salarié deux petits sen­timents de « libre » disposition de sa personne : la mobilité du travail et l'illusion de réalisation personnelle dans l'acte d'achat (« je vais voir ailleurs si le salaire est meilleur » et « en sortant du boulot, j'irai à Carrefour pour voir si c'est moins cher »). La rétribution par le salaire accomplit des miracles : elle constitue le salarié en « individu » qui n'a par définition aucun droit de regard sur la production, sur les besoins, sur les modalités même de l'existence. Il est là en apparence pour « lui », pour « ses » besoins ; comme si ceux-là n'étaient jamais déterminés socialement. Il n'est pas là pour le travail, qui ne peut avoir ici aucun sens social et com­munautaire, il est là pour le salaire.

Le tour est joué. Pas besoin de milice pour forcer à bosser et fournir le tra­vail gratuit. Le patron privé ou d'État n'est plus un ennemi radical. Entre lui et le salarié, il y a le gri-gri du salaire. Un véritable tabou. Le système pousse même le sa­larié à ne pas trop se batailler pour ne pas perdre l'emploi, ou au contraire à batail­ler pour le conserver. C'est la prison auto-consentie et bientôt auto-gérée. On réclame du travail ! 40 heures en 36, près de 44 en 76 pour les non-chômeurs. Sur un tel système, la religion du travail, du productivisme et de l'emploi pousse tout seul et fleurit autant dans le patronat que dans le syndicalisme. Celui-là s'est donc engagé dans une « grande bataille pour l'emploi », au lieu de s'acharner à développer une union réelle des chômeurs et des salariés actifs pour réclamer une rétribution uniforme pour tous.

Ça heurterait de front les classifications et la sacro-sainte division du travail (le même geste de travail toute la vie) ? Mais le salariat - donc le capital - repose là-dessus : sur la division, sur la concurrence des salariés dans les « boîtes » ou à l'air, sur le marché du travail. C'est vrai qu'une telle union déborderait sur la vie, hors du cadre syndical étroitement institutionnalisé. Mais le salariat repose sur la division entre ce qui serait syndical, politique et existentiel : sur la vie en miettes, sur l'atomisation, la décomposition de l'existence.

C'est là que l'État sert à quelque chose. Pas de salariat sans une machine qui vous prend le pouvoir de votre existence et ne vous le rend pas. Sans une machine qui organise la décomposition sous le masque de la « communauté sociale » qu'elle détruit sans cesse. Pas de salariat sans État. Pour former à la concurrence sur le mar­ché du travail et à l'enfermement dans l'usine, cette machine essentiellement capita­liste, il faut la gestion étatique de l'enfermement institutionnel familial, scolaire, asilaire, militaire. Il faut la réclusion des déviants, des handicapés, des vieux et des femmes reproductrices. Ça forme à la compétition, à la soumission, à la discipline. De lui-même, le libre salarié-citoyen-consommateur ira au boulot. Le salaire, l'État, la marchandise agiront du dedans. Comme le cancer, l'ulcère ou la carie dentaire ; au Moyen-Age, la force armée venait du dehors comme la vérole ou la peste. Le salariat et ses maladies, étaient un grand progrès.

Sylvie Delhaye



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1.Posté par glups le 31/05/2007 03:04 | Alerter
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j'ai tout lu mais je n'ai rein compris :-(

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