Il n'y aura pas eu de miracle lors des élections législatives togolaises. Les premiers résultats donnent une majorité absolue au Rassemblement du peuple togolais [RPT, au pouvoir], soit 49 sièges. L'Union des forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio, dont le rôle majeur dans l'avènement du changement démocratique au Togo est connu, vient loin derrière, avec 21 élus. Les jeux sont faits et, sans surprise, le parti au pouvoir remporte des législatives qui se voulaient pourtant une étape de renouvellement du paysage politique togolais. Ces résultats mitigés pourraient, si l'on n'y prend garde, éclipser certains aspects positifs de ces premières élections consensuelles de l'ère post-Eyadéma. Il y a eu d'abord cette longue phase de négociation pour aboutir à une plate-forme électorale acceptable par tous, puis une campagne électorale et des élections sans violences. L'opposition a raison de se méfier du verdict des urnes. En plus du manque parfois suspect de matériel électoral, les observateurs de l'Union africaine (UA) ont noté un "usage abusif" des procurations. Mais, comme les émissaires de l'Union européenne, ils diront certainement que ces irrégularités, selon la formule consacrée, ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité du scrutin. Il y a comme une logique non écrite selon laquelle le RPT doit remporter les législatives aujourd'hui et, demain, la présidentielle, pour assurer la continuité – gage, selon certains, de stabilité. Et tout semble être mis en oeuvre pour y arriver. La rapidité avec laquelle l'Union européenne (UE) a donné son satisfecit au déroulement des élections montre bien qu'on a hâte de tourner la page, mais de préférence avec Faure Gnassingbé et son parti aux commandes. Le jeune président togolais en lui-même ne pose pas problème. Si les acquis actuels ont été obtenus, c'est bien grâce à son ouverture d'esprit. Il a une fibre démocratique qui demande à être confortée. Mais arrivera-t-il à opérer la mutation démocratique, affublé de la vieille garde aux réflexes autocratiques qui a servi son père et qui tient à préserver ses intérêts ? Faure, qui n'était qu'un jeune homme occupé à ses études, ne peut être tenu pour comptable des dérives de son père et de son clan. Il a, de ce fait, des circonstances atténuantes. Mais il a des défis à relever s'il tient à conserver l'estime de son peuple malgré ces élections controversées. La nécessité de s'entourer d'une nouvelle génération de cadres de son parti, qui n'ont pas les mains tachées de sang, est évidente. En outre, la large victoire de son parti ne doit pas signer la mort de sa politique d'ouverture. Il devrait tendre la main à l'opposition, quitte à ce qu'elle refuse de la prendre si elle veut assumer pleinement son rôle de contre-pouvoir. La responsabilité de cette opposition dans la phase actuelle est également très grande. Autant elle a fait preuve de sens du compromis en acceptant de participer aux élections malgré le déséquilibre évident (découpage électoral, mode de scrutin, moyens financiers à l'avantage du pouvoir), autant elle doit user de méthodes pacifiques pour revendiquer ses droits. A cet effet, l'UFC, qui arrive en deuxième position et confirme sa place de chef de file de l'opposition, ne doit pas avoir honte de son score. Les résultats qu'elle a obtenus malgré la machine mise en place par le RPT sont un signe qu'elle compte dans le cœur des Togolais. Reste à consolider cette relation avec ses militants dans le cadre des institutions républicaines. Car ces législatives ne sont qu'un pas dans la longue marche du Togo vers un véritable Etat de droit. Le miracle, à force de persévérance, viendra peut-être un jour. www.courrierinternational.com
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