John William avait 20 ans, il était Noir.
Ils y étaient aussi...
La voix retentit, puissante. La caméra tourne autour du chanteur, d’un profil à l’autre. Dans la salle, le public debout est à l’image de celui qui, sur scène, pourtant étreint par une forte émotion, se tient digne et regarde droit devant. L’événement rassemble, à Strasbourg en 1995, des anciens déportés de la Seconde Guerre mondiale. John William, qui entraîne la salle dans son chant d’espoir, est noir. Cinquante ans auparavant, il a été déporté au camp de Neuengamme. Il avait alors 20 ans.
C’est après avoir vu John William, devenu chanteur, dans une émission de télévision que Serge Bilé, journaliste franco-ivoirien, décide en 1995 de se lancer dans la réalisation d’un documentaire sur les Noirs dans les camps nazis. « Je me suis dit qu’il ne devait pas être le seul. Je me suis mis à rechercher des témoignages, que j’ai enregistrés. » Le documentaire ne sera quasiment jamais diffusé, à l’exception de quelques festivals et d’une ou deux chaînes de télévision. Mais Serge Bilé continue à creuser le sujet, à rencontrer des témoins, directs et indirects, de l’époque. « Entre 1995 et 2005, j’ai appris beaucoup de choses, et j’ai donc eu envie de faire un livre qui soit la somme de tout ce que j’avais découvert depuis. »
Ce sera Noirs dans les camps nazis, un petit opuscule de 160 pages. Dans lequel Serge Bilé restitue ce qu’il a appris, découvert ou approfondi en dix ans : l’histoire du génocide des Herero, commis par la puissance coloniale allemande à l’orée du XXe siècle en Namibie ; l’épisode de la « honte noire en Rhénanie » – les troupes d’occupation françaises comptent dans leurs rangs des hommes venus d’Afrique – qui permet à Hitler d’écrire, dans Mein Kampf (1923), que « les juifs ont emmené les Nègres en Rhénanie dans le but de souiller la race aryenne » ; la stérilisation forcée, dès l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933, des enfants métis nés des relations de ces hommes avec des Allemandes ; le fait que les lois de Nüremberg (1935) précisent que « n’est pas de sang allemand celui qui a, parmi ses ancêtres, du côté paternel ou maternel, une fraction de sang juif ou de sang noir »… Or il y avait, avant guerre en Allemagne, environ 24 000 Afro-Allemands selon Serge Bilé, originaires pour la plupart des ex-colonies du Reich – Cameroun, Tanganiyka, Togo.
Source RFI.
Noirs dans les camps nazis, par Serge Bilé, Le serpent à plumes, 2005, 15,90 euros.
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