A l'appel d'une vingtaine d'organisations, le cortège parisien - 2.300 personnes selon la police, le double selon les organisateurs - a défilé du tribunal de Paris au ministère de la Justice en scandant : "La justice au pas, on n'en veut pas."
Des manifestations de plus faible ampleur ont été organisées dans plusieurs villes de province, comme à Toulouse ou à Lyon. Le fonctionnement des tribunaux a été souvent perturbé avec des renvois d'audience.
Cette mobilisation est relativement importante dans un univers judiciaire comptant 8.000 magistrats et 40.000 avocats.
Les participants entendaient demander notamment le retrait de l'avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Présenté la semaine dernière, il est vu comme une mise sous tutelle du système en raison de l'idée de supprimer le juge d'instruction et de modifier dans un sens restrictif les règles de prescription des délits financiers.
Les gardiens de prison mettent aussi en cause la politique consistant à fermer de petites prisons pour en faire construire de plus vastes confiées au secteur privé.
Les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, chargés du suivi des jeunes délinquants, mettent quant à eux en cause la baisse des crédits.
Des figures de la magistrature ont participé au cortège parisien, comme les juges d'instruction Marc Trévidic, Gilbert Thiel, Marie-Odile Bertella-Geffroy, Renaud Van Ruymbeke ou Isabelle Prévost-Desprez, présidente de chambre correctionnelle à Nanterre (Hauts-de-Seine).
UNE CIRCULAIRE DU MINISTÈRE
Avocats et magistrats en robe rouges avec parements d'hermine, gardiens de prison avec des drapeaux de la CGT et éducateurs ont repris en coeur des slogans comme "Assis, debout, mais pas couchés", ou "A ceux qui veulent enterrer les affaires, la justice répond qu'on ne les laissera pas faire".
Le juge Marc Trévidic, président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), a déclaré qu'il entendait envoyer un message au pouvoir politique.
"J'espère que cela aura une efficacité, pour faire comprendre à pas mal de gens qu'on va pas se laisser faire", a-t-il dit à des journalistes.
Renaud Van Ruymbeke estime que le projet de réforme de procédure part de mauvaises intentions.
"Il y a une volonté politique de reprendre en mains les enquêtes menées par des juges d'instruction indépendants en les mettant sous la coupe du parquet qui, lui, n'est pas indépendant", a-t-il dit à Reuters.
La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, qui a reçu une délégation de représentants des manifestants, a estimé que la réforme de la procédure pénale était une nécessité.
"Aujourd'hui, tout est fait pour que sa mise en oeuvre se passe dans les meilleures conditions possibles pour les magistrats, les personnels et les justiciables", peut-on lire dans un communiqué où elle affirme que la réforme donne davantage de droits aux victimes.
"Les mesures retenues assurent qu'aucune affaire ne puisse être étouffée", ajoute la ministre, qui assure que la réforme sera menée en étroite concertation avec tous les acteurs.
Le ministère a diffusé la veille de la manifestation une circulaire à la hiérarchie des tribunaux, rendue publique par les syndicats, où il est rappelé que les magistrats n'ont pas le droit de grève ou même celui de perturber les tribunaux.
Y est clairement brandie la menace de sanctions disciplinaires : "La participation d'un magistrat à une telle action est susceptible de constituer un manquement grave aux devoirs de son état", lit-on. Le ministère demande qu'un signalement des actions de protestation lui soit transmis.
Mardi, la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie avait annoncé par la même voie avoir obtenu le dégel de 30 millions d'euros de crédits de fonctionnement.
De nombreuses juridictions sont en effet depuis plusieurs mois dans l'incapacité de payer leurs frais.
La justice française a fonctionné en 2009 avec 6,6 milliards d'euros (2,5% du budget de l'Etat). Le Conseil de l'Europe classe la France au 35e rang sur 43 pour son effort financier en faveur de la justice.
Source: Reuters via Yahoo
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