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Europe
30/03/2009 - 16:56

Les élections turques ramènent le parti AKP aux réalités

La déception exprimée par le Premier ministre turc Tayyip Erdogan après les élections locales et régionales d'hier, marquées par un recul du Parti pour la justice et le développement (AKP), pourrait annoncer des compromis intérieurs et une politique plus réaliste.


L'AKP a obtenu 39% des voix aux municipales alors qu'il en espérait 47% comme aux législatives de 2007. C'est en outre son plus mauvais résultat depuis son arrivée au pouvoir en 2002.

Les analystes y voient un réveil brutal pour un parti quelque peu assoupi dans le confort du pouvoir, ainsi que pour un Premier ministre réfractaire aux critiques et guère enclin à reconnaître un échec.

Erdogan, qui avait fait de ces élections un référendum sur sept années de gouvernement AKP, a nettement sous-estimé le mécontentement de l'électorat face à la politique menée dans un pays guetté par la récession après des années de croissance.

"Nous pensons que le Premier ministre interprétera les résultats convenablement et se concentrera sur les problèmes économiques", dit Yarki Cebeci, économiste chez JP Morgan à Istanbul. "L'électorat turc a adressé un avertissement clair à l'AKP, en marquant son insatisfaction face au ralentissement économique."

En cours de campagne, Erdogan avait minimisé les effets de la crise mondiale sur la Turquie et imputé la montée du chômage (au taux record de 13,6%) à des milieux d'affaires incompétents.

L'AKP a été tenu en échec dans des villes clés sur lesquelles avaient porté ses efforts de campagne - en particulier Diyarbakir, dans le Sud-Est à majorité kurde, Izmir et Adana. Le parti au pouvoir a aussi enregistré de très nets reculs à Ankara, la capitale, et à Istanbul.

Les élections locales sont importantes en Turquie, où les gouvernements se trouvent sérieusement handicapés quand ils y réalisent de piètres scores. Les résultats de dimanche ne devraient pas bloquer les réformes mais pourraient obliger Erdogan à rechercher des compromis avec l'opposition pour atteindre ses objectifs. Ce qui pourrait, par contrecoup, renforcer les institutions démocratiques.

Erdogan s'est engagé à réformer la constitution établie par l'armée en 1982 et à modifier les règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle - initiatives qui permettraient de lever quelques obstacles à l'adhésion future du pays à l'Union européenne, mais qui risquent aussi de ranimer des tensions avec les laïques qui l'accusent de poursuivre un programme islamiste.

Des têtes pourraient tomber à la suite du faible score de l'AKP, bien qu'Erdogan ait assuré dimanche qu'un remaniement éventuel du cabinet ne découlerait pas des résultats électoraux.

"Il y aura quelques changements ministériels, mais seul Erdogan sait lesquels et quand ils auront lieu", déclarait-on de source gouvernementale avant les scrutins.

Le Premier ministre, issu des quartiers pauvres d'Istanbul et venu à la politique par l'école de la rue, révisera-t-il son style "direct", illustré par un vif accrochage verbal avec le président israélien Shimon Peres au forum de Davos ? Tout au plus partiellement, si l'on en juge par le passé.

Erdogan trône sur l'AKP un peu comme un sultan sur sa cour. A cet égard, il s'inscrit dans une lignée de dirigeants turcs récompensés dans les urnes pour leur dureté plutôt que leur compassion. Toutefois, milieux d'affaires et analystes jugent ce style porteur de divisions à un moment où la Turquie requiert d'urgence des réformes économiques, politiques et sociales.

Après la victoire de l'AKP aux législatives de 2007, provoquées par un conflit avec l'opposition laïque sur l'orientation du pays, Erdogan avait promis une ère de compromis.

Mais il avait peu après milité pour une levée de l'interdiction du voile islamique pour les étudiantes, suscitant ainsi de nouvelles tensions et une procédure judiciaire visant à faire interdire l'AKP pour activités islamistes.

A la fois charismatique et sévère, Erdogan demeure l'homme politique le plus populaire de Turquie et dirige le gouvernement fondé sur un seul parti le plus stable depuis des décennies. Il "mène le jeu, c'est le patron", note un de ses collaborateurs.

Il lui appartient donc de soutenir l'économie et de faire avancer les réformes, en particulier sur l'extension des libertés, comme l'illustre le bon score électoral enregistré par un parti pro-kurde dans le sud-est du pays.


Source: Yahoo News


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