"Si le pays n'est pas encore en faillite, c'est tout comme", écrivait mardi le quotidien français La Tribune. Les chiffres sont alarmants: en un an, la production industrielle a chuté de 29% et le PIB de 14,4%, alors que le taux d'inflation doit dépasser 20% sur l'ensemble de l'année et que la monnaie nationale a perdu près de la moitié de sa valeur face au dollar.
Une manifestation a regroupé 5000 personnes à Kiev pour réclamer le maintien des salaires. Leurs banderoles disaient "non à l'appauvrissement des gens" et "la patience n'est pas illimitée".
En Ukraine, la notion de faillite n'existe pas comme en Occident, quand l'Etat ne peut par exemple payer le salaire de ses fonctionnaires, il ne paye pas.
Depuis l'indépendance en 1991, la société ukrainienne est duale. Dans l'économie officielle, médecins, enseignants gagnent officiellement 200 dollars par mois (la devise nationale est la grivna, mais tout est calculé en dollars). Dans l'économie parallèle, ils vendent leurs soins, le droit de passer des examens, de vendre des diplômes. L'exemple le plus courant est évidemment celui des policiers qui, systématiquement, font payer les amendes de la main à la main. Récemment, un journal publiait les tarifs pour gagner une affaire devant un tribunal par catégorie de juge et d'organe légal.
Inflation galopante: les produits alimentaires ont pris 30% en quelques mois
On est dans une situation assez semblable a celle de l'Argentine: l'Ukraine est une société latinisée, en proie a des crises cycliques cachées par un vernis social (c'est le pays au monde qui a le plus de professeurs d'économie dans son Parlement!), mais assise sur une logique de clans.
Personnellement, j'incarne ces 20% de la population qui appartiennent à la classe moyenne, vivent dans une grande ville (Kiev) et ont des revenus réguliers. Je ressens l'inflation sur les produits alimentaires: légumes, viande, produits laitiers ont pris 30% en quelques mois. Cette situation tendue, en nette aggravation depuis un trimestre, était latente depuis un an.
Les gens sont fatalistes, n'ont aucune confiance dans l'Etat. Ils s'adaptent, retombent dans la combine, monnayent leurs influences. Dans les campagnes, la débrouille, le fermage individuel, le petit commerce de détail permettent aux gens de survivre. Récemment la hausse la plus spectaculaire a été le quadruplement du ticket de trolley et du jeton de métro.
La population a été marquée dans les années 1990 par une inflation galopante et un cours de sa monnaie qui n'était pas sans rappeler l'Allemagne des années 1930. Le gouvernement s'efforce donc toujours d'éviter tant que possible la dégringolade de la monnaie par rapport au dollar: le cours s'établit aujourd'hui à 7,8 grivna pour un dollar, contre 6 début novembre et 5 mi-septembre.
Les faillites de banques locales et russes, il y a dix ans, ont totalement annihilé la confiance dans les banques. Les banques occidentales essaient de s'implanter, mais dans un contexte de surcroit peu favorable. L'accès au crédit est possible mais à des taux rédhibitoires (entre 15 et 25%) et les garanties exigées sont complexes et très contraignantes pour les entreprises. On est à nouveau dans une logique de court terme, peu propice à l'investissement notamment dans l'immobilier qui s'écroule.
Il n'y a pas dans les faits d'assurance chômage. Dès qu'une personne perd son emploi elle en trouve un autre mal payé ou non, et partiellement au noir, qui, combiné à un petit business permettra de survivre. Situation classique de pays du tiers-monde.
Viktor Ioutchenko et la révolution orange incarnaient la possibilité de changer cet ordre des chose avec Iulia Timotchenko. Mais leur marge de manœuvre trop faible et leur manque de volonté de lutter contre la corruption donnent au citoyen de base un sentiment d'uniformité et d'inertie du système politique.
Le peuple ne se sent pas concerné par les problèmes d'adhésion à l'Otan ou par le conflit géorgien. Même la commémoration officielle de la famine artificielle de 1933 lors de la collectivisation forcée, qui a fait cinq millions de morts, s'est déroulée dans une relative indifférence.
La société ukrainienne n'est pas aussi structurée qu'en Occident avec ses contre-pouvoirs, ses syndicats, sa société civile; un mouvement de masse n'est donc pas a envisager. Elle est très dominée par les intérêts de grands groupes financiers et les oligarques. En revanche, on peut comme il y dix ans envisager à nouveaux des flux migratoires vers les Etats-Unis, l'Allemagne, la Pologne et le Canada.
Source: Yahoo News
Une manifestation a regroupé 5000 personnes à Kiev pour réclamer le maintien des salaires. Leurs banderoles disaient "non à l'appauvrissement des gens" et "la patience n'est pas illimitée".
En Ukraine, la notion de faillite n'existe pas comme en Occident, quand l'Etat ne peut par exemple payer le salaire de ses fonctionnaires, il ne paye pas.
Depuis l'indépendance en 1991, la société ukrainienne est duale. Dans l'économie officielle, médecins, enseignants gagnent officiellement 200 dollars par mois (la devise nationale est la grivna, mais tout est calculé en dollars). Dans l'économie parallèle, ils vendent leurs soins, le droit de passer des examens, de vendre des diplômes. L'exemple le plus courant est évidemment celui des policiers qui, systématiquement, font payer les amendes de la main à la main. Récemment, un journal publiait les tarifs pour gagner une affaire devant un tribunal par catégorie de juge et d'organe légal.
Inflation galopante: les produits alimentaires ont pris 30% en quelques mois
On est dans une situation assez semblable a celle de l'Argentine: l'Ukraine est une société latinisée, en proie a des crises cycliques cachées par un vernis social (c'est le pays au monde qui a le plus de professeurs d'économie dans son Parlement!), mais assise sur une logique de clans.
Personnellement, j'incarne ces 20% de la population qui appartiennent à la classe moyenne, vivent dans une grande ville (Kiev) et ont des revenus réguliers. Je ressens l'inflation sur les produits alimentaires: légumes, viande, produits laitiers ont pris 30% en quelques mois. Cette situation tendue, en nette aggravation depuis un trimestre, était latente depuis un an.
Les gens sont fatalistes, n'ont aucune confiance dans l'Etat. Ils s'adaptent, retombent dans la combine, monnayent leurs influences. Dans les campagnes, la débrouille, le fermage individuel, le petit commerce de détail permettent aux gens de survivre. Récemment la hausse la plus spectaculaire a été le quadruplement du ticket de trolley et du jeton de métro.
La population a été marquée dans les années 1990 par une inflation galopante et un cours de sa monnaie qui n'était pas sans rappeler l'Allemagne des années 1930. Le gouvernement s'efforce donc toujours d'éviter tant que possible la dégringolade de la monnaie par rapport au dollar: le cours s'établit aujourd'hui à 7,8 grivna pour un dollar, contre 6 début novembre et 5 mi-septembre.
Les faillites de banques locales et russes, il y a dix ans, ont totalement annihilé la confiance dans les banques. Les banques occidentales essaient de s'implanter, mais dans un contexte de surcroit peu favorable. L'accès au crédit est possible mais à des taux rédhibitoires (entre 15 et 25%) et les garanties exigées sont complexes et très contraignantes pour les entreprises. On est à nouveau dans une logique de court terme, peu propice à l'investissement notamment dans l'immobilier qui s'écroule.
Il n'y a pas dans les faits d'assurance chômage. Dès qu'une personne perd son emploi elle en trouve un autre mal payé ou non, et partiellement au noir, qui, combiné à un petit business permettra de survivre. Situation classique de pays du tiers-monde.
Viktor Ioutchenko et la révolution orange incarnaient la possibilité de changer cet ordre des chose avec Iulia Timotchenko. Mais leur marge de manœuvre trop faible et leur manque de volonté de lutter contre la corruption donnent au citoyen de base un sentiment d'uniformité et d'inertie du système politique.
Le peuple ne se sent pas concerné par les problèmes d'adhésion à l'Otan ou par le conflit géorgien. Même la commémoration officielle de la famine artificielle de 1933 lors de la collectivisation forcée, qui a fait cinq millions de morts, s'est déroulée dans une relative indifférence.
La société ukrainienne n'est pas aussi structurée qu'en Occident avec ses contre-pouvoirs, ses syndicats, sa société civile; un mouvement de masse n'est donc pas a envisager. Elle est très dominée par les intérêts de grands groupes financiers et les oligarques. En revanche, on peut comme il y dix ans envisager à nouveaux des flux migratoires vers les Etats-Unis, l'Allemagne, la Pologne et le Canada.
Source: Yahoo News