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Chroniques
03/12/2008 - 17:32

Filippis ou le triomphe d'un corporatisme ordinaire

Si l'affaire de Filippis ne symbolise pas le triomphe du corporatisme en France, il faudra un jour s'atteler à expliquer comment on peut arriver à bousculer l'Etat à partir d'une interpellation policière ordinaire. Je ne vais certes pas m'y attacher. Bien au contraire, je donne acte à Laurent Joffrin (de son vrai nom Laurent Mouchard, selon Wikipedia) et «au grand frère Libé» qu'il y a eu, de la part de la police et du juge d'instruction, "abus et fautes".



Filippis ou le triomphe d'un corporatisme ordinaire
La faute de la police et du magistrat a été de penser qu'ils pouvaient appliquer à un journaliste le même traitement - indigne et inhumain, en toute légalité - qu'au citoyen ordinaire. De  Filippis lui-même, dans ses déclarations, affirme que sa première pensée, lors de l'incident, est allée à "ceux qui n'ont pas de carte de presse".
Laurent Joffrin, son patron, lui inflige un cuisant démenti en martelant que le code de procédure pénale n'aurait pas été respecté et, ce faisant, contribue plus que largement à éluder le vrai débat: notre procédure pénale respecte-t-elle la dignité humaine?
La réponse est non lorsqu’on apprend qu'au "dépôt", à Paris, il existe une cellule VIP. C'est qui, c'est quoi, ces VIP, sinon ceux qui appartiennent à une nomenklatura corporatiste à laquelle les lois peuvent s'appliquer mais avec douceur, en l’occurrence sans tortures? Pour bénéficier de ce régime de faveur, il vous faut une voire plusieurs cartes en poche, être quelqu'un, appartenir à une profession protégée, une corporation.

Comme quoi il est bon, quelquefois, de faire subir à notre intelligentsia française les cellules de garde à vue sans matelas et la crainte de nuits froides sous séquestre destinées à déstabiliser les prévenus et à faciliter le travail du magistrat instructeur.

Ci-dessous, les réactions qui continueront à démontrer que, décidément dans notre pays, il ne faut pas toucher à l’intouchable et que parfois, peut-être, policiers et magistrats, en appliquant les mêmes règles aux notables qu'aux lambdas, se font défenseurs des citoyens sans cartes.

«Le patron des députés UMP, Jean-François Copé, déclare que "les conditions d'interpellation, voire de garde à vue doivent être réexaminées", après celles controversées du journaliste de "Libération" Vittorio de Filippis.» Malgré les affaires TAPIE, LE FLOCH PREGENT etc. , Copé ne semblait pas connaître avant ce jour les dites conditions!

«Pour Jack Lang, "au-delà du cas de Vittorio de Filippis, c’est l’ensemble des citoyens de ce pays qui se trouvent fréquemment en lutte avec de telles aberrations administratives. J’ai honte pour notre pays. Ces situations sont révoltantes et répugnantes".» Non M. Lang, il ne s’agit pas de procédure administrative mais d’une réalité judiciaire de tous les jours.

Marylise Lebranchu, ministre de la justice de 2000 à 2002 : «L’état actuel des règles de droit permet de régler tous les problèmes posés. Le seul avantage d’une telle mission serait de revoir les procédures de garde à vue, de mieux définir le rôle de la défense. On a beaucoup progressé depuis des années en permettant d’alerter un médecin, un proche, un avocat. Mais prévenu dès la première heure de garde à vue, c’est trop tôt, l’avocat ne dispose pas des éléments nécessaires pour intervenir avec pertinence et efficacité; à la vingtième heure, c’est trop tard. Pour le reste, tout existe déjà.» Il faut comprendre par là, me semble- t-il, qu’il ne faut toucher à rien mais tout simplement changer de gouvernement. On se demande d’ailleurs pourquoi la loi n’autoriserait pas des permanences d’avocats dans les commissariats de police. Pourquoi faut-il que l’interpellé attende une heure? Pourquoi l’interroger hors la présence de son avocat?

Le fait est que la tradition et la loi, en France, veulent qu’on arrête les gens et qu'on recherche  preuves et/ou aveux ensuite, une fois que les défenses mentales sont tombées! C’est vieux comme l’Inquisition. Cela lui ressemble tant qu'on peut se demander si, à propos de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ce n’est pas le Vatican qui s’est débarrassé de la France pour rompre avec l’inquisition.
Est-ce vraiment un autre débat ?


H. Vario-Nouioua



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