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Vendredi 22 Juillet 2011

pour une critique marxiste de la (dé)croissance capitaliste... synthèse de Pierre-Alain Millet, adjoint PCF au maire de Vénissieux


(dé)croissance de quoi pour qui ?
La brutalité d’une bourgeoisie prête à une guerre de grande ampleur pour maintenir ses privilèges en écrasant les peuples au Sud comme au Nord a un double effet contradictoire.
- D’un coté, les révoltes, les mobilisations massives peuvent créer des situations révolutionnaires, et le printemps arabe est venu rappeler à tous que ce sont les peuples qui font l’histoire.
- De l’autre, le sentiment de toute puissance du système rend justement difficile la pensée ce que que peut être une révolution qui mettrait en cause réellement le pouvoir pour se libérer de ce système. Elle nécessite de penser au concret un autre système, un socialisme du XXième siècle.

La recherche d’une issue de secours est tentante, une solution qui n’oblige pas à affronter la dureté de la bourgeoisie, mais qui permette de lui échapper dans une "troisième voie", une "alter-quelquechose", surtout si cela permet de s’y engager localement, à petite échelle, et sans avoir besoin justement de ces "mobilisations de masse" qui seules font l’histoire.

Ces alternatives peuvent être pertinentes, utiles pédagogiquement pour former des citoyens avertis sur certains sujets. Elles peuvent même préfigurer des solutions possibles pour une société non capitalistes. Mais elles sont toujours "digérables" par ce capitalisme qui continue de fait à les dominer, comme il l’a fait des expériences socialistes de plus larges échelles, par les idées de la bourgeoisie qui restent naturellement les idées dominantes.

Le concept de décroissance fait bien sûr partie de ces "alternatives" et il est utile de comprendre à la fois en quoi il peut sembler répondre à des militants cherchant à dénoncer le capitalisme et en quoi il est tout autant une arme idéologique pour détourner des questions centrales du socialisme comme libération du joug capitaliste, du développement des forces productives comme moyen du développement humain, développement qui n’a rien à voir avec le productivisme capitaliste.

Une analyse rapide conduit en général à constater un gouffre idéologique entre « décroissance durable » et « construction du socialisme ».
- D’un coté, dénonciation du socialisme historique qui n’aurait été qu’une variante du même "productivisme".
- De l’autre, dénonciation de l’origine de la décroissance dans le club de Rome ce qui conduit à négliger, voir oublier les immenses besoins sociaux des peuples.

La situation politique le conforte avec des mouvements de la décroissance souvent anticommunistes, cherchant à s’affirmer politiquement et électoralement comme une alternative à la critique communiste, et dans le même temps, une évolution de l’orientation nationale du PCF qui, dans la remise en cause de son héritage communiste et de ses liens internationalises, s’ouvre de plus en plus aux thèses anti-productivistes.

Mais est-ce que pour un marxiste, cela conduit à nier tout intérêt aux critiques de la croissance, et à laisser ces questions à ceux qui se présentent comme porteurs d’une critique anticapitaliste de la croissance ?

Tentons au contraire d’identifier ce que la critique du contenu de la croissance capitaliste, jusqu’à mettre en cause la croissance définie comme accroissement monétaire d’un PIB marchand, peut avoir d’actuel pour une analyse marxiste du monde d’aujourd’hui, et pour favoriser le rassemblement large sur des bases ouvertes aux mouvements de masses qui font seuls les révolutions.

Un socialisme réel productiviste, social et culturel !

Certes le communisme a pu être largement identifié comme un productivisme. Quand les soviétiques s’exclamaient sur les réalisations socialistes, c’était en général autour de chiffres toujours plus élevés de production d‘acier, de machines, de tracteurs…

D’abord, il ne faut pas réduire le communisme à la construction historiquement marquée par son origine du socialisme dit réel. Car ce "modèle" qu’on peut dire productiviste est d’abord celui du projet stalinien de « rattrapage » du capitalisme développé dans une Russie paysanne loin des niveaux de développements capitalistes de l’occident, d’un projet de rattrapage marqué par les guerres d’où est né et qu’a traversé ce régime.

Mais on ne peut limiter le cas russe (et son extension à l’Europe de l’Est) au productivisme ! Comme le montre avec humour le film « Good Bye Lénine », les habitants de ces pays ont découvert que ce « socialisme étatique » ne s’occupait pas uniquement de la production d’acier. mais répondait aussi à des besoins sociaux vitaux (des crèches aux personnes âgées) que la « libération » capitaliste a vite détruit, recréant des couches de pauvres en même temps d’ailleurs que dans les pays occidentaux ou le compromis social de l’époque de la guerre froide volait aussi en éclat !

Dans les représentations du communisme, chez ceux qui le défendaient comme chez les autres, l’avenir radieux était d’abord une société d’abondance où les inégalités étaient vaincues par le progrès social et technique, ce qui était un luxe devenant populaire ! le lave-linge et la télévision complétait l’électricité et les soviets comme définition du socialisme, bref une société qui se présente d’abord comme la croissance des moyens matériels du cadre de vie.
- C’est oublier que ce socialisme avait aussi permis un incroyable développement culturel et social, du bouillonnement initial qui a contribué fortement aux révolutions intellectuelles et artistiques du XXième siècle à la maitrise de l’espace, en passant par l’élévation massive du niveau d’éducation et d’accès à la culture.
- C’est cacher aussi que ce socialisme "productiviste" avait développé des réponses moins individuelles à ce confort naissant. La collectivisation de moyens que ce soit de lingeries d’immeubles ou de services d’entreprises était aussi porteur d’une approche moins individualiste et moins consumériste de ce développement du niveau de vie.

De plus, les expériences cubaines ou chinoises sont sur de nombreux sujets bien différentes, que ce soit la place de la révolution culturelle dans l’histoire chinoise ou celle des biotechnologies et de la santé dans le développement cubain sous le blocus, dont les résultats sur la santé oculaire en Amérique Latine ou le choléra à Haiti sont impressionnants avec de très faibles moyens de production...

S’il est évident que le socialisme réel a été marqué par les conditions de sa naissance et de sa survie, on ne peut donc le réduire à un productivisme aveugle. Les questions des usages étaient bien déjà posées en URSS. [1].

Pour une critique marxiste de la croissance capitaliste

Plus profondément, d’un point de vue théorique, le marxisme considère que c’est le développement des forces productives, c’est à dire l’accumulation des moyens techniques incorporant la somme de tout le travail passé qui petit à petit transforme les conditions des rapports entre les hommes et peut créer les conditions d’une société plus juste. Cela conduit en général à dire que, c’est le « progrès » qui libère l’humanité, car c’est ce développements des forces productives qui permet de libérer du temps de travail contraint et de créer ainsi les conditions nécessaire au "libre développement de chacun", l’abondance permettant l’égalité d’accès aux biens et services.

Or, le développement du capitalisme de la fin du 20ème siècle ne peut que créer des interrogations, quand le progrès automatise largement de plus en plus de tâches humaines alors que le volume horaire de travail contraint continue à croitre, tout en ayant des masses toujours plus larges d’hommes et de femmes considérés comme « inemployables ». L’armée de réserve identifiée par Karl Marx est bien une caractéristique structurelle du capitalisme, permettant d’organiser massivement la division des prolétaires pour faire pression sur le coût du travail. Ne faut-il pas constater aussi que la concentration record du capital et son organisation à l’échelle mondiale lui permet de maintenir de larges masses exploitées mais éloignées du cœur de la production du profit, dans un travail parcellisé, standardisé et subsituable à l’extrême, comme ces techniciens de centre d’appel qui doivent suivre scrupuleusement un script préétabli, et peuvent être remplacés et délocalisés au pied levé. Le taylorisme s’est étendu à toutes les activités de transformation, distribution ou gestion en permettant une automatisation toujours plus large. La classe ouvrière qualifiée intègre massivement les techniciens et ingénieurs alors que la masse des "opérateurs" sont émiettés dans des situations de surexploitation précarisées à l’extrême. Ce développement là des forces productives semble bien porter toujours plus loin la dépossession des travailleurs des résultats de leur travail, qui devient de plus en plus "invisible" à chacun.

De plus, on voit toujours plus clairement l’incroyable distance entre l’explosion des biens et services que le marché et la technique diffuse et l’immense pauvreté qui s’installe y compris dans les pays développés. Le marché développe toujours plus de moyens de créer artificiellement des besoins, cherchant à les rendre solvables, en même temps qu’il en écarte des millions de pauvres ! La comparaison des étagères des "hard discount", des grandes surfaces classiques, des supérettes de quartiers aisés, et des commerces de haut de gamme est édifiante. Et que penser de cette profusion d’objets de consommation qui élargissent les linéaires de grande surface, dont la durée de vie est toujours plus courte ! Peut-on raisonnablement considérer comme un progrès d’avoir chaque jour un « packaging » différent d’un produit de base identique, mais qu’une forte dépense publicitaire présente comme indispensable ?

Le capitalisme consacre une part toujours plus importante de ses moyens à faire vendre. 50% des dépenses des grands éditeurs de logiciels sont consacrées au marketing ! Il y a plus dans ce secteur d’offres d’emplois de vendeurs que de développeurs ! Quand aux grands projets, les relations internationales fourmillent d’exemples de marché post-coloniaux ou un financement artificiel permet la vente d’armes lourdes ou de constructions pharaoniques au service des grands groupes capitalistes occidentaux, tout en enfermant le tiers monde dans la dette.

Un marxiste ne peut qu’être convaincu que le socialisme ne peut pas être le prolongement de cette société de consommation capitaliste sans le capitalisme ! Les trois premiers marchés du capitalisme sont les armes, la drogue et le sexe ! Qui peut penser construire un autre monde sur ces bases ?

D’autant qu’il faut ajouter qu’une autre part importante des dépenses organisées par le capitalisme , donc du PIB concerne le contrôle et la répression ! A commencer bien sûr par le militaire qui est le principal facteur de cette puissance économique américaine qu’on nous vente [2]. Mais pas seulement ! Quand on dit que 70% du PIB en France est réalisé dans le service, on peut penser bien sûr à la santé et à l’éducation. Mais au contraire, les libéraux affirment sans arrêt qu’il y a trop d’emplois dans ces secteurs. En fait, ils veulent dire trop d’emplois publics dans ces secteurs fondamentalement utiles pour tout ce qui concerne la réalisation des êtres humains en tant qu’être humain… Par contre, une part essentielle du développement des services réside dans le développement d’une société toujours plus contrôlée et gérée d’en haut. C’est d’ailleurs le principal usage de l’informatique qui permet en fait la seule dématérialisation qui intéresse le capital… la dématérialisation du contrôle social et économique. A quoi servent, socialement, les innombrables sociétés de surveillance mais aussi de courtage, d’affacturage, d’administration judiciaires, d’avocats d’affaires, d’intérim ou de portage salarial, sans parler de ce que permettent les réseaux sociaux qui intègrent des millions d’individus dans des systèmes contrôlables mondialement ?

Cette croissance là des services est avant tout au service d’un capitalisme qui a besoin de contrôler les flux, notamment financiers, pour extraire et maitriser la valeur créée dans la production, notamment là ou le capital fixe est le plus important décuplant la valeur produite, sans être contraint par les structures de production elles-mêmes, mais au contraire, en les rendant toutes les plus précaires possibles, un site pouvant être détruit à tout moment, pour s’adapter toujours plus vite à la guerre de tous contre tous ! L’externalisation massive de fonctions toujours plus diverses est un facteur de croissance apparente, mais ne sert qu’à faciliter les restructurations.

A quoi sert le secteur des services financiers aux entreprises ou aux particuliers ? A quoi servent les sociétés qui organisent l’endettement des ménages ? Si comme le propose Bernard Friou, on imaginait une cotisation économique, sur le modèle des cotisations sociales qui permettrait du niveau local au niveau global, de rendre transparent les profits générés par les activités en autorisant une gestion démocratique de leur utilisation… le principe même du crédit, et de toute les entreprises associées serait bouleversé ! une gestion transparente des comptes d’exploitation et de la répartition des moyens de la collectivité supprimerait tous les spécialistes du montage financier, de la recherche de niches fiscales.. ou même (j’en connais) de « l’optimisation des coûts sociaux ».

Ce n’est pas une nouveauté marxiste. Expliquant dans le célèbre prix, salaires, profits qu’une augmentation massive des salaires n’aurait pas d’impacts négatifs sur l’emploi, Marx montre qu’elle conduirait le capital à déplacer ces investissements de la production de biens pour les riches, vers la production de biens pour les travailleurs. En quelque sorte, le rapport des forces entre le capital et le travail conduit à faire décroitre certaines activités ou en développer d’autres.

Alors, oui, il faut envisager une décroissance durable de nombreuses activités économiques ; militaires, policières, parasitaires, publicitaires, financières, "orwelliennes"...activités qui représentent une part importante du PIB des USA par exemple ! Cette critique du contenu de la croissance capitaliste, complémentaire de celle concernant la société de consommation, est utile et nécessaire à ceux qui continuent d’inscrire l’autre monde dans la nécessité d’une rupture permettant de sortir du capitalisme. Il s’agit donc de points de convergences possibles entre marxistes et décroissance.

Une critique marxiste de la décroissance capitaliste !

- Reste que la décroissance était déjà là en 2008 avec la récession !
- Reste que la famine tue des milliers de personnes, d’enfants en Afrique !
- Reste que dans la majorité des pays du monde, l’accès à l’eau, à l’électricité, au chauffage est incertaine et précaire !
- Reste que les promoteurs de la décroissance ne prenne les exemples de l’imbécilité de certaines productions capitalistes que comme ils le font de l’imbécilité de la planification socialiste (il en a bien sûr existé !), comme des exemples pour dénoncer non le capitalisme, mais le progrès lui-même, c’est à dire l’affirmation que l’humanité peut se libérer de contraintes "naturelles" en construisant par son travail son cadre de vie, que toute l’humanité a droit au confort, au déplacement, à l’énergie, à la connaissance... Un de ses promoteurs, Serge Latouche qui rêve « à une société de petites cités fédérées », et en attendant propose « un compromis à trouver entre l’autonomie, quasi totale mais très frugale, du chasseur-cueilleur et la techno-aliénation non moins quasi totale de nos contemporains. » . La question des conditions de vie des 8 milliards d’êtres humains n’est visiblement pas son problème ! La réponse des décroisseurs est ainsi celle de la frugalité [3], la simplicité, l’autonomie, dont ils se demandent comment les rendre "désirables" aux peuples...

Kyoto est un exemple éclairant des conséquences de cette non dénonciation du ressort du capitalisme dans la prise en compte de contraintes environnementales. Les objectifs de Kyoto prévoyait pour 2012 des baisses d’émissions de gaz à effet de serre pour chaque pays développé. Tout le monde sait désormais que les objectifs ne seront pas atteints, et de très loin pour les USA malgré les violentes restructurations industrielles qui ont conduit à délocaliser massivement, notamment au Mexique. Les seuls pays qui sont proches des objectifs seront les anciens pays de l’Est, car ils ont connus dans les années 90 une décroissance brutale et profonde ! L’industrie socialiste a été laminée et les investissements de l’Ouest n’ont que partiellement relancé la production, la Russie notamment restant encore une économie de matières premières. La France qui est plutôt un bon élève de Kyoto a elle-même "bénéficié" d’une décroissance forte d’activités fortement émettrices (minières, métallurgiques...) Kyoto ne comportait bien sûr aucune critique du capitalisme, au contraire, il reposait justement sur des mécanismes de marché pour rendre le capitalisme vertueux au plan environnemental ! Il a simplement permis d’inventer ce capitalisme vert qui se révèle tout autant destructeur pour les hommes et la terre que ce vieux capitalisme que dénonçait Marx.

En fait, le capitalisme connait déjà la décroissance notamment industrielle, quand il joue de la spécialisation dans la concurrence. Le capitalisme sait aussi ne pas produire ! Il ne produit jamais pour répondre à un besoin, pour combler une pénurie ! Il ne produit que pour une et une seule raison, extraire du profit pour s’accroitre ! Quand il ne voit pas de rentabilité pour lui, quelque soit la taille du débouché potentiel, il ne produit pas ! De fait, il n’est pas vraiment productiviste et est tout autant destructeur que constructeur à grande échelle. Contrairement à ce qu’en disent les "décroissants", le capitalisme ne produit pas "pour produire", mais pour son profit !

Or, la réponse aux besoins sociaux gigantesques sur toute la planète ne peut se satisfaire de demi-mesures ! Et tout montre que le capitalisme n’est pas capable de répondre à ces besoins ! Comment une critique du capitalisme pourrait porter les masses à ces mouvements qui font l’histoire si elle n’affirme pas clairement qu’elle propose de répondre à ces besoins ?

Combien de logements de qualité faut-il construire en France pour répondre aux besoins ? Quels logements ? avec quel niveau de qualité ? quelle densité urbaine pour répondre aux millions de mal logés ? (4000 demandes de logements non satisfaites à Vénissieux, ville de 23000 logements !). Les revendications légitimes des syndicats, associations de locataires, de défense des SDF représentent le doublement de l’activité de construction de logements... une croissance de 100% de ce marché ! La majorité des logements collectifs existants sont très peu performants énergétiquement. Les exemples les plus avancés de rénovation énergétique en collectif conduisent à des coûts de l’ordre de 20K€ par appartement pour diviser par deux les consommations, ce qui représentent pour 1 million de logements en France une croissance considérable de la rénovation et donc de production pour les fabricants d’isolants, d’aluminium utilisé pour l’isolation extérieure...

A quel niveau de droit au transport faut-il répondre ? Si tous les habitants avaient le même droit de voyager, de partir en vacances, en weekend-end, d’aller voir facilement leur famille dans tous les coins de France ou du Monde, combien faudrait-il d’avions, de bateaux, de trains ?

Prenons l’exemple de l’avion. Certains disent qu’il ne faut pas "trop" voyager, et qu’il faut en urgence limiter drastiquement l’avion trop consommateur et pollueur. On peut déjà observer que, par passager, un A380 plein et un jet privé n’ont pas du tout le même impact environnemental. Une partie de la réponse tient donc aussi à la part de planification et à la part de marché dans l’organisation du transport aérien, sujet que les "décroissants" aborde rarement, concentrés en général sur le rejet de l’avion lui-même, symbole de la technique. Faut-il dans un cadre planifié d’égalité dans l’accès, limiter la consommation énergétique affectée au transport aérien. Sans doute. De toute façon, sans alternatives au pétrole, il faudra bien la limiter. Mais pourquoi s’interdire de travailler à des alternatives énergétiques pour l’aviation ? (voire la démonstration récente d’un avion totalement solaire qui est plus un symbole qu’une solution certes, mais qui a bien valeur de démonstration du possible d’un avion sans pétrole...). La question est donc non pas de savoir s’il faut limiter ou non l’affectation de combustibles fossiles à l’aviation, mais qui et comment décide de développer telle ou telle ligne, dans telles conditions économiques et environnementales, pour répondre à tel ou tel besoin social. Les comoriens frappés par le drame de l’accident d’une compagnie aérienne pour pauvres se battent pour réclamer le droit à une ligne sûre, cette demande sociale est légitime, et c’est bien au politique de décider d’y répondre !

Et pour fabriquer ces logements et ces moyens de transports, combien de ciment, d’acier, d’aluminium, de bois, de plastique, d’énergie… ? Pour inverser réellement la part du transport public et automobile dans les zones urbaines, il faudrait doubler le nombre de lignes de métro, tram, bus... donc doubler le nombre de rames ! Prenons encore un exemple d’aménagement du territoire. Est-il légitime de proposer une liaison ferroviaire rapide et de qualité transversale reliant l’Ouest à l’Est, de Toulouse à Strasbourg et de Bordeaux à Lyon ? Une telle réalisation supposerait sans doute deux ou trois tranches de centrales électriques...

Car pour répondre à tous ces besoins, y compris de réduction des consommations énergétiques, quel est le besoin énergétique ? Il y faut des réponses diversifiées, combinant la production et la consommation locale, comme avec les réseaux de chaleur, avec une infrastructure dense assurant le développement de tous les territoires. Il faut prioriser l’efficacité énergétique et la réduction des consommations pour un même besoin. Il faut développer les énergies renouvelables en empêchant tout effet d’aubaine pour les spéculateurs, il faut investir sur la rechercher d’énergies du futur... Mais il faut aussi dire la vérité sur le bilan global. Le besoin en énergies continuera à croitre fortement SI on répond réellement à ces immenses besoins humains ! C’est dans ce cadre que se pose la question du nucléaire, de sa part dans le mix énergétique global, de sa durée de vie et de la gestion de ses déchets qui est nécessaire quelque soit sa part en hausse ou en baisse.

Là encore, impossible de prétendre prendre une décision rationnelle dans le capitalisme ! On le voit avec l’évolution d’EDF devenu de plus en plus une entreprise de logique privée, développant la sous-traitance, même dans les activités les plus sensibles, faisant travailler des sans-papiers sur-exploités sur son chantier phare de l’EPR... La première question du nucléaire est bien celle des décisions nécessaires pour garantir une réelle maitrise publique, transparente, citoyenne, de l’ensemble des activités de conception, production, exploitation, démantèlement, traitement des déchets.

Pour un développement socialiste, donc de l’homme pour les générations futures !


Bref, décroissance durable des activités parasitaires ou de contrôle social au profit d’une croissance durable des réponses aux besoins humains ! décroissance durable des activités commerciales au service de l’offre au profit d’une croissance durable des moyens de la démocratie économique au service des consommateurs-producteurs… ? Faut-il poser la question en terme de choix entre croissance ou décroissance, ou faut-il poser la question essentielle du pouvoir économique, du pouvoir de décider QUOI, COMMENT et pour QUI produire ? Poser cette question, c’est dire que ce sont les travailleurs, qui sont tout autant consommateurs et usagers que citoyens qui doivent s’organiser pour décider d’investir ou pas sur telle ou telle activité, de générer de la croissance et de la décroissance.

Certes, il restera toujours pour longtemps une mesure comptable de l’activité et des échanges, donc une certaine mesure du "PIB", mais l’essentiel sera de mesurer comment on répond aux besoins réels des êtres humains. De ce point de vue, nous aurons besoin d’indicateurs de taux d’équipement, de taux d’accès, de taux d’usages par les hommes et les femmes des biens et services produits par eux-mêmes, et certains pourront trouver ces indicateurs bien "soviétiques"...

Le concept de décroissance peut être un moment d’une critique des gabegies capitalistes, mais il enferme la pensée critique dans une question de choix de production que le capitalisme peut digérer, après tout, les capitalismes verts sont prêts à stopper le nucléaire si cela leur permet de grossir encore plus vite, même si cela laisse encore plus d’êtres humains dans la misère. En ne mettant pas au centre de la critique, l’appropriation privée d’une production sociale, en ne mettant pas au centre de l’alternative la construction d’une réelle appropriation sociale, la décroissance sert de masque au capitalisme.

Il a existé un projet politique de « retour au village » , de dénonciation de la gabegie des villes et de la société de consommation des élites… c’est un certain Pol Pot qui l’organisa au nom du socialisme dans la terreur que l’on sait depuis…Pour un communiste qui continue à s’interroger sur les causes des crimes du stalinisme, c’est un conseil a un ami écologiste ! Nos plus belles utopies peuvent servir aux plus terribles réactions !

Bibliographie Web
- Le capitalisme vu par les fondamentaux
- Pour la planète, l’urgence du socialisme
- La Révolution informationnelle, une critique
- Production matérielle et production non matérielle
- La décroissance, une idée qui chemine sous la récession

Avec une pensée pour notre camarade Raphaël, qui aurait certainement réagi à ce texte et m’aurait conduit à le corriger, avec plus de rigueur pour prétendre ainsi à une critique marxiste...

[1] sans doute insuffisamment, mais il faudrait un vrai travail historique sur la place de la consommation dans le mode de vie soviétique pour en parler plus sérieusement

[2] pas sûr qu’on nous la vente longtemps... !

[3] les africains connaissent !

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