Vie du PCF et du MJCFLa poussière du premier tour redescend et permet d'entre-voir un peu plus les tâches et les perspectives du Parti communiste français dans les années qui arrivent, et dans lesquelles il n'y aura pas d'élections avant 2024. Deux années qui doivent être utilisées à reconstruire une organisation.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais faire une parenthèse électoraliste. Ce qui va se passer dans les semaines à venir seront aussi très importantes, les résultats du 2nd tour des élections présidentielles détermineront aussi les résultats des élections législatives.
A partir des données analysées dans l'article portant sur les résultats - à chaud - du premier tour (ICI) il faut avoir en tête que le vote communiste de 2022 n'est pas celui de 2019 et que les bastions historiques n'existent plus. Naturellement les résultats des présidentielles dépendent des résultats des élections législatives. On reviendra donc dessus en juin pour affiner les résultats globaux. A partir de ces données, on constate que la gauche, dans son sens large, est à la merci de Jean-Luc Mélenchon et que c'est lui va donner le tempo dans les jours/semaines qui arrivent. Il faut avoir en tête trois choses : 1- Le Parti socialiste n'existe plus, il est désormais totalement absorbé par le vote en faveur d'Emmanuel Macron et son avenir parlementaire est compromis. A partir de là, il faut avoir en tête que les vieux calculs électoraux d'union de la gauche avec le PS ne peuvent plus être pris au sérieux et que les rapports de Pierre Lacaze (responsable aux élections pour le PCF) peuvent être jetés. 2- L'avenir parlementaire du PCF est entre les mains de Jean-Luc Mélenchon et il peut l'écraser, ce qu'il n'avait pas pu réaliser en 2017. Les député.e.s sortant.e.s ne disposent plus d'une base électorale identifiée. A moins que l'électeur communiste traditionnellement associé à ces bastions ait décidé de faire un vote utile aux présidentielles et revenir à la maison aux législatives. c'est une possibilité mais il faut la modérer car ça reste incertain. Jean-Luc Mélenchon a l'avenir institutionnel de la gauche et du PCF entre ses mains. Il dispose de deux choix : Créer un "Front large" avec toutes les formations (y compris le PS) et espérer avoir une majorité parlementaire , où développer une hégémonie à la Mitterrand en écrasant ses concurents et prendre le risque de disqualifier toute la gauche et une grande partie de ses élu.e.s sortant.e.s ou potentiels. 3- Le second tour des élections présidentielles va aussi lourdement impacter le paysage politique. Si Marine Le Pen est élue (le risque existe), on peut assister à un effondrement démocratique et social du pays. A partir de là, il faudra impulser la formation d'un front antifasciste large et agissant.
Sur les tâches du Parti communiste
Il ne s'agit pas de faire le procès de Fabien Roussel où de la stratégie, mais bien d'identifier les faiblesses de la campagne et de tirer des enseignements pour redéployer le PCF. La campagne pour la France des jours heureux a apporté un certain renouveau politique et à permis de briser le blocus médiatique. Avec ses limites, Fabien Roussel est parvenu à donner une image nouvelle du communisme, assez proche de celle de Georges Marchais, qui a rassemblé des forces politiques et mobilisé un électorat nouveau. Selon les études, cet électoral vient majoritairement de la base de Jean-Luc Mélenchon de 2017 (le vote communiste traditionnel) et aussi de celle de Benoît Hamon (une nouvelle base issue de la sociale-démocratie). Après le vote utile fera que le candidat du PCF rassemblera 802.588 suffrages (2,28%). Si l'on compare avec la dernière élection présidentielle où participait une communiste, c'est en progression par rapport aux 707.268 suffrages de Marie-George Buffet. Elle même fut la victime du chantage au vote utile au profit de Ségolène Royal. Si l'on doit tirer des enseignements sur ce qui a bien fonctionné, il faut noter : Une communication renouvelée, le blocus médiatique brisé, une direction de campagne (menée par Ian Brossat) dynamique et des petits bras (souvent anonymes) sur le pont pour réussir les rendez-vous militants et compenser les faiblesse structurelle du PCF. La liste est non exhaustive. Une petite aparté, c’est la dynamique retrouvée du MJCF. Après des années de crise, le Mouvement des jeunes communistes retrouve une visibilité, avec des cadres percutants, et peut envisager l’avenir plus sereinement. Cette dynamique s'est incarnée à travers son Secrétaire général, mais aussi des animateurs et animatrices locaux, motivé.e.s et motivant.e.s. Il ne faudrait pas les oublier. Pour les plus âgés, il faut noter le bel engagement de jeunes cadres des sections du PCF. Si l'on doit tirer des enseignements sur ce qui n'a pas fonctionné, il faut noter : Une organisation pas au rendez-vous, un programme peu ambitieux et une 5ème colonne encore libre de saboter la campagne. Le 13 novembre 2020 j'écrivais une note sur la nécessaire candidature communiste et les tâches immenses qui attendent le PCF pour son 39ème congrès (reporté depuis). Après les résultats, et l'analyse du processus électoral, je pense qu’il faut que le Parti Communiste Français acte une nouvelle stratégie révolutionnaire. Les élections présidentielles montrent que le modèle d'organisation politique, hérité des années 80-90 et institutionnalisé avec la mutation de Robert Hue, est en fin de vie du fait de trois facteurs : 1- L'abstention politique et la perte des bastions historiques. Une grande partie du prolétariat (travailleurs-travailleuses, et une partie des couches populaires) et du lumpenprolétariat (couches populaires) ont fait le choix de voter pour Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, sans oublier le fort taux d’abstention dans cette classe. 2- Une structuration obsolète. Les sections sont à bout de souffle (et mourantes dans de trop nombreux endroits), les cadres vieillissants, le Conseil national inactif, non représentatif du prolétariat et hors sol dans ses travaux. 3- Des choix stratégiques « d’unité » souvent hors sol où pas compris. Les mots d'ordre de "l'unité", de "l'union de la gauche et des écologistes" n'occupent plus de réalité organisationnelle depuis la défaite du Parti socialiste et de l'effondrement de EELV. Comme je le dis plus haut, le centre de gravité à gauche se trouve ailleurs. Cette situation démontre qu'il faut réformer en profondeur nos campagnes, nos actions, nos stratégies et nos tactiques. Pour résumer la tâche, il faut partir des jours heureux pour aller vers les lendemains qui chantent.
Des mesures d’urgence à prendre
Dans le temps court, le PCF doit acter une série de mesures d'urgentes Il faut mettre le paquet sur le sauvetage des sections; Mettre le paquet sur la formation, la politique de cadre et leurs déploiements vers les lieux identifiés comme stratégiques; Réorienter le travail du Conseil national vers les questions essentielles. Si aujourd'hui le PCF n'est ni un parti d'avant-garde, ni un parti de masse cela s'explique par des choix politiques et une attrition très forte de ses membres. Il est devenu un parti "classique" du système et un parti de notables, de retraités, de cadres de la fonction publique territoriale. Ces élections ont montré que le PCF s'est reconstruit une nouvelle base électorale, certes faible (2,28%), qui a adhéré à des mots d'ordres, et ces derniers ont trouvé un certain écho. Reste à savoir, si cette base restera au PCF et si l'ancienne base se raccrochera au PCF pour les législatives. Un parti d'avant garde plutôt qu'un parti de masse Un autre facteur propre à la société néolibérale actuelle, l'individualisme a pénétré les esprits et ne permet plus de justifier des organisations de masse. Aujourd'hui l'organisation politique est plus informelle (mouvements, collectifs thématiques ...) et centrée autour de petits groupes menant des campagnes d'agit-prop. Il serait illusoire de croire que le PCF peut redevenir une organisation de masse dans les conditions actuelles. Il faut donc faire le choix du parti d'avant-garde qui agit avec une base militante conscientisée et formée aux pratiques révolutionnaires. Cela signifie de mettre un terme au modèle actuel du PCF. Les directions doivent être dirigées par d’authentiques militant.e.s révolutionnaires, issues du prolétariat, discipliné.e.s dans le cadre du centralisme démocratique. Il ne s'agit ni d'une retraite politique, ni d'une planque, ni d'un strapontin pour une carrière politique, ni d'une reconnaissance pour bons et loyaux services, mais d'un engagement pour un idéal et le parti qui le porte.
Ce qui peut être fait rapidement :
Le Parti communiste doit suivre une ligne de masse, c'est à dire une méthode visant à dépasser la contradiction entre l’autonomie idéologique du parti et la nécessité d’un lien étroit avec les masses, ce qui permet de lutter contre l’aventurisme et le suivisme. Ainsi pour citer Mao Zedong, il faut "partir des masses pour retourner aux masses". La formation des militant.e.s doit devenir impérative et être obligatoire. Des écoles spécifiques doivent être reconstruite. Le Parti communiste doit retourner au marxisme-léninisme. Seule ligne idéologique qui permette de répondre aux objectifs du socialisme. Les statuts doivent être changés pour répondre aux besoins de démocratie et d’organisation. Rétablir l'exclusion pour dissidence. Les opportunistes, les aventuriers, les tribunes de membres du CN dénonçant des choses ou appelant à faire d'autres choses révèlent la faillite du modèle démocratique du PCF. Le pluralisme des idées ne doit pas permettre aux opportunistes d'agir contre l'avis de la majorité des adhérents du PCF. "Liberté de critique et unité d'action" écrivait Lénine dans la Volna n°22, le 20 mai 1906. Replacer l'élu communiste comme un membre du PCF, qui n'est pas au dessus des règles du PCF, ni au dessus de sa section et de ses membres. Les barons locaux ne doivent plus se comporter comme des potentats, mais doivent redevenir des militants communistes. Ils doivent leurs positions uniquement grâce à la force du militantisme et au soutien du PCF. Rétablir un centralisme démocratique qui place le communiste au cœur des décisions politiques. Pour cela un grand travail de redéploiement de l'appareil militant doit être effectué, et avec les moyens nécessaires. Cette question est centrale, la démocratie interne ne peut se calquer sur les institutions bourgeoises, mais doit se calquer sur un modèle de démocratie populaire. Le modèle actuel, celui issue de la mutation, est dépassé, obsolète et hautement antidémocratique. Il doit être changé. Créer les outils nécessaires (ils existent) pour permettre le débat interne au PCF et pour s'assurer que la voix des communistes soit entendu dans toutes les instances dirigeantes du Parti. Le développement des nouvelles technologies ne doit pas être utilisé pour démontrer qu'il y une révolution informationnelle qui permet de créer un nouveau type d'exploitation capitaliste (uberisation, plateforme ...), mais doit être utilisé pour et par le PCF. Créer une Commission nationale de contrôle chargée de veiller à la légalité des actes, aux suivis des travaux du CN et des fédérations, au respect des statuts et des décisions prises lors des congrès. Ce genre de commission existe dans la majorité des Partis communistes et ouvriers du monde. Fixer un nombre maximal de mandat au Conseil national comme dans les exécutifs. Ce qu’il faut débattre, briser les tabous sur l’organisation Il faut déployer sur le terrain de nouvelles structures d'organisation Vu la situation actuelle, les structures du parti sont obsolètes et dépassées. Il faut donc revoir le fonctionnement interne. 1- Le Conseil National doit centrer son action autour de : - La formation des militant.e.s communistes. - L'action résolue vers les organisations de masses encore existantes comme la CGT et le Secours populaire. Nos idées doivent pénétrer les masses via des militant.e.s formé.e.s et actifs dans ces structures. il ne s'agit pas de faire de l'entrisme à la gauchiste, mais bien de faire converger les formations du prolétariat vers les mots d'ordre du Parti communiste et de les faire participer à la construction d'une société nouvelle. - Déployer des suivis déterminés, qui ne se content pas à suivre une Assemblée générale ou un congrès local, mais qui co-animent des actions locales et/ou aident à la construction de nouvelles structures là où est identifié un potentiel. - Travailler à développer un programme politique portant sur des revendications immédiates et des revendications révolutionnaires (socialisme). A côté de ça des commissions, transparentes, débarrassées du contrôle des groupes fractionnistes, doivent travailler à produire des réflexions de hautes portées pour répondre à ce double enjeu. - Le Conseil national déploie tous les outils nécessaire pour diffuser ses idées, via des médias classiques (télévision, presse ...) et modernes (internet ...). Il doit se doter d'outils cohérents et pertinents. Ses portes paroles doivent être identifiés. - De ce Conseil national doit découler un Bureau Politique disponible à 100% et encore plus motivé dans l'atteinte des objectifs politiques. 2- Un nouveau maillage territorial pour répondre à l'objectif de révolution Abandonner les Comités régionaux (qui dans les faits n'existent pas), les fédérations départementales et les sections pour une structure privilégiant l'implantation locales et la souplesse : Les cellules et les rayons. Les vieilles structures du PCF sont obsolètes et clairement plus en capacité d’irriguer tout le territoire. Il faut acter dans la situation actuelle que les communistes ne seront plus présent dans tous les endroits et que nous devons prioriser des implantations locales qui correspondent à des lieux : Les cellules redeviennent l'outil évident de ce retour des communistes dans les quartiers et les entreprises. La cellule redevient le lieu de souveraineté des communistes, la base de l'organisation, de la collecte de la cotisation et le premier maillon du pouvoir politique que nous voulons organiser dans chaque quartier identifié, chaque entreprise etc. Le rayon remplace la section, la fédération et le Comité régional. Il devient l'outil évident de la coordination des cellules dans un territoire et peut occuper un espace très différent en fonction des enjeux locaux. Il peut y avoir des rayons couvrant des villes, des cantons, des départements. Il est en lien avec le Conseil National, il coordonne le travail des communistes dans les cellules et met en place les campagnes décidées et s'assure que les objectifs soient atteints. Le rayon est lieu de mutualisation, de soutien aux organisations de base, le lieu de décentralisation de la formation des communistes. Le permanentât ne doit plus être la norme, les dirigeant.e.s politiques doivent rester dans les masses et dans la société. De plus la direction d'une structure n'est pas compatible avec un mandat d'élu. L'élu.e est un.e porte-parole, un.e agitateur-agitatrice, le dirigeant dédie son action à la seule organisation du Parti et au travail de diffusion des idées dans les masses. Il faudra aussi renforcer le MJCF et l’UEC. Ces organisations en reconstruction ont eu un effet positif dans la campagne présidentielle et surtout, elles permettent de recruter les futurs cadres de l'organisation communiste et de les former dans des organisations dédiées à leurs vies. Après tout, n'est-ce pas la jeunesse qui est à l'initiative de la renaissance des Partis communistes au Canada, aux Etats-Unis, au Royaume Uni et au Bengale occidental ? Il y a deux ans sans élections, il y a donc deux ans pour travailler à redéployer le PCF et à construire la lutte des classes. |
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[Fr] Perspective communiste, blog francophone ayant pour vocation le partage d’informations nationales et internationales. De proposer des analyses marxistes de l’actualité et du débat d’idée. Ainsi que de parler de l’actualité du Parti Communiste Français et du Mouvement des Jeunes Communistes de France.
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