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France
03/12/2007 - 15:02

Royal écrit sa plus belle histoire

Libération

«Libération» s’est procuré «Ma plus belle histoire, c’est vous», le livre dans lequel l’ex-candidate du PS décortique son combat contre Sarkozy… et contre son parti. Et prend date.


«Je ne connais encore ni le lieu, ni la date, mais je sais qu’un jour, nous nous retrouverons.» C’est ainsi que se termine Ma plus belle histoire, c’est vous, le livre de Ségolène Royal qui sera demain en librairie. L’ancienne candidate socialiste à la présidentielle, filant la métaphore sportive, assure avoir «repris l’entraînement». «N’ayons pas peur», écrit-elle aussi en s’adressant à ces hommes et ses femmes qui, comme elle, «pensent que quelque chose s’est levé (pendant la campagne, ndlr) qui ne s’arrêtera pas». «Je gagnerai un jour pour eux» , assure aussi l’ex-candidate au début du livre. Pour ceux qui nourrissaient encore quelques doutes, les choses sont donc claires: «l’Histoire continue. C’est-à-dire le combat.»

L’ensemble du livre est évidemment à décortiquer à l’aune de cette détermination. Et même si la présidente de la région Poitou-Charentes ne dévoile rien de sa stratégie future (lire ci-contre), l’objectif est bien celui-là : tirer les leçons de la défaite pour être à nouveau candidate en 2012. Et la meilleure manière d’y arriver était manifestement, même si elle s’en défend, «derefaire le match» . Celui qu’elle a perdu contre Nicolas Sarkozy. Mais aussi celui qui l’a opposée à ses propres amis. Ma plus belle histoire est en fait un récit vérité d’une défaite. La vérité selon Royal, donc forcément subjective. Petites notes de lecture.

Le procès en incompétence. «Etais-je préparée pour l’élection présidentielle?», demande Royal. «Beaucoup plus qu’on ne l’a dit, mais sans doute moins qu’il ne l’aurait fallu», admet-elle. Jurys citoyens, nucléaire iranien, épisode du Hezbollah, «bravitude», justice chinoise… Toujours avec âpreté, l’ex-candidate défend ses positions. Pour elle, ces«bourdes qui n’en étaient pas» trouvent leur origine dans la primaire socialiste, «son cortège de coups bas et de petites phrases assassines».

Chers camarades. Sans surprise, l’ex-candidate ne ménage guère ses amis socialistes. A commencer par Michel Rocard, venu lui demander de se retirer, à quelques heures du dépôt des candidatures… «Presque un gag», moque Royal. Au delà, c’est toute la horde d’éléphants «qui a juré de m’écraser», assure-t-elle. Tout y passe: les absences de DSK et les «tours pendables» joué par «ses peu recommandables cerbères», les pressions de Laurent Fabius sur son lieutenant Claude Bartolone, qui a rejoint l’équipe de campagne… Mention particulière pour Lionel Jospin, «l’homme du déni majeur», qui a séché la cérémonie d’investiture pour assister au spectacle de Pierre Perret, «préférant sans doute les jolies colonies de vacances». Au-delà de ses ténors, c’est le «manque de travail et de réflexion collective du parti» que fustige, impitoyable, l’auteur. Un parti dont personne ne peut dire quelle est la position sur «tous les grands sujets économiques ou internationaux»…

Ségolène la très chrétienne.

«Je ne suis ni Jeanne d’Arc ni la Vierge Marie», assure Ségolène Royal. De sa visite à Notre Dame de la Garde à ses multiples citations et postures bibliques, la référence chrétienne a horripilé nombre de ses camarades. A son tour, elle s’agace de ces critiques. Selon elle, loin d’être en contradiction avec les idéaux de gauche, «la parole religieuse est une parole à côté des autres». Qui aurait même constitué une ressource face aux épreuves de la campagne.

Femme et candidate. Ségolène Royal l’assure:«La posture victimaire n’est pas dans ma manière». L’ex-candidate se brosse pourtant en «Bécassine entrée par effraction» à un niveau de compétition où la gent féminine n’évoluait pas jusqu’ici. Elle consacre de longs passages à «la violence et au mépris» dont elle a été la cible, et qui, selon elle, doivent autant à un sexisme culturel qu’à l’odeur du pouvoir: «Dans la vie quotidienne, la plupart des socialistes ne sont pas d’insupportables sexistes. […] Mais l’élection présidentielle, c’est une autre histoire.» Celle qui s’affirme responsable politique et socialiste autant que femme et que mère assume avec force l’affirmation d’un genre en politique. Et refuse de «mettre son mouchoir sur sa féminité».

Rendez-vous avec Bayrou. Cocasse anecdote que cette relation faite par Ségolène Royal de son rencart nocturne, dans l’entre deux-tours, avec François Bayrou. Elle dans sa voiture, en bas. Lui en haut, chez lui, qui, soudain, prend peur: «Non, non, ne montez pas, il y a du monde dans la rue.» Il n’y a pourtant pas un chat, à cette heure tardive, dans cette tranquille rue du VIIe arrondissement de Paris. Mais, «comme un amoureux qui craint la panne ou un adultère risqué», le leader centriste, qui aux dires de Royal aurait accepté le poste de premier ministre qu’elle lui a proposé, se rétracte. «Le cheval a reculé devant l’obstacle.»

Sarkozy et les médias. «Le système Sarkozy existe, je l’ai rencontré», écrit Royal. Pour l’ex-candidate, au fondement de sa défaite, il y a les moyens de l’entreprise politique Sarkozy. Et puis, bien sûr, les liens entre le candidat de l’UMP et les patrons des grands groupes industriels, financiers et de communication, qui l’ont «soutenu comme un seul homme». Bouygues, Bolloré, Arnaud, Lagardère, Dassault, personne n’est épargné. Sur ses rapports personnels avec les reporters, au-delà d’une dent à l’égard des «éditorialistes frelatés», Royal assure avoir joué la distance, à l’inverse d’un Nicolas Sarkozy qui, selon elle, «a enfermé la troupe de reporters qui le suit dans un cocon affectif de vraie fausse camaraderie»

Mea minima culpa. Sans surprise, Ségolène Royal ne regrette rien. Ou si peu. La «seule faute» qu’elle concède, finalement, ne lui est pas imputable: «n’avoir pu aligner, au lendemain de l’investiture, un ombre respectable de ténors socialistes sourire aux lèvres et fleur au fusil». Une faute, donc, et tout de même quelques regrets. Celui du tempo des débats participatifs, en «décalage dans le rythme de la campagne». Et celui de n’avoir pu imposer au parti une contre-programmation d’envergure à la cérémonie d’investiture «mussolino-berlusconienne» de Nicolas Sarkozy, le 14 janvier. «J’aurais dû ruer dans les brancards. M’organiser. Les commander.» Plus qu’un regret, un défi?


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