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André Aicardi
L'Art
du Feu
Eléments fondateurs d'Eze, village scellé par le minéral et le fer. Des descendants des nobles corporations ayant édifié choses et esprits, peu demeurent. Aussi, aujourd'hui, parlerai-je avec joie d'André Aicardi, appartenant à l'un des plus anciennes familles d'Eze et ayant conservé l'art du feu.
L'homme a la solidité des hommes des cathédrales qui, plus au nord, forgeaient le ciseau du tailleur de pierre et, ici, coulaient clefs, celles qui ouvrent les portes et portails ou soutiennent les murs millénaires, luminaires entretenus à grand prix de cire perdue, lourdes armes tenues au secret des caves voûtées et leur sensibilité d'artistes qui donnent de la beauté au quotidien.
Depuis quarante ans, de son atelier discret tout d'abord protégé au fond
d'une belle impasse du Château Barlow puis, aujourd'hui, au lieu-dit que
l'on dirait tiré d'un roman de Georges Sand : les Trois Ponts, André tire de
lignes de fer volutes, courbes, arabesques ornant l'ocre laiteux des pierres
d'Eze mais également de bien d'autres lieux en France et en Europe.
Car, notre artiste a la vertu Ezasque par excellence : la modestie. Les dons artistiques, en outre, ne semblent pas étrangers à Eze s'agissant de cette famille, alors que son frère Isidore sculpte superbement le bois d'olivier à l'entrée du village, mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Tirées de son album de photographies, ces quelques oeuvres de jeunesse, autant de chefs d'oeuvres de compagnon :
Projet de portailpour
l'église paroissiale
Armes
commandée par un cinéaste américain
Pour les concevoir - et là est la grande leçon -, de l'esprit à la main, cette dernière tracera sur un papier déjà jauni par les remugles de la forge les prémisses des trois dimensions finales. En voilà quelques exemples :
Ebauche d'un travail d'une table reprenant des
éléments architecturaux
Puis, comme d'une canopée
métallique, surgit l'oeuvre d'abord brute que l'artiste devra ensuite polir,
lustrer, achever ...
Enfin, le temps de la mise en oeuvre. La braise sourd, le soufflet lui impose plus de rougeoiement et voilà que la pièce rigide se tord pour enfin connaître le choc wagnérien du marteau sur l'enclume lui donnant la forme voulue. Ce geste ancestral qui, de loin, évoque d'antiques batailles est, au plus près, doux comme l'appel de l'angélus. Mais ne nous y trompons pas; combien d'années d'attention a-t-il fallu avant d'arriver avant une telle maîtrise. La passage du papier au fer, initiatique comme la transmutation du plomb en or, appelle travail et savoir-faire.
De ce fer en forme de crosse d'évêque, André Aicardi a pu, il y a bien des années, sortir la clef que voici, utilisée par nous quotidiennement, ou, plus généralement à Eze, tout ce qui ornait fenêtres, vantaux et jardins.