Luttes sociales et politiques en Outre-Mer (DROM-COM-TOM)
Lundi 11 Octobre 2010
Déclaration du Comité Central du Parti Communiste Guadeloupéen (PCG)
Les dirigeants communistes ont entendu un rapport présenté par le Secrétaire Général, Félix Flémin, sur le thème : «l’analyse de la situation économique, sociale, politique du pays et les propositions du Parti pour un projet en rupture avec un système en faillite».
Conscients de leur responsabilité dans cette période capitale pour le pays, ils ont, après un débat lucide, transparent, en prise avec les réalités et potentialités de la société guadeloupéenne, adopté les résolutions suivantes :
I – L’Etat de faillite qui caractérise la situation de la Guadeloupe exige un changement global
Après des années : - de mensonges sur un prétendu dynamisme économique, porté par une croissance artificielle, sans réel développement. - de manipulations des chiffres sur les créations d’entreprises et d’emplois qui n’ont jamais endigué la montée du chômage. - la réalisation d’infrastructures de transport et de communications qui n’ont fait qu’accentuer la dépendance de la Guadeloupe à l’extérieur. Force est de constater que le modèle économique et social, qui nous est imposé depuis les premiers pas de la décolonisation, a montré, sous les coups de boutoir de l’historique mobilisation de début 2009, tous ses vices, ses pwofitasyons, ses discriminations et son incapacité à répondre aux droits et aspirations des Guadeloupéens. Le mouvement LKP a ébranlé les bases du système de l’économie de plantation qui organisent depuis des siècles la domination insolente des «pwofitès» autochtones et de leurs maîtres français et européens, sur notre pays. Aujourd’hui, en dehors des socialistes, il n’existe, pratiquement, aucune force, aucun Parti politique, aucune institution pour défendre ouvertement le maintien d’un tel système. Le chef de l’Etat français, lui-même, a été obligé de concéder, déboussolé par l’ampleur du mouvement social de l’an dernier, que : «nous sommes arrivés à la fin d’un cycle historique en Outremer». La crise qui frappe le pays, antérieure de plusieurs décennies à la crise du capitalisme mondialisé, est structurelle et elle ne fait que s’aggraver. La loi pour le développement de l’Outre-Mer, dite LODEOM, les mesures ministérielles transcrivant les préconisations des Etats Généraux importés, ne sont que «cautères sur jambe de bois». Elles sont vouées à l’échec comme toutes celles qui ont précédées : Départementalisation adaptée, départementalisation économique, lois de défiscalisation, loi d’orientation Jospin …. Les petites et moyennes entreprises guadeloupéennes, réunies dans L’UCEG ne disent pas moins. Cette crise, qui est à la fois économique, sociale, politique et morale, est irréversible, dans le cadre de l’assimilation de la Guadeloupe au système législatif, administratif, financier, fiscal, économique et politique de la France. La majorité du peuple guadeloupéen doit accéder à la compréhension qu’il n’y a aucun avenir possible dans le maintien de la Guadeloupe dans le système du droit commun français, ni dans le statu quo institutionnel et statutaire. La situation exige un changement global : Economique, Politique, Social et Culturel.
II – Un projet porteur d’un nouveau modèle économique et d’une nouvelle forme de gouvernance
Les échecs successifs de toutes les tentatives pour empêcher la faillite, aujourd’hui consommée, du système dans lequel nous évoluons, confirment clairement que : - La Guadeloupe ne pourra jamais se développer, créer des richesses à la base du progrès social, dans une application bornée des lois et des orientations politiques pensées pour la France et pour l’Europe. - Le modèle capitaliste basé sur le marché ouvert, la concurrence libre et non faussée, la spéculation financière, n’est pas adaptée aux structures économiques de la Guadeloupe, petit pays insulaire de la Caraïbe. La Guadeloupe doit opter pour un modèle de développement endogène diversifié de type mixte, suivant le principe prémédité du développement. Cela signifie que, la conduite du développement se fera à travers des plans élaborés par un pouvoir guadeloupéen, avec la participation de toutes les parties intéressées (administrations, patrons, travailleurs, centres de recherche…). Les objectifs assignés seront en priorité la création d’emplois et de richesses, le progrès social. Le développement endogène implique naturellement la recherche d’un nouveau mode de vie, en rupture avec la société de surconsommation, de gaspillage, du «tout automobile» et du tout import. Il s’agit d’un mode de vie endogène, plus proche de la nature, privilégiant la qualité de vie au niveau de vie, l’intégration dans la région Caraïbe, sur la base de la complémentarité, de la réciprocité et des échanges solidaires. Un tel modèle de développement et de société ne peut se concevoir que si la Guadeloupe est libre de ses choix politiques et dispose de la maîtrise des compétences qui fondent une bonne gouvernance : la fiscalité, la formation et le contrôle des prix, la politique douanière, l’immigration, le commerce extérieur. Dans le contexte socio-économique actuel et prenant en compte le processus historique qui est le nôtre, nous estimons que la réponse politique la plus valable pour sortir de l’assimilation économique, sociale et culturelle est la conquête d’un statut d’Etat Autonome, dans le cadre de la République française. Pour atteindre les objectifs du développement économique, social et culturel endogène. Cet Etat Autonome devra disposer des institutions suivantes qui légiféreront, décideront et exécuteront dans ses différents domaines de compétences : - Une Assemblée délibérante élue au suffrage universel direct et au scrutin proportionnel, avec compétences législatives et pouvoir réglementaire. - Un Conseil de gouvernement élu par l’Assemblée et responsable devant elle. Une des priorités de l’Etat Autonome de la Guadeloupe sera de conduire une révolution culturelle visant à un changement de conscience, de mentalité, de comportement du Guadeloupéen, condition «sine qua non» pour un véritable et nécessaire développement endogène de la Guadeloupe.
III – Déjouer toutes les tentatives de rénovation de la pensée et des pratiques politiques assimilationnistes en Guadeloupe
Il est devenu plus difficile aujourd’hui de masquer l’échec du modèle assimilationniste sur le plan social et économique. Des Guadeloupéens de plus en plus nombreux et de toutes les classes sociales se rendent compte que l’application en Guadeloupe des lois votées en France n’entraîne, ni égalité sociale avec les citoyens de la France, ni rattrapage au niveau du développement avec le territoire français. «L’épouvantail» de l’Autonomie, agité pendant longtemps par les Viviès, les Bernier et consorts n’a plus le même impact car, le chômage, les discriminations, les misères sont dans la départementalisation. Lucette Michaux Chevry, en franchissant la ligne du statu quo avec la déclaration de Basse-Terre en 2000, a vidé ce courant de pensée d’une bonne dose de sa nocivité, l’obligeant à reformuler ses slogans pourris sur l’argent de la France et de l’Europe. Comme c’est souvent le cas dans l’histoire de la Guadeloupe, la droite en panne de «gourou», a passé la main aux socialistes pour garder le temple. Avec ces socialistes et sous la direction de Victorin Lurel, s’est enclenché une bataille idéologique sans précédent pour rendre crédible le modèle assimilationniste et redorer le blason de la départementalisation. L’approche est plus soft, plus pragmatique, teintée d’intellectualisme .On n’est plus dans le domaine du ventre, des assiettes vides, des années 60, mais sur les grands «principes» : La République, l’Etat de droit, la démocratie, le financement garanti de notre dépendance. L’ambition, c’est d’afficher, à travers des relations intimes avec les maîtres du pouvoir, que nous sommes des Français comme les autres, que la France veille sur ses «enfants lointains». Des expressions nouvelles sont glissées dans le débat : la France de la diversité, les Français ultra-marins, les régions ultrapériphériques, le mariage visible du drapeau français et européen. Tout est fait pour nous obliger à nous penser Français et Européens. Cette offensive assimilationniste trouve sa traduction dans la revendication de maintenir la Guadeloupe dans le statu quo et le droit commun français, formulée par Victorin Lurel, et qui affirme, en violation de tous ses « principes républicains», que les électeurs guadeloupéens, en faisant le choix de sa liste aux élections régionales de mars 2010, ont voté pour l’assimilation définitive et irréversible dans la France qu’il incarne. Cette façon nouvelle de propager les idées assimilationnistes en promotionnant les principes d’égalité, de justice et de fraternité dans la République qui a toujours nié nos droits légitimes de peuple, ne se différencie des pratiques «vulgaires» de la droite que dans la sémantique. Le but est toujours le même : l’aliénation de la personnalité guadeloupéenne, la négation de notre identité de peuple, le renforcement du système de pwofitasyon. Toute politique de changement qui ambitionne l’émancipation du peuple guadeloupéen impose de débusquer, de traquer et de s’opposer avec détermination à toute entreprise de rénovation et de recyclage de la pensée assimilationniste et intégrationniste en Guadeloupe.
IV – Une campagne d’information offensive sur les enjeux politiques de la période
La Guadeloupe, incontestablement, est à un tournant de son histoire. Une sourde lutte de classes se mène derrière les rideaux de fumée tirés, ici ou là, pour masquer les véritables enjeux. La bourgeoisie capitaliste, sous la houlette du Medef, peaufine son projet de société tout en noyautant les sphères du pouvoir politique. Les assimilationnistes, sous couvert de réalisme républicain poussant jusqu’à l’indécence la victoire de Lurel aux élections régionales, manœuvrent pour fermer toutes perspectives de changement dans nos rapports politiques à la France, pour ancrer définitivement la Guadeloupe dans le droit commun français et européen. Des nationalistes- syndicalistes, usant d’un rapport de forces, aujourd’hui en leur faveur, stérilisent le LKP, organisent la déception, ce qui renvoie les masses populaires sous la protection des conservateurs. Il y a donc urgence de clarifier les enjeux politiques de la période et de démystifier les peurs entretenues au sein de la population par les politiques, le patronat et les agents du colonialisme. Il est inadmissible, qu’après avoir, pendant plus de 50 ans, formaté l’esprit et le comportement des Guadeloupéens dans le refus de la moindre proposition de changement de statut, de se cacher aujourd’hui derrière ses légitimes doutes et craintes pour justifier des choix politiques affirmés, de soumettre le peuple guadeloupéen au système de pwofitasyon. Les communistes guadeloupéens vont relever le défi de la vérité, de la clairvoyance et de la responsabilité. Ils engagent une campagne d’information, de débat, dans le cadre des «bik a pawol», avec les Guadeloupéens, pour confondre les imposteurs et tous les agents connus ou camouflés de l’Etat colonial français. Ils mèneront un travail d’éducation populaire et de conscientisation, en réactivant leur centre d’étude politique et sociale comme un espace de formation à la citoyenneté et à la responsabilité, ouvert à tous les Guadeloupéens. Des efforts seront faits pour porter le travail sur le terrain de la communication au niveau des exigences de la lutte contre tous les mécanismes de l’aliénation et de la manipulation des masses.
V – Vers le Front uni des Guadeloupéens pour le changement
Pour résister à l’offensive des assimilationnistes qui poursuivent l’objectif de faire table rase de toute revendication identitaire fondant le droit inaliénable de notre peuple à la souveraineté politique, au développement économique et au progrès social, il faut un Front uni des forces politiques et sociales, des démocrates, de tous les patriotes, sur la base d’un programme en rupture avec le système de pwofitasyon, ouvrant la voie à un nouveau modèle social et à un statut politique de large autonomie. Les milliers de Guadeloupéens qui se sont mobilisés dans les rues au premier trimestre de 2009 et qui, par leur courage, leur détermination et leur ingéniosité ont fait émerger l’esprit LKP, se sont battus pour porter un coup d’arrêt au système de pwofitasyon et éliminer de la gestion des affaires guadeloupéennes les élus politiques qui soutiennent ce système en Guadeloupe. Les dirigeants du LKP, en évacuant volontairement le débat sur le prolongement politique du mouvement social et sur les objectifs immédiats de la lutte en Guadeloupe, ont laissé le champ libre au pouvoir colonial et à ses relais qui ont vite fait de retrouver leur position hégémonique et leurs pratiques de domination. La victoire des assimilationnistes avec Lurel est une défaite pour le LKP. Cette défaite n’est pas sans conséquences sur la relation, aujourd’hui, des Guadeloupéens avec les forces sociales et politiques qui forment le LKP. En continuant, tout en se proclamant mouvement de masse anticolonialiste, anticapitaliste, révolutionnaire, à ignorer la profonde déception de ceux qui ont lutté pour changer la situation et à ne pas mettre en place une stratégie claire prenant appui sur le possible, le LKP ne sert pas l’objectif d’unification. Le Parti Communiste Guadeloupéen continuera à prendre toute sa place dans les actions de masses et à défendre la cause des travailleurs et de tous les Guadeloupéens qui forment le LKP. Mais, en l’absence d’une stratégie claire, élaborée collectivement, et d’une position transparente sur les voies et moyens pour atteindre les objectifs fixés démocratiquement, le Parti suspend sa participation à toutes instances de direction et d’exécution du LKP. La responsabilité des Partis, organisations et personnalités se réclamant de l’anticolonialisme, du patriotisme et de l’anticapitalisme est encore plus grande dans le brouillard politique qui bouche l’horizon. Après avoir, pour certains, déserté la tâche de construction du Front, ils se sont révélés incapables de donner une orientation valable au LKP, avant d’apporter leur touche à la désillusion des masses, en se présentant en ordre dispersé aux élections régionales, malgré tous les efforts du Parti Communiste Guadeloupéen pour présenter une liste commune. Tout le monde se dit conscient que, la question de l’unité est la pierre angulaire de tout mouvement de libération nationale et sociale. Depuis plus d’un demi-siècle, toutes les tentatives de rassemblement, d’union, de Front politique expérimentées et mises en œuvre en Guadeloupe, ont sombré dans des confrontations ouvertes, souvent violentes ou se sont fondues parfois en cours de route. L’absence d’analyses honnêtes, d’autocritiques politiques, de la reconnaissance des erreurs et des fautes ont servi à nourrir des polémiques stériles, à diaboliser des organisations et personnalités, à entretenir des antagonismes artificiels, au profit de chapelles de décérébration. Le mouvement anticolonialiste en Guadeloupe, aujourd’hui, porte tout ce poids, ce fardeau qui rend difficile le chemin de l’unité. Prenant sa part de responsabilité dans l’impasse où se délite le mouvement anticolonialiste, le Parti Communiste Guadeloupéen estime de la plus haute importance de mettre un terme à cette situation qui gangrène le camp anticolonialiste. Il appelle tous les Partis, organisations patriotiques à travailler ensemble à la tenue des Assises des forces anticolonialistes et patriotiques pour : - Procéder à un bilan critique des résultats de la lutte de décolonisation engagée depuis la décennie 50 en Guadeloupe ; - Fonder un projet collectif d’émancipation du peuple guadeloupéen au 21e siècle. C’est, croyons-nous, le chemin le plus honnête pour arriver à un front uni du peuple guadeloupéen en lutte pour sa totale libération. Le Comité Central engage, sans tabous et sans esprit polémiste, le débat avec les organisations politiques, sociales, culturelles et, d’une manière générale, avec tous les Guadeloupéens, sur les résolutions formulées dans cette déclaration. Notre volonté inébranlable et notre objectif, c’est la libération des travailleurs des chaînes de la pwofitasyon, c’est la construction d’un pays Guadeloupe pouvant donner à chacun de ses enfants sa place en toute dignité et responsabilité. Pointe-À-Pitre, le 3 octobre 2010 |
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