Il faut savoir reconnaître un aspect positif, c'est la forme et l'organisation du texte en « thèses », 41 pour être plus exact. C'est un approche très commune dans les Partis communistes (notamment ceux qui sont marxistes).

Le projet de base commune s'articule selon un plan assez logique : Analyse du capitalisme → Pourquoi le communisme ? → Quelle société ? → Quel parti pour le communisme ?

Ils y a des grandes questions absentes du projet qui s'explique pas notre absence de vision de gestion du pouvoir : Quid les grands débats sur la Sécurité sociale de l'emploi et de la formation (en intégrant aussi la question du Salaire à vie portée par Bernard Friot) et pourtant cette question est essentielle et son potentiel révolutionnaire méconnu. Quid la question de l'énergie et la question environnementale. Quid la question de la construction de la société communiste et d'un débat impératif à avoir : l'étape du socialisme.

Maintenant analysons le projet de base commune qui sera soumis aux membres du Conseil National du PCF ce samedi.

I- L'état du monde, du capitalisme et de la France

1- Sur l'analyse du capitalisme

5 thèses sur le capitalisme introduise le document et rappel les principes portés par ce dernier : L'accumulation du capital et sa concentration entre les mains de quelques personnes, la destruction des écosystèmes, la surexploitation de la nature et de l'humanité, la révolution numérique qui est détournée des riches potentialités qu'elle crée au profit de l'accumulation du capital et du renforcement de l'exploitation et ou tout devient une marchandise. Enfin dans la thèse 5, les prémices de son dépassement semblent enfin apparaître.

Quelques remarques, intégrer l'aspect écologique est une impérieuse nécessité car l'humanité est au bord du gouffre et comme l'ont analysé les communistes d'Inde lors des congrès du CPI et CPI(M) un véritable danger guette pour l'avenir de l'humanité et des espaces naturels. Nous sommes à l'aube d'une crise anthropologique majeur.

Il y a une sous estimation de l'impact de la révolution numérique dans la profonde mutation du capitalisme. Le capitalisme numérisé, uberisé, recrée les conditions de l'exploitation capitaliste du XIXème siècle. Il faut prendre en compte cet aspect et voir que le capitalisme du XXIème siècle est similaire à l'ère victorienne et sa mondialisation.

Voir :
Thèse n°1 : Le capitalisme est aujourd’hui un frein majeur au développement de l’humanité.

Thèse n°2 : Le capitalisme entraîne l’humanité et notre planète vers l’abîme, à vitesse accélérée : la crise écologique et anthropologique qu’il génère prend des proportions inédites.

Thèse n° 3 : Le capitalisme dépossède de pouvoir un nombre inédit d’humains.

Thèse n°4 : Le développement du capitalisme aggrave la crise de sens dans laquelle il enfonce l’humanité.

Thèse n°5 : Le capitalisme présente des signes de péremption de plus en plus marqués.

2- A propos de l'actualité du communisme

Le but du « Nous communistes de France » (dont j'aime la formulation très old school) est bien de proposer une alternative au capitalisme. Mais les 6 thèses développées ne propose rien pour y parvenir.

La thèse 6 ne fait que répéter les 5 premières thèses.

La Thèse 7 propose la « nationalisation authentique » des grandes structures économiques, le développement de services publics (locaux, nationaux, européens et mondiaux) et un développement volontariste des fameux et fumeux « communs ». Pourquoi ne pas parler de socialisation des moyens de production et d'échange ? Pourquoi ne pas parler de socialisme ?

Dans les Manuscrits de 1844, Karl Marx voit dans les communs une approche d'un communisme grossier, une « expression positive de la propriété généralisée ». Pour lui c'est une conception imaginaire de la communauté qui fait de tous les individus des travailleurs soumis à la domination du capital collectif et tous égaux dans la pauvreté partagée. Ce communisme-là n’est jamais que le capitalisme collectivisé dans lequel le commun est la condition des nouveaux esclaves salariés.

Mais la thèse 8 vient relever le niveau en précisant que vous voulons une société d’émancipation, coopérative, et un travail libérateur.

L'Universalisme promu dans la thèse 9 est anticommuniste et bourgeois. Si nous croyons en l'universalité de la révolution et du communisme, nous rejetons l'universalisme. Ce concept ne vise qu'a justifier la supériorité d'une civilisation (ici occidentale) contre des peuples « à civiliser ». Nous ne sommes pas dupes. Les communistes, face au « choc des civilisations » ne réponde que par « l'internationalisme ».

Sur la thèse 10, il faut comprendre que sans la libération des femmes de l'oppression patriarcale, il n'y aura pas de société communiste. Cette libération est un préalable non négociable et qui ne se hiérarchise pas en fonction du capitalisme..

Pour la thèse 11, comme pour la thèse 9, il n'y a pas d'autres réponses sans l'internationalisme.

Voir :
Thèse n°6 : Relevons le défi écologique et anthropologique. Changeons de cap : l’humain d’abord !

Thèse n°7 : Face à l’accaparement de tout par quelques-uns, poussons à fond l’appropriation par le plus grand nombre.

Thèse n°8 : Pour le développement intégral des individus.

Thèse n°9 : Pour un universalisme authentique face à la mise en scène d’un « choc des civilisations ».

Thèse n°10 : Pour une humanité débarrassée de la domination patriarcale, pour des femmes et des hommes égaux et libres.

Thèse n°11 : Pour un monde de paix.

3- Sur les combats à mener en France

Première remarque, pourquoi à cet endroit ? Il aurait été plus matérialiste de l'inscrire après la première partie sur le capitalisme.

Sur le fond, il n'y a pas grand chose à redire.

Voir :
Thèse n°12 : La France présente des dimensions stratégiques pour notre combat.

Thèse n°13 : La France est au cœur d’un affrontement de classe visant à saborder tous les leviers de modernité conquis de haute lutte : défendons-les, développons-les, ressourçons-les.

II- Le chemin révolutionnaire, la longue marche du PCF

1- Comment conscientiser les masses ?

Le projet de base commune va développer 6 thèses pour engager la conscientisation des masses et du prolétariat, et on ne parle plus de ce faux concept des « 99% ». Ici c'est « la grande classe des salarié.e.s » qui est mise en avant.

Les thèses qui sont présentées dans ce document sont assez intéressantes et positives. Mais je reste convaincu qu'il est illusoire de croire à une possible réorientation du rôle de la BCE. L'Union européenne et l'Euro sont irréformables car ne servent qu'un objectif : servir le capitalisme.

Voir :
Thèse n°14 : Il existe, en France, une puissante aspiration populaire à de grands changements mais le mouvement populaire reste trop faible.

Thèse n°15 : Développer la conscience de classe est un enjeu stratégique.

Thèse n°16 : Développer l’alliance de toutes celles et de tous ceux qui ont intérêt à l’extinction des dominations pour, ensemble, parvenir à les faire reculer

Thèse n° 17 : Notre stratégie communiste s’ancre dans les luttes concrètes pour engager le dépassement du capitalisme.

Thèse n°18 : La mise en mouvement populaire, pour grandir, a besoin de victoires. Travaillons, à toutes échelles, à en obtenir et popularisons-les.

Thèse n°19 : Faire grandir cinq transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

2- Comment prendre le pouvoir ?

C'est à partir de là que je projet de base commune va sombrer. En faite il n'y a pas de stratégie, ni de plan de conquête proposé. C'est indigne d'un Parti communiste. Dans diverses thèses on va énumérer des faits, notamment sur la politique de Macron et son style autoritaire, puis que l'on veut une nouvelle gouvernance et changer l'Europe (sic). Et que les élu.e.s communistes sont un atout (sans faire la critique de celles et ceux qui pratiquent un aventurisme personnel et souvent opposé aux thèses du PCF).

Bref, rien sur la stratégie de la conquête du pouvoir et de notre gestion de ce dernier.

Voir :
Thèse n°20 : Nous sommes confrontés à une nouvelle phase de concentration autoritaire des pouvoirs.

Thèse n°21 : Nous visons la conquête du pouvoir d’État pour faire croître les pouvoirs du plus grand nombre.

Thèse n°22 : Notre stratégie de conquête des pouvoirs ne se limite pas à l’État national.

Thèse n° 23 : Les élu.e.s communistes sont un atout précieux dans ce combat.

3- Surtout pas de bilan, mais surtout pas

Je crois que le bilan de Front de gauche résume à lui tout seul l'opportunisme et la médiocrité intellectuelle de la direction nationale. Ne pas faire une autocritique sur cette période ne permet pas d'affirmer que «  Nous avons vocation à être présents à toutes les élections » surtout quand elle crée les conditions de l'absence des communistes aux élections présidentielles de 2012 et 2017.

C'est honteux.

La direction du Parti (son Conseil National inclus) a complètement navigué à l'aveugle, courant d'une position opportuniste à une autre, courant derrière des chimères électorales, pour finalement se manger le mur d'arrogance d'un Mélenchon débarrassé de son encombrant ex-allié communiste.

L'urgence de faire le bilan des directions nationales et des stratégies de l'éternel échec !

Le XXIXème congrès du PCF qui se déroule à La Défense (Nanterre) est le congrès de "La Mutation" (celui de Martigues ne fait que confirmer les thèses adoptées à La défense). C'est le congrès qui décide dans les faits, l’abandon du marxisme, du socialisme comme étape dans le processus révolutionnaire, et de l'analyse stratégique visant la prise du pouvoir. De ce congrès découle un certains nombres de processus, de stratégies qui aboutissent aujourd'hui a la situation que nous connaissons.

1- L'effacement électoral du PCF.
2- L'affaiblissement durable des structures militantes.
3- L'effondrement massif du nombre d'adhérent.e.s.
4- L'absence de programme audible et crédible.
5- La disparition médiatique (perte de l'Humanité, absence dans les médias - même publics - de masses ...).

Et à chaque séquence de vie interne, les points ci dessus se renforcent. Quelque soit la stratégie adoptée : Gauche plurielle / collectifs antilbéraux / Gauche populaire et antilibérale / Front de gauche ... A chaque fois plusieurs facteurs se répètent :

1- Absence de bilan sur les échecs électoraux.
2- Absence de bilan sur l'état des structures politiques.
3- Absence de remise en cause des directions (regardez les membres du CN, la majorité on connu ces échecs et ils sont toujours en place).
4- Effacement du PCF au nom du "rassemblement" (rajouter les adjectifs - au choix - suivants : populaire, majoritaire, de gauche ...).
5- Nouvelle stratégie, avec les mêmes méthodes, les mêmes mots, les mêmes personnes.

Conséquence : Le PCF subit un nouvel échec !

Concrètement, il devient urgent de faire le bilan de la période écoulée (2016-2017), mais aussi du Front de gauche (2009-2016) et des diverses stratégies qui ont toutes échouées (sauf 2005).

voir :
Thèse n°24 : Pour une mise en mouvement populaire permanente et des majorités politiques à l’image de la diversité des forces en mouvement.

Thèse n°25 : Le Front de gauche a finalement échoué, non sans rencontrer des succès importants.

Thèse n°26 : Le paysage politique issu de 2017 n’est pas stabilisé.

Thèse n°27 : Vers un nouveau front social et politique.

Thèse n°28 : Nous avons vocation à être présents à toutes les élections.

III- Que faire pour sauver le Parti communiste

Il y a beaucoup de choses à dire sur l'état de décomposition du Parti communiste et il est dommage de ne pas voir de bilan réel de l'état de l'organisation. En même temps lorsque l'on est pas capable de fournir un bilan politique, je pense que faire un bilan de l'organisation est une douce chimère. Pourtant tellement essentiel pour redéployer des forces.

13 thèses sont proposées et vont porter sur de très nombreux points :

1- Un parti pour quoi faire (thèses 29/30) ?

Conscientiser, mettre en mouvement et offrir une organisation politique aux masses (a défaut d'être de masse). Abolir des dominations, aliénations et dépasser le capitalisme.

Des thèses qui ont le mérite d'énoncer le rôle du Parti, cependant, il ne fait ni la révolution, ni ne gère le pouvoir. Dommage que les Thèses d'avril et l’État et la Révolution de Lénine ne soit plus assez lues chez nos dirigeant.e.s nationaux.

2- Un parti de masse et dans les masses (thèses 31/32/33/34/35/40).

J'ai cru voir l’esquisse d'une référence à un concept maoïste très intéressant, la « stratégie de la ligne de masse », mais il en est rien. Les thèses se bornes à bonnes intentions :

- Donner le pouvoir à la jeunesse dans le Parti, en espérant que le prochain CN soit en cohérence avec ce texte.
- Renouer avec l'adhésion et les grandes campagnes de renforcement.
- Renouer avec la présence des communistes dans les lieux d'exploitation.
- Renouer avec la formation des communistes. En même temps, sans cadres formés, pas de redéploiement dans les lieux d'exploitation et dans le quotidien de toutes et tous. L'idée des « universités permanentes » est intéressante et elle nécessite des moyens et des personnes compétentes. Par contre il faut poser la question de l'Humanité, le Parti doit en reprendre la propriété.
- Engager des campagnes de solidarité du quotidien.

On est toutes et tous d'accord avec ces thèses, par contre quels moyens ? Quel calendrier ? Qui ? Comment vérifier que le travail est fait ? Comme pour le 37ème congrès, le texte se borne à définir des taches sans s'assurer que le travail soit engagé.

3- Une visibilité retrouvée ? (thèses 36/37/38/39)

Le texte aurait pu dire que la communication du Parti est inexistante, médiocre et que les personnes incompétentes, qui en étaient en charge (depuis ils ont été remplacé). Le texte expose des pistes importantes :

- Une nouvelle plate-forme numérique (fin 2018) pour permettre coordonner le travail des communistes, mettre en contact et démultiplier les initiatives.
- Une charte graphique commune pour en finir avec l'anarchie visuelle dans nos sections.
- Un nouveau logo. Oui il devient urgent d'en finir avec l'actuel et de revenir à quelque chose qui représente notre idéologie. Si la Faucille et le marteau est le meilleurs de tous, il peut y avoir un débat sur l'identification du communisme.
- Une formation à la communication, au maquettage et à la stratégie numérique.

Par contre rien sur notre stratégie médiatique. Rien sur le porte-parole national, rien sur l'Humanité, rien sur la stratégie visant à briser le blocus médiatique en créant des espaces politiques. Il nous faut retrouver une fonction tribunitienne et pour cela avoir des dirigeant.e.s qui n'ont pas peur et qui ne pratiquent pas l'autophobie communiste (vis à vis de l'URSS par exemple).

4- Et enfin la question des directions

La thèse 41 conclut en eau de boudin ce projet de base commune. Surtout pas de critique du travail des directions, avoir de bonnes intentions et ne rien proposer.

Voir :
Thèse n°29 : Le Parti communiste est l’organisation démocratique qui vise à la mise en mouvement populaire consciente la plus large, pour le dépassement du capitalisme et des systèmes de domination.

Thèse n°30 : Nous sommes le Parti de toutes celles et de tous ceux qui ont intérêt au dépassement du capitalisme, à l’extinction des dominations patriarcales et racistes, des aliénations.

Thèse n°31 : Nous sommes le parti de la jeunesse.

Thèse n°32 : Pour un parti de masse et de proximité.

Thèse n°33 : Nous relançons un travail de structuration de l’action militante dans les lieux de travail.

Thèse n°34 : Nous faisons de la formation, partout, une priorité d’organisation.

Thèse n° 35 : Nous renforçons notre action en matière de solidarités concrètes.

Thèse n°36 : Pour des campagnes identifiantes, identifiées et évaluées.

Thèse n°37 : Nous développons des réseaux d’initiative et de partage pour se coordonner et agir.

Thèse n°38 : Nous faisons entrer le PCF dans une nouvelle ère numérique avec le développement d’une plateforme.

Thèse n°39 : Nous développons une communication renouvelée pour le PCF.

Thèse n°40 : Nous prenons par les cornes la bataille idéologique et l’éducation populaire ; nous créons des université permanentes.

Thèse n°41 : Pour des directions plus efficaces et plus démocratiques.