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Marxisme-Léninisme, socialisme, communisme

Lundi 14 Mai 2007

La défaite de Ségolène Royal ouvre la voie à un recentrage du Parti socialiste attendu depuis longtemps par les libéraux


Sur le chemin de Bad Godesberg
Le visage de Ségolène Royal est souriant. Il est 20h02 et la candidate du PS apparaît à la tribune. Des militants l’interrompent. Elle traverse la salle pour aller à leur rencontre, elle les remercie, elle remonte à la tribune et entame son discours. Derrière le sourire, les mots dessinent un programme politique : « Vous pouvez compter sur moi pour approfondir la rénovation de la gauche et la recherche de nouvelles convergences au-delà de ses frontières actuelles. C'est la condition de nos victoires futures […] Je serai au rendez vous de ce travail indispensable et j'assumerai la responsabilité qui m'incombe désormais. »
Sur le plateau de TF1, Dominique Strauss-Kahn fait franchement la gueule, mais l’orientation politique est identique : « Les Français ne veulent pas qu'on leur sorte des solutions qui ont 20 ans. Ils voient bien que la gauche doit apporter autre chose que ce qu'elle a toujours dit […] J'ai tenté une révolution sociale-démocrate, elle n'a pas abouti ».

L’offensive pour une rénovation sociale-démocrate du Parti Socialiste vient de commencer. Elle se poursuit le lendemain dans les colonnes de Libération ; Laurent Joffrin, dans son éditorial, accuse : « L’immobilité doctrinale du PS, produite par ses divisions d’ambition, a plombé d’avance l’élection. Refus de tirer une leçon claire de la bérézina du 21 avril 2002 […], négligence à l’égard du centre […]. La gauche doit aujourd’hui organiser sa refondation. Ce revers doit réveiller les forces d’imagination et de modernisation, celles qui allient audace et réalisme. »
Le constat est le même pour la presse régionale. Dans La Voix du Nord, Jean-Michel Bretonnier conclut son éditorial par un conseil adressé au Parti Socialiste : le score de Ségolène Royal « rend surtout plus que jamais nécessaire l’aggiornamento du Parti socialiste ».

Aggiornamento. Le mot est dans tous les éditoriaux, dans les discours de tous les experts convoqués sur les plateaux de télévision. On le retrouve sous la plume des économistes du Monde ou de Libération. A l’origine, l’aggiornamento renvoie au concile de Vatican II et à la volonté pontificale de « mettre à jour », de moderniser la doctrine, les pratiques et la liturgie de l’Eglise catholique.
Sous la plume des éditorialistes de la presse parisienne ou régionale, il va de pair avec l’invocation rituelle du congrès de Bad Godesberg, là où le SPD allemand, en 1959, a renoncé au marxisme et adopté l’économie de marché.

La formule revient comme une antienne : « Le PS n’a pas encore fait son aggiornamento idéologique. Il doit faire son congrès de Bad Godesberg et devenir franchement social-démocrate ». Variante : « Le PS n’a pas encore fait son congrès de Bad Godesberg. Il doit effectuer son aggiornamento idéologique et devenir franchement social-démocrate »…

Dans les sections, beaucoup de militants sont abattus par l’échec et désarmés face au rouleau compresseur médiatique.

Que répondre quand Le Monde (09.05.07) offre à ses lecteurs une analyse toute en nuances de Michel Noblecourt qui écrit que : « Sur le plan doctrinal, le PS a le choix entre une social-démocratisation assumée et une fuite en avant à gauche. » ?

Le vocabulaire employé vise déjà à circonscrire le débat.

Alors, les militants socialistes se prennent à douter. Secrétaire de la section socialiste d’Hénin-Beaumont, Daniel Duquenne explique ainsi à La Voix du Nord (08.05.07) : « Il y a aujourd’hui deux clans au sein du parti. D’un côté Fabius-Emmanuelli qui veulent un parti très à gauche, de l’autre, ceux qui, comme Ségolène Royal, cherchent la social-démocratie. Moi qui étais très à gauche, je tiens compte de l’avis des électeurs puisque, on l’a vu, c’est ce qu’ils recherchent… »

La logique paraît imparable : confronté à une droitisation de la société et à une droite conservatrice-libérale qui dispose d’une idéologie cohérente et structurée, le Parti Socialiste devrait prendre en compte les attentes des électeurs et moderniser son idéologie et son système d’alliances en se transformant en Parti social-démocrate.
Un Parti social-démocrate positionné au centre-gauche, allié aux centristes du Mouvement Démocrate, et qui aurait rompu avec les antilibéraux d’ATTAC, du PCF et de la LCR et leurs attentes forcément irréalistes, euro-incompatibles…
Les députés socialistes européens de toute l’Europe ne sont-ils pas unanimes à déplorer l’archaïsme étatiste des socialistes français ?

On en oublierait presque que le Parti socialiste a clairement fait le choix de l’économie de marché capitaliste depuis 1983 et le tournant de la rigueur emprunté par François Mitterrand. Le Parti socialiste est déjà, et depuis longtemps un Parti social-démocrate.
François Hollande est très éloigné de Rosa Luxemburg lorsqu’il théorise le « réformisme de gauche » dès 2003 au congrès de Dijon. Pour le premier secrétaire du PS, la défaite électorale de 2002 s’expliquerait par le hiatus entre le discours keynésien et volontariste du PS dans l’opposition et sa pratique gestionnaire et sociale-libérale du pouvoir. Conclusion de François Hollande : le programme du PS doit être gestionnaire et social-libéral !
Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn ne disent pas autre chose et ils traiteraient de fou quiconque oserait émettre l’hypothèse que peut-être, ce sont les pratiques gestionnaires et libérales du PS au pouvoir qu’il faut changer.

Au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy, l’académicien Jean d’Ormesson comparait le président de l’UMP à Antonio Gramsci : « À son insu peut-être, son souci de refondation idéologique lui fera pourtant jouer le rôle inattendu d’une espèce imprévue de Gramsci de droite : il devine que ce sont les valeurs et les idées qui font bouger les choses ».
Les dirigeants socialistes n’ont pas lu Gramsci. Ils se refusent à penser l’hégémonie culturelle. Il leur faudrait affronter les représentations véhiculées par les classes dominantes et les élites journalistiques ; il leur faudrait aller à rebours de l’opinion publique. Inacceptable quand l’objectif ultime est de conquérir le pouvoir.

Conquérir le pouvoir pour en faire quoi, si le PS se résigne à la domination des valeurs de droite ?

A la gauche de la gauche, on a lu Gramsci ; des associations comme Attac ou la Fondation Copernic, des journaux comme Politis ou Le Monde Diplomatique définissent les contours d’un antilibéralisme qui irrigue désormais la LCR, le PCF et les écologistes alternatifs.

L’impossible candidature unique de la gauche antilibérale a posé les jalons d’une unité organique de la gauche radicale qu’attend avec impatience son électorat.
Une unité qui pourrait être précipitée par un virage à droite du Parti socialiste.
Car sous la conduite de ses dirigeants sociaux-libéraux, le Parti socialiste emprunte le chemin de Bad Godesberg qui lui est montré par tout ce que la France compte d’experts et d’éditorialistes de marché.
Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn pourront bientôt réciter ce que Tony Blair disait déjà il y a dix ans : « Je voudrais une situation comme celle des États-Unis. Là-bas, personne ne met en doute que les démocrates sont un parti favorable au business. Nul ne devrait non plus se poser la question à propos du New Labour » (Financial Times, 16.1.97).

Nicolas Sarkozy peut savourer sa victoire. Il a remporté la bataille des idées.
En contraignant le PS à une refondation dans laquelle il pourrait bien se perdre, le chef de l’UMP remporte une victoire à double détente : car la défaite de Ségolène Royal risque de précipiter un aggiornamento idéologique en forme de capitulation pure et simple du PS devant les forces du marché.

Depuis le dimanche 6 mai, la mue du PS en un Parti démocrate à l’américaine a cessé d’être une hypothèse d’école. Les communistes et les militants du mouvement social ont désormais les clés de la gauche entre leurs mains. A eux de relever le défi.

vu sur le site du PCF d'Henin Beaumont

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