Informations syndicales et luttes
Vendredi 10 Avril 2015
Ils étaient 300 000, ce jeudi, à battre le pavé dans 86 villes de France, pour la journée intersyndicale d’action contre l’austérité. Dans les cortèges, travailleurs du public et du privé, précaires, chômeurs, jeunes, retraités ont convergé, rejetant les divisions et exigeant une politique de relance des salaires et des services publics
« A manifesté ! » ainsi Lise, annonce fièrement sur Facebook, tel un acte citoyen, sa participation à l’une des quelque 86 manifestations anti-austérité (1) organisées jeudi dans tout le pays et notamment à Paris à l’appel de la CGT (très massivement mobilisée), de FO, de la FSU et de Solidaires. Quelque 300 000 personnes ont répondu à cet appel à la grève active lancé par 800 syndicats d’entreprises publiques et privées et ont permis de mesurer que la colère n’est pas moins vive au soleil, pourtant bien présent. Bien au-delà de sombres constats, ce sont des revendications claires qui ont été portées par les dirigeants des organisations syndicales en tête du cortège parisien qui a rassemblé près de 120 000 hommes et femmes entre la place d’Italie et les Invalides. Pour la première fois à Paris depuis 2010, la tour Eiffel et de nombreux musées étaient fermés pour cause de grève.
Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT qui a pris le temps d’échanger avec de nombreux militants, « le mot d’ordre, contre l’austérité et pour des politiques alternatives à celle du gouvernement et du Medef », signifie « revalorisation des salaires, réduction du temps de travail, tout ce qui fait en sorte qu’on puisse développer l’emploi ». Il confirme ainsi un contre-courant manifeste vis-à-vis de la politique vaine et dangereuse menée par le gouvernement qui « consiste à donner toujours plus d’argent public aux entreprises privées, sans contrôle, sans mesure d’efficacité de ces mesures ». Même idée, du côté de Jean-Claude Mailly selon qui les coups de pouce offerts aux patrons du Medef ne permettent pas de reprendre la main sur l’emploi, lorsque le secrétaire général de Force ouvrière résume : « Maintenant ça suffit ! Il faut une politique sociale, et pour le moment, on n’est pas entendu. » Bernadette Groison, leur homologue de la FSU, décline on ne peut plus concrètement son attente d’un « geste » de la part du gouvernement. « Qu’il réunisse les organisations syndicales de notre pays, au moment où on a un FN à 25 % et une défiance réelle à l’égard des forces démocratiques dans notre pays. » La responsable syndicale revendique l’ouverture de « discussions pour négocier les salaires ». Rappelons que ceux des fonctionnaires sont gelés depuis maintenant cinq ans ! Eric Beynel, l’un des porte-parole de Solidaires, a signifié « le ras-le-bol contre ces politiques d’austérité qui nous conduisent à la catastrophe ». Le retrait pur et simple du projet de loi Macron étant jugé comme un préalable à toute démonstration de virage tangible dans le sens d’une politique sociale que l’on est en droit d’attendre d’une gauche portée au pouvoir par un vote majoritaire des salariés. Des entreprises en lutte au coeur des cortèges Sur le boulevard des Gobelins, jeudi à 13 heures, les mégaphones tentent, avant le départ, de mettre en bon ordre le cortège parisien. « Alors, il y a le carré de tête avec les chefs, puis il y a les jeunes, s’époumone un des militants à peine sorti du bus. Tous ceux qui ont plus de trente ans, vous n’avancez pas ! » Quelques minutes plus tard, c’est toute la manif qui devient le « carré » des combats contre l’austérité. Et des « boîtes en lutte », finalement, on en croisera d’un bout à l’autre. Il y a les salariés de Radio France en grève depuis 22 jours qui, évidemment, attirent l’attention avec leurs percussions et reçoivent des applaudissements. « Vive la radio ! » lancent les uns. « Publique », répondent les autres. Loin derrière, voici les métallos de Sambre-et-Meuse (lire l’Humanité de jeudi) qui occupent leur usine depuis 24 jours : « On ira jusqu’au bout », promettent-ils, alors qu’ils viennent de recevoir leurs lettres de licenciement. Puis, entre la place d’Italie et les Invalides, les boulevards deviennent pour quelques heures la vitrine de nombreux conflits sociaux encore méconnus. Sur la plateforme logistique d’Amazon à Chalon-sur-Saône, les négociations salariales commencent la semaine prochaine. « Le groupe nous parle d’une augmentation de ses bénéfices de 30 % en France, mais la participation baisse de 20 % déjà, témoigne Alain Jeault, délégué CGT. On sent bien qu’ils vont nous faire une proposition dérisoire, alors qu’en plus de leurs montages fiscaux, ils ont touché 5,5 millions d’euros d’argent public. Pour eux, les négociations, c’est une obligation, mais ça ne les intéresse pas du tout, en fait, c’est du pur formalisme. » À une trentaine, des salariées de Sephora se distinguent, en avançant au pas de course. Beaucoup d’entre elles ont bravé les intimidations de la direction pour être là, alors elles sont déterminées. « C’est la première fois qu’on fait une telle manif, rapporte Jenny Urbina, déléguée syndicale CGT. On gagne le Smic et on nous donne une augmentation de 0,8 %, alors que les dividendes versés au groupe LVMH augmentent, eux, de 20 %. Mais c’est nous qui travaillons ! Sans nous, les dividendes n’existent pas… » Même colère pour les employés des Carrefour Market qui, engagés depuis deux mois, dans des mouvements de grève tournante sur les différents magasins (ils les ont baptisés les « week-ends de la colère ») résument toutes les revendications sociales en moins d’une minute : « Actionnaires + 10 %, salaires + 0,5 % ! Carrefour Market, ta demi-baguette, on n’en veut pas ! Travail du dimanche, c’est non, non, non ! Travail de nuit, c’est non aussi ! » « L’avenir, c’est le CDI pour tous ! » Les jeunes contre la loi Macron : c’est aussi le message qu’ont voulu faire passer les syndicats à l’occasion de cette manifestation nationale parisienne. Dans le carré de tête, plusieurs centaines de jeunes rassemblés derrière une banderole CGT ; histoire de donner à voir le renouvellement générationnel, mais surtout de déjouer le piège tendu par Macron qui voudrait, au nom du droit à l’emploi des jeunes intérimaires ou en CDD, s’attaquer aux droits attachés au CDI. Pour Wilfried, la trentaine, agent hospitalier dans les Hautes-Pyrénées, la remise en cause du CDI « est faite pour diviser ». Dans son hôpital, « au lieu de recruter des jeunes, on propose aux agents à la retraite de travailler » pour arrondir les fins de mois. La solution pour l’emploi des jeunes ? « Il faudrait plutôt aller vers les 32 heures, au lieu de casser les 35 heures ! »
Un peu plus loin, Nassim, étudiant à Paris-II-Assas, est venu manifester à l’appel de l’Union des étudiants communistes (UEC). En deuxième année de droit et animateur vacataire en parallèle, il doit jongler entre ses différentes casquettes : « Parfois, on est obligé de choisir entre les études et le travail .» Selon lui, « la mise en cause du CDI créerait plus de chômage et plus de concurrence, ce qui veut dire de l’instabilité ». Julien, 23 ans, est venu quant à lui avec ses aînés de l’entreprise automobile SNWM de Douai. Intérimaire pendant dix-huit mois, il est maintenant au chômage mais a quand même tenu à participer à la manifestation avec son drapeau CGT « pour défendre (ses) droits, même pour plus tard ! ». « L’avenir c’est le CDI ! ajoute son collègue. Les CDD et intérims ne produiront que plus de chômage. »
Même son de cloche du côté des salariés nantais d’Airbus, entreprise qui s’apprête à « virer tous les intérimaires en fin de contrat ». Une jeune femme employée du groupe ne cache pas sa colère à propos des pistes évoquées par le Medef en matière d’emploi : « Depuis quand le CDI empêcherait les précaires d’accéder à l’emploi ? C’est simplement que, pour eux, supprimer le CDI, c’est le rêve ! On aurait tous une épée de Damoclès au-dessus de la tête. » Jeudi à Paris, pas de guerre des générations, mais des salariés solidaires. L’austérité et la loi Macron, cibles du défilé Dans tout le cortège, la loi Macron fait l’unanimité contre elle. Le collectif féministe Égalité fait signer sa pétition contre le travail du dimanche et le travail de nuit sur un « mur de protestation des femmes ». Dans les rangs de FO, les militants fustigent une « loi des grands patrons ». Et dans ceux de Solidaires, le slogan promet : « Avec la loi Macron, on va pas rigoler, c’est bien les salariés qui vont se faire plumer et c’est encore les patrons qui vont tout encaisser ! » Au cœur du cortège, l’austérité fait bien sûr l’unanimité contre elle. Les quatre syndicats (CGT, FSU, Solidaires et FO) ont d’ailleurs installé une gigantesque banderole en « soutien au peuple grec » : « D’Athènes à Paris, dans toute l’Europe, non à l’austérité ! ». Les retraités CGT du Beaujolais en appellent, avec humour et détermination, à une « cuvée sociale ». « Après trois ans sans revalorisation des pensions, on est maintenant au-delà de l’austérité, on est dans la régression sociale », dénonce Michel Catlin.
Salariée à la Fasti, l’association de solidarité avec les travailleurs immigrés qui était fermée pour cause de grève jeudi, une première, et syndiquée Solidaires, Fernanda Marruchelli met en cause les conséquences économiques de l’austérité, mais également « tout ce qu’elle amène en termes de réduction des droits et de lois liberticides ». Venu avec une trentaine de ses collègues (sur cinquante), Jean-Marc Ruffier, délégué CGT de Graftech, une petite usine de Notre-Dame-de-Briançon dans la Tarentaise (Savoie), illustre bien cette exigence. « On est condamné à la fermeture par nos actionnaires, des fonds de pension américains, qui ont décidé de délocaliser. Et avec la mal nommée loi de sécurisation de l’emploi, on ne peut rien faire ! » Dans la foule, un drapeau CGT barré du nom de Radiall, l’entreprise de Pierre Gattaz, le patron du Medef. « Le groupe a fait d’excellents résultats l’année dernière avec un chiffre d’affaires en hausse de 20 %, mais dans les négociations salariales, la direction se contente de répercuter la hausse de 2 % décidée au niveau de la branche, rien de plus », raconte Yoann Bardou, syndicaliste dans l’usine historique des Gattaz à Voreppe (Isère). « Des mouvements comme aujourd’hui sont importants, constate Guy Manin, délégué central CGT de Radiall. Ils permettent de voir qu’on n’est pas tout seul dans nos boîtes et que, contrairement à ce veut faire croire notre patron, Pierre Gattaz, la lutte des classes existe encore. Ça peut servir de déclencheur ! »
À Marseille : « Si on ne nous donne rien, ça va être la guerre » Il y avait foule aussi, jeudi matin, dans le centre-ville de Marseille, qui a offert une fois de plus l’exemple d’une mobilisation tous azimuts avec plus de 150 arrêts de travail déposés. Alors que les syndicats avaient demandé à la SNCF un train spécial pour que 700 militants rejoignent le cortège parisien, seuls 200 ont pu gagner la capitale après le refus de la compagnie nationale. « Il y a sans doute eu une volonté politique de ne pas nous faciliter le voyage », constate Éric Chesnais, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône. « Nous n’en sommes que plus nombreux ici, toutes professions confondues… Il y a énormément de luttes – SNCM, Moulins Maurel, Total, l’hôpital – que nous faisons converger. C’est une journée pour relever la tête face aux attaques contre l’ensemble de la classe ouvrière et face à Hollande et Valls qui sont des laquais du Medef. » Symbole de cette trahison du gouvernement, les marins de la SNCM étaient une nouvelle fois présents en nombre dans le cortège, alors que leur compagnie est toujours en redressement judiciaire et que le tribunal administratif de Bastia vient d’annuler la délégation de service public de continuité territoriale qui lui était attribuée. « Au-delà de la SNCM, c’est toute la profession maritime qui est en grève. Les pratiques des patrons pour échapper au droit social français sont le cancer de notre démocratie et de notre société, déplore Frédéric Alpozzo, le leader des marins CGT. Aujourd’hui, Corsica Ferries, qui utilise ce modèle, n’attend que la liquidation de la SNCM pour bénéficier d’encore plus d’argent public. C’est un vrai scandale d’État, mais malheureusement, la plainte que nous avons déposée il y a quinze mois n’a toujours pas été instruite. » Sous le soleil, le cortège coloré accueillait également des salariés du service public, qui eux aussi encaissent les coups et exprimaient leur ras-le-bol de cette austérité mortifère qui touche notamment l’hôpital public. « On nous annonce 500 suppressions de postes, des lits en moins et peut-être la fermeture de l’hôpital Sainte-Marguerite. Cette année, c’est encore 30 millions d’euros d’économies, alors que l’on travaille déjà à flux tendus. Ce n’est tout simplement plus possible », prévient l’infirmière Danielle Ceccaldi, responsable CGT des hôpitaux de Marseille. « Une nouvelle direction vient d’être nommée, si elle ne nous donne rien, ça va être la guerre. On est arrivé au bout de ce qui est humainement possible. » Présents aussi, les salariés de Total, qui a annoncé l’arrêt de la raffinerie à Martigues, et ceux de la minoterie des Grands Moulins Maurel, qui occupent depuis six mois leur site alors qu’un repreneur s’est manifesté. Quant aux mouvements politiques de la gauche non gouvernementale, ils étaient à leurs côtés pour une « convergence des luttes » et des organisations, une spécificité de Marseille depuis près de deux ans. (1) Nantes : 4 000 ; Bordeaux : 10 000 ; Nancy : 5 000 ; Toulouse : 8 000 ; Lyon : 9 000 ; Saint-Étienne : 2500 ; Rennes : 3 000 ; Nîmes : 5 000 ; Nice : 2 000 ; Tours : 2 000 ; Rouen : 5000 ; Digne : 1000… http://www.humanite.fr/salaries-du-prive-et-du-public-investissent-dans-leurs-revendications-570918 |
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