Extraits :
" 1. La place singulière du salaire minimum en France
Le salaire minimum s’impose en France de façon exceptionnellement uniforme. Dans la plupart des autres pays où un salaire minimum légal existe, celui-ci fait l’objet de dérogation selon l’âge au-delà de 18 ans, parfois selon les régions, voire selon la situation économique. En outre, il existe des pays industrialisés, et non des moindres, n’ayant tout simplement pas de salaire minimum légal. ... / ...
Depuis 1970, l’évolution du pouvoir d’achat du SMIC horaire brut, apprécié par son augmentation relative par rapport à l’indice des prix retenu pour sa revalorisation automatique, est supérieure à 150 %. Cette évolution est liée à la fois au mécanisme d’indexation sur la moitié du pouvoir d’achat du salaire horaire ouvrier mais aussi à l’effet des coups de pouce. De 1970, date de création du SMIC, à 2002, date du début de la convergence des minima salariaux, les coups de pouce ont représenté 60 % des gains de pouvoir d’achat du SMIC.
Depuis près de quatre décennies, la hausse du pouvoir d’achat du SMIC dépasse nettement celle du salaire médian.
La proportion des salariés rémunérés sur la base du salaire minimum y est très importante : en 2006, elle dépassait les 15 % et elle était de près de 13 % en 2007. ... / ...
La France est dans une situation extrême au sein des pays de l’OCDE, caractérisée par une détermination très centralisée du salaire minimum : celui-ci s’applique à tous, indifféremment, sans distinction liée à l’âge, au lieu, au domaine d’activité ou à la profession. Cette situation, où l’État se substitue aux partenaires sociaux pour organiser le fonctionnement du marché du travail, réduit de fait le champ d’exercice du dialogue social. Elle a en conséquence un effet délétère sur les relations sociales.
La stratégie française a suivi une voie très différente des enseignements théoriques. Elle cherche à redistribuer le revenu en s’appuyant sur un salaire minimum contraignant et sur une multiplicité de prestations sociales relevant de logiques différentes, voire contradictoires.
Cette stratégie présente deux inconvénients : elle défavorise considérablement les jeunes et elle aboutit à un système peu lisible et à des taux marginaux d’impositions très heurtés qui peuvent être très élevés. La France cumule la situation d’avoir un des plus bas taux d’emploi des jeunes de 20 à 24 ans au sein de l’OCDE et de ne pas donner le bénéfice du revenu minimum à ces mêmes jeunes. ... / ...
Les auteurs conduisent une analyse critique des principales prestations sociales existantes. Ils s’intéressent notamment à la Prime pour l’emploi (PPE) qui concerne un public très large, peu ciblé tout en offrant un montant de ce fait peu incitatif. Le versement de la PPE se fait tardivement par rapport aux périodes d’activité justifiant son attribution. Au total, l’efficacité incitative de la PPE est contestable. Dans le bas de la distribution des revenus, le taux de prélèvement marginal se modifie souvent de plusieurs dizaines de points à la hausse ou à la baisse sur des étendues très restreintes du revenu d’activité.
Ces mouvements sont particulièrement importants aux moments du début et de fin de droits des prestations sous conditions de ressources (prime de Noël et allocation de rentrée scolaire), au moment des fins de droit des prestations différentielle (ici RMI) ou dégressives (type allocations logement) ou du début et de la fin des droits des prestations du type PPE (qui est successivement progressive, neutre puis dégressive par rapport au revenu d’activité) ... / ...
Les auteurs plaident pour une simplification de l’architecture des dispositifs déployés de façon à renforcer leur pouvoir incitatif sur l’offre de travail des peu qualifiés, sans réduire leur impact en termes de lutte contre la pauvreté et au moindre coût pour les finances publiques. Le Revenu de solidarité active (RSA) s’inscrit dans cette perspective.
Pour les auteurs, le Revenu de solidarité active devrait remplacer par un dispositif unique et permanent la Prime pour l’emploi, le Revenu minimum d’insertion (RMI), l’Allocation de parent isolé (APE) et, le cas échéant, d’autres minima sociaux, ainsi que les dispositifs transitoires d’intéressement à la reprise d’activité qui y sont associés. De manière générale, le RSA se traduit par un transfert de ressources supplémentaires vers les ménages à très bas revenu qui doit être financé d’une façon où d’une autre.
En tout état de cause, ce financement doit réduire le revenu net des ménages qui le supportent, ce qui serait en particulier le cas de certains bénéficiaires de la PPE. L’extension du RSA aux jeunes adultes de moins de 25 ans présente un coût budgétaire supplémentaire. Les auteurs avancent quelques chiffrages acceptables en tenant compte de la substitution du RSA à d’autres aides déjà existantes et en retenant pour le RSA un taux de cumul de 60 %. Sous ces hypothèses, les auteurs estiment que le RSA peut être financé sans coût supplémentaire.
Préconisations
... / ... En France, de nombreuses personnes sont enfermées durablement dans des situations de pauvreté ou des carrières peu attractives par la faute de politiques inadéquates concernant les bas revenus. L’objectif des préconisations qui concluent le rapport est de proposer une architecture plus cohérente pour ces politiques.
Mise en place d’une politique cohérente de lutte contre la pauvreté
À l’avenir, il est souhaitable de choisir des règles garantissant une évolution du salaire minimum cohérente avec des préoccupations de moyen et long terme et avec l’ensemble de la politique fiscale.
Pour cette raison, les auteurs préconisent de fixer conjointement le salaire minimum et les minima sociaux dans le cadre de la loi de finances. La discussion parlementaire des revalorisations des minima sociaux et du salaire minimum bénéficierait de l’avis des partenaires sociaux, rendu dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). Une commission d’experts indépendants et dûment mandatés devrait être créée pour éclairer les avis de la CNNC et les débats de la représentation nationale.
Les membres seraient nommés dans des conditions garantissant leur indépendance et pour une durée suffisante afin de se situer dans une perspective de moyen et long terme.
Cette commission ne devrait pas se limiter à étudier les conséquences du salaire minimum mais devrait fournir une réflexion plus large sur les conséquences et l’efficacité de toutes les politiques de soutien des bas revenus.
Les règles actuelles de revalorisation annuelle du salaire minimum seraient remplacées par les décisions prises dans le cadre de la loi de finances. Il faudrait conserver néanmoins les règles de revalorisation automatiques infra-annuelles pour suivre les évolutions de l’inflation. D’autre part, une revalorisation au 1er janvier au lieu du 1er juillet comme le préconise le Conseil d’orientation de l’emploi (COE), faciliterait les négociations de branche.
Réformer les minima sociaux
L’objectif d’unification des minima sociaux et des prestations liées à l’activité s’inscrit dans la logique du Revenu de solidarité active appelé à remplacer par un dispositif unique la Prime pour l’emploi, le Revenu minimum d’insertion, l’Allocation de parent isolé et, le cas échéant, d’autres transferts sociaux (comme le complément de libre choix d’activité) ainsi que les dispositifs transitoires d’intéressement à la reprise d’activité qui y sont associés.
L’unification de la carte des minima sociaux et des prestations liées à l’activité ne pourra se faire que progressivement. Les principales difficultés sont de deux ordres : en premier lieu, l’existence de diverses sources de transferts nationaux dont certains sont liés à l’activité et d’autres non et de nombreux droits connexes, dont certains sont nationaux et d’autres locaux, par ailleurs, les décalages temporels entre les revenus d’activité et le revenu disponible.
Les auteurs reprennent à leur compte les recommandations du rapport Quinet, Cazenave et Guidée (2007) qui préconisent que le RSA soit une prestation versée sur la base d’un dispositif d’acomptes mensuels ou trimestriels actualisés en fonction de la situation des bénéficiaires pour éviter les indus trop importants en fin d’année, que le RSA versé aux bénéficiaires hors de l’emploi soit financé par les conseils généraux tandis que le RSA versé aux bénéficiaires dans l’emploi serait financé par l’État. Se différentiant du rapport précité qui préconise que la gestion soit confiée aux CAF, les auteurs privilégient un traitement par le guichet unique résultant de la fusion des services de l’ANPE et des ASSEDIC pour inscrire le RSA dans une logique d’insertion ... / ... .
Favoriser le dialogue social
Les auteurs sont réservés sur la proposition, souvent évoquée, de conditionner les allégements de cotisations sociales à la conduite ou même à l’aboutissement de négociations salariales de branches ou d’entreprises. Pour autant, si cette voie d’un conditionnement devait être suivie, une des orientations possibles préconisée par exemple par l’avis du COE (2008) serait de baser les barèmes de taux de cotisations sociales (intégrant les allégements) sur les minima salariaux de branches quand ces derniers sont inférieurs au SMIC.... / ...
En conclusion
Le salaire minimum, tel qu’il existe en France, n’est pas un moyen efficace pour réduire la pauvreté et les inégalités. La pauvreté est principalement due au manque d’emploi, au trop faible nombre d’heures travaillées et à la situation familiale. Les auteurs de ce rapport du CAE fondent leur jugement sur un examen précis des situations qui prévalent dans d’autres pays où le salaire minimum est moins contraignant, voire inexistant. Le système français de redistribution des revenus s’appuie sur un salaire minimum relativement élevé complété par une multiplicité de prestations sociales dont la complexité et le profilage selon le revenu d’activité aboutissent à une absence de lisibilité et à de très faibles incitations à la reprise d’emploi pour les personnes les moins qualifiées. Les jeunes se trouvent particulièrement défavorisés par ce système.
Les auteurs suggèrent qu’une politique efficace d’amélioration des bas revenus et de réduction de la pauvreté devrait s’appuyer sur des mesures fiscales et des prestations sociales ciblées plutôt que sur un salaire minimum élevé et uniforme."
Ce rapport a été remis le 23 juillet 2008 à Messieurs Éric Besson et Martin Hirsch. Cette lettre, publiée sous la responsabilité de la cellule permanente, reprend les principales conclusions tirées par les auteurs.
Pour mémoire, nous indiquons aux lecteurs les montants très "importants" dont parlent les rédacteurs du rapport en ce qui concerne le SMIC
Smic au 1er juillet 2008 Source : ministère de l’Emploi de la cohésion sociale et du logement - décret n°2008-617 du 27 juin 2008 (JO du 28 juin 2008)
Smic horaire brut 8,71€
Smic horaire net 6,84 €
Minimum garanti 3,31 €
Smic mensuel brut (base 35 heures) 1 321,02 €
Smic mensuel net 1 037,53 €
Cotisations sociales au 1er juillet 2008 (13,74 % du Smic brut) 181,51 € C.S.G. + C.R.D.S. au 1er juillet 2008 (8 % de 97 % du SMIC brut) : 102,51 €
Et bien, nous y voila. Le RSA est une promesse de Nicolas SARKOZY et il va falloir prendre l’argent chez ceux qui flirtent quotidiennement avec la pauvreté.
Ce RSA qui est le cheval de bataille du gouvernement et qui, devrait selon les dires de Roger KAROUTCHI, être lancé à mi 2009 devrait selon toute certitude être financé par la disparition progressive d’autres aides comme la PPE (qui représente entre 400 millions et 1 milliards)
Maintenant, que vient faire le SMIC dans ce rapport sur les minima sociaux ?
Sans avoir fait de grandes études économiques, on sent bien l’orientation des rédacteurs. Après avoir déplafonné la durée du travail en laissant les entreprises libres de la négocier, la tentation de faire de même avec le salaire minimum est grande. Faire d’une pierre deux coup pourrait-on dire !!!
Nous n’aurons pas assez de mots et trop de colère envers les rédacteurs pour leur dire notre mépris pour avoir montré du doigt des "nantis" qui touchent à peine de quoi assumer leurs besoins vitaux. Néanmoins, ils sont comme tous les économistes, bien dans leur peau lorsqu’ils s’agit de parler de populations qu’ils n’ont jamais rencontré.
Pour le reste, nous n’aurons qu’une question pour le Haut Commissaire aux Solidarités Actives : Martin, tu vas cautionner ça ?
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