II était temps, car la pyramide des âges du Parti commençait à prendre une tournure (très) vieillissante.., au risque de voir s’effondrer tout l’édifice, par manque de forces vives ! L’arrivée de jeunes (voire de très jeunes) depuis le début des années 2000, à l’occasion de chaque grande mobilisation sociale, a de quoi mettre du baume au cœur de la direction. VAGUES. « C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de militants qui ont entre 40 et 50 ans. Mais ces dernières années, entre les différents mouvements sociaux et l’élection de Sarkozy, des vagues de jeunes sont arrivées au Parti », constate Amar BellaI, 34 ans, professeur de « génie civile » dans un lycée technologique, qui a pris sa carte en 2005 : « après avoir lu L’Humanité pendant deux ans : j’ai pris le temps ! En tout cas ma prise de conscience politique date du mouvement pour les retraites et pour l’école de 2003. Avant je votais socialiste, puis j’ai basculé sur le vote communiste. » C’est tout récent donc, mais ça ne l’empêche pas d’apprendre très vite : il est aujourd’hui responsable de la section du 20e arrondissement de Paris, et s’est même porté candidat dans la 6e circonscription parisienne lors des législatives ! Avec un certain succès... La politique n’était pourtant pas une affaire de famille, mais « l’exploitation, je la voyais au jour le jour : mes parents étaient des ouvriers immigrés algériens », confie le jeune homme. Et après une plongée dans les études — « l’obligation de réussite » — Amar retrouve le besoin de politique. Les lectures s’accumulent, les rencontres également : « Les vieux camarades sont épatants ! s’exclame-t-il. Certains n’ont pas fait d’études, mais ils sont capables de développer des analyses brillantes, le parti les a formés ! Dans ma section, il y a également des anciens résistants, des gens qui ont risqué leur vie pourleurs idées. Quand je vois les anciens, je me dis qu’être au PC, ça conserve ! ». Emmanuelle Becker, 26 ans à peine, est, elle, la plus jeune conseillère de Paris de la majorité de gauche, élue dans le 13e arrondissement. « Malgré tout ce qu’on peut entendre comme clichés dans la presse, le PCF est un endroit où on peut largement s’exprimer », remarque cette jeune étudiante en lettres. Enfance en Bretagne, partie très tôt de chez ses parents « qui votent socialiste », galère, petits boulots, et l’arrivée de Sarko en 2007 : « J’ai dû me débrouiller seule, payer mes factures, j’ai vite compris qu’il y avait des dominants et des dominés ! Et le PCF m’a permis de dépasser cette colère en m’engageant sur des projets concrets, notamment en tant qu’élue à Paris. » Au Conseil de Paris, son président de groupe, Ion Brossat est âgé, lui, de 28 ans ! Dans le Val de Marne, Mehdi Mokrani, 27 ans, est conseiller municipal à Ivry-sur-Seine, après avoir été responsable des Jeunes Communistes (JC) dans son département. Par le biais d’un mouvement lycéen, il adhère très tôt à la JC. C’était en l’an 2000 : « les JC nous donnaient des coups de main, et avec quelques potes, nous avons sympathisé, car ils ne cherchaient pas à nous recruter ». Aujourd’hui, il a trouvé sa « manière d’être communiste, en lisant faisant différentes expériences, c’est assez personnel au bout du compte ALTERMONDIALISTE. Entre petits boulots et études, il s’intéresse au mouvement altermondialiste, et participe même au Forum social européen de Florence en 2002 et au Forum social mondial de Bamako en 2006... « C’était super-intéressant, le rassemblement de toutes ces organisations progressistes. » Il reconnaît : « sans la JC, je ne serai pas resté au Parti. En 2001, il n’y avait pas encore eu de renouvellement, les décisions étaient lourdes... Ça a bougé. Avant il était rare que des non-communistes puissent participer à des réunions. L’appartenance aujourd’hui est moins importante. C’est plus facile pour réaliser des actions dans les quartiers ! ». Mais le militant, désormais aguerri, avoue être déçu par l’échec d’une candidature unitaire en 2007. POPULAIRE. A Saint-Denis (93), Madjid Messaoudene, 33 ans, a découvert la gestion municipale après un long parcours militant : « il y avait une richesse militante formidable dans cette ville, et je me suis rendu compte que les élus communistes tentaient vraiment de préserver son caractère populaire, en prenant des décisions sur les équipements, les transports... Je ne suis pas sûr que j’aurai eu le même attrait pour le parti si j’avais atterri dans une autre municipalité ! ». Car avant d’adhérer au parti, Madjid était plutôt du genre tête brûlée : tout jeune lycéen, il participe aux manifs de 1995, s’engage avec un autre copain « agitateur » dans Ras le Front, l’anticacisme, puis les réseaux libertaires, la CNT, l’AGEN à Nanterre... A l’époque, il est « de tous les mauvais coups » ! Mais habite chez ses parents, dans un HLM de Suresnes : père manœuvre, mère au foyer, arrivant dans les 1970 de la kabylie algérienne. Eux musulmans, lui athée. Aujourd’hui, deux combats le mobilisent particulièrement : l’eau publique en Ile-de-France, et les droits des Palestiniens. Il trouve les positions « sécuritaires et anti-islam » d’un André Gerin (maire communiste de Vénissieux, dans le Rhône, NDLR) tout simplement « indignes d’un communiste », et espère pour les régionales « une vraie ouverture, car le Front de Gauche n’était pas vraiment un Front, d’ailleurs je n’ai pas fait campagne ». On le voit, chacun bricole son engagement communiste, confrontant différentes cultures politiques et thématiques, loin des grands programmes. Sur son blog « le contre-feu rouge », Julien, « membre du Parti Communiste » en Auvergne, définit son état d’esprit du moment de cette manière : « Humeur : calme au réveil, révolté vers 9h30 après avoir pris connaissance de toute l’inhumanité accumulée pendant la nuit. » Ses articles évoquent les questions écologiques, les institutions européennes, la vidéosurveillance... Et cite autant Jaurès que Bourdieu : « pour changer la vie, il faut commencer par changer la vie politique », conseillait le sociologue...