La droite remporte largement ces élections générales québécoises avec 74 circonscriptions remportées par la Coalition Avenir Québec (CAQ), un parti nationaliste non indépendantiste. François Legault, l'homme d’affaires multimillionnaire, devrait devenir le nouveau Premier ministre du Québec. La CAQ arrive en tête du scrutin avec un vote populaire de 37,42% et passe de 21 à 74 sièges au parlement.

Cette victoire s'est faite au détriment du Parti Libéral (PLQ) qui passe de 68 à 32 député.e.s (24,82% des suffrages). Les soutiens locaux de Justin Trudeau subissent une défaite historique. Le Parti Libéral parvient à conserver ses circonscriptions dans la partie anglophone de Montréal.

Ainsi, avec la victoire de la CAQ, la droite ultra-libérale prend les manettes du pouvoir régional et l'opposition officielle sera représentée par les libéraux. La gauche (PQ/QS) est en minorité (19 sièges sur 125) et ne bénéficiera pas de statut d'opposition reconnue (il faut 12 députés par groupes).

Le Québec perd sa sociale-démocratie

La défaite du Parti Québécois, est symbolisée par la défaite de Jean-François Lisée (chef du PQ) qui perd sa circonscription au profit de Québec Solidaire (28,43% contre 35,25% à QS). Le PQ perd tous ses bastions de l'île de Montréal (partie francophone) et est repoussé loin en région (perdant même à Québec).

Le PQ conserve des circonscriptions en Gaspésie, sur la Côte-Nord ou au Saguenay. Les circonscriptions de Joliette (Véronique Hivon - 46%) et Marie-Victorin (Catherine Fournier - 30,82%) permettent au PQ de résister dans les régions périphérique de Montréal, soit en Montérégie et dans les Lanaudière.

Avec 9 députés, le Parti québécois n'a pas atteint le seuil requis de 12 sièges pour être un parti reconnu à l'Assemblée nationale. Et avec 17,06% des suffrages (contre 25,38 % en 2014) , il a fait son pire score depuis la fondation du parti. Ainsi le Québec perd sa sociale-démocratie, mais ne perd pas ses atouts dynamiques, avec la réélection de Catherine Fournier, une nouvelle génération qui pourrait arriver à la tête du PQ.

D'autant plus que le PQ dispose d'une base militante forte (entre 70 et 90.000 adhérent.e.s) et a réalisé la meilleurs campagne électorale.

Percée historique de la gauche indépendantiste radicale

C'est Québec solidaire qui s'impose à gauche, au détriment du Parti Québecois. L'impulsion donnée par Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois porte le parti à un haut niveau électoral (16,09% des voix) et un gain important de circonscriptions (10 contre 3 auparavant). En 2014, les solidaires remportaient 7,63% des voix.

Québec solidaire perce en dehors de l'île de Montréal et parvient à remporter des circonscriptions où le vote étudiant a compté en faveur de QS (Rouyn-Noranda-Témiscamingue et Sherbrooke ), contre toute attente remporte deux circonscriptions à Québec (Taschereau, Jean-Lesage). Enfin à Montréal Québec solidaire conserve ses 3 circonscriptions et en reporte 3 autres (dont celle du chef du PQ).

Cette victoire de QS s'explique par plusieurs éléments importants :

1- Porter un message de renouveau politique (en ciblant le PLQ et le PQ) et porter une nouvelle génération à la tête de cette formation de gauche (Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois. De plus une dynamique était enclenchée sur cette gauche (fusion avec un parti indépendantiste "option nationale") et rejet des alliances tactiques avec le PQ.

2- Réinventer la gauche et son expression politique en utilisant des outils numériques (création d'un logiciel interne de type nationbuilder). L'utilisation des réseaux sociaux est poussé bien en avant dans le militantisme (sans oublier le porte à porte, la base essentielle du gain électoral).

3- Mettre en avant la question sociale (salaire minimum, éducation, santé, immigration ...) en avant dans le programme et ainsi se démarquer du PQ en repoussant la question indépendantiste aux derniers jours de la campagne.

4- Axer la campagne vers la jeunesse et les étudiant.e.s. Et le vote jeune et étudiant c'est bien porté vers QS.

Et l'indépendantisme ?

C'est le futur Premier ministre qui résume mieux la situation : "Aujourd’hui on a marqué l’histoire, aujourd’hui il y a beaucoup de Québécois qui ont mis de côté un débat qui nous a divisés pendant cinquante ans", soit la question de l’appartenance ou non du Québec au Canada.

Et la question indépendantiste est au plus bas, les partis indépendantistes (PQ/QS) ne remportent que 33,15% des suffrages (contre 33,01% en 2014) et seront représentés par 19 élu.e.s (contre 33). Les partis fédéralistes s'imposant avec 62,23% des suffrages et 106 élu.e.s.

De plus le PQ et QS ont volontairement mis de côté cette question, pour d'abord incarner le bon gouvernement ("Un État fort au service des gens") avant de poser, lors d'un second mandat, la question de l'adhésion au Canada pour le Parti québecois et du côté des solidaires mettre en avant la question sociale (tout en rappelant qu'il fallait construire un nouveau pays les derniers jours de la campagne).

Ainsi, on peut dire que le Québec se retrouve plus fédéraliste qu'indépendantiste. Mais la gestion de la CAQ (annoncée ultralibérale) pourrait renforcer à la fois Québec solidaire sur les questions des solidarités et le Parti québecois (dont on attend la percée de la nouvelle génération incarnée par Catherine Fournier) sur la question nationale.