L’administration étasunienne a continué d’appliquer le blocus dans toute sa rigueur. Elle n’a annoncé, encore moins entrepris, aucune action qui tendrait à dénouer la trame complexe de lois et de dispositions administratives autorisant le blocus. Elle n’a pas non plus modifié les fondements de cette politique. À preuve le maintien des législations et des réglementations ci-après :
• Trading with the Enemy Act (TWEA). Promulguée en 1917 comme mesure de guerre pour restreindre le commerce avec des nations jugées hostiles, l’application de la Loi sur le commerce avec l’ennemi a ensuite été étendue pour permettre au président de réglementer les transactions de biens qui impliqueraient des ressortissants étasuniens dans un pays étranger, aussi bien en temps de guerre que « durant n’importe quelle autre période d’urgence nationale décrétée par le président ». C’est sur cette loi que se fondent les premières réglementations du blocus décrété contre Cuba en 1962.
• Foreign Assistance Act. Par cette Loi sur l’aide extérieure promulguée en septembre 1961, le Congrès étasunien a autorisé le président à établir et à maintenir « un embargo total sur le commerce
entre les USA et Cuba », et a interdit l’octroi de n’importe quelle aide
au gouvernement cubain.
• Export Administration Act (EAA). Adoptée en 1979 à la suite d’une révision des contrôles sur les exportations, la Loi sur la gestion des exportations a conféré au président l’autorité pour contrôler en général les exportations et réexportations de biens et de technologies et restreindre en particulier les exportations qui contribueraient à améliorer le potentiel militaire de n’importe quel pays au détriment de la sécurité nationale des USA.
• Cuban Democracy Act (CDA). Cette Loi relative à la démocratie cubaine, plus connue comme loi Torricelli et signée par le président Bush père en octobre 1992, a permis à l’administration étasunienne de renforcer ses mesures économiques contre Cuba et a fourni une justification normative à l’extraterritorialité du blocus. Elle interdit, entre autres prohibitions, à des filiales de sociétés étasuniennes dans des pays tiers de faire des transactions avec Cuba ou avec des
ressortissants cubains et aux cargos de pays tiers qui auraient accosté dans des ports cubains à entrer dans des ports étasuniens dans un délai de cent quatre-vingts jours.
• Cuban Liberty and Democratic Solidarity (LIBERTAD) Act. Cette loi relative à la solidarité démocratique et à la liberté cubaine, plus connue comme Loi Helms-Burton et signée par le président Clinton en mars 1996, vise à décourager les investissements étrangers et à internationaliser le blocus contre Cuba. Elle a codifié les dispositions du blocus, a limité les prérogatives du président à suspendre cette politique et a élargi sa portée extraterritoriale. Elle dénie l’entrée aux USA des cadres de sociétés étrangères (et à leurs familles) qui auraient investi dans des biens « saisis » à Cuba et fixe la possibilité d’actions légales contre eux devant des cours étasuniennes.
• Export Administration Regulations (EAR). On trouve parmi les réglementations concernant la gestion des exportations l’interdiction d’exporter des USA à Cuba, sauf les exceptions précisées expressément ou les autorisations délivrées par le Bureau d’industrie et de sécurité rattaché au département du Commerce. Lesdites réglementations sont avalisées par la Loi sur le commerce avec l’ennemi et par la Loi relative à la gestion des exportations.
L’ampleur des législations et réglementations précitées prouve par ailleurs qu’aucun blocus n’a été aussi total et brutal que celui que les États-Unis maintiennent contre le peuple cubain. Ce blocus constitue d’une part l’acte de génocide signalé à l’article II c) de la Convention de Genève pour la prévention et la répression du crime de génocide, du 9 décembre 1948, et, de l’autre, l’acte de guerre économique, selon la définition donnée dès 1909 par la Conférence navale de Londres au droit de la guerre maritime. Le blocus contre Cuba n’est pas une question bilatérale avec les USA. L’application extraterritoriale répétée des lois étasuniennes et la traque des intérêts légitimes de sociétés et de citoyens de pays tiers portent un tort sensible à la souveraineté de nombreux autres États. Se valant de cette politique, l’administration étasunienne continue d’infliger des sanctions à des sociétés nationales et européennes qui font des transactions avec Cuba. Ainsi, les malades cubains ne peuvent bénéficier, en maintes occasions, de moyens de diagnostic, de technologies et de médicaments de nouvelle génération, même si leurs vies en dépendent, car, indépendamment du fait qu’ils soient produits ou qu’ils soient disponibles dans un pays tiers, les lois du blocus interdisent à Cuba de les acquérir si l’un ou l’autre de leurs composants ou de leurs programmes provient des États-Unis. Selon des calculs faits au plus bas, les préjudices directs causés à Cuba par le blocus jusqu’en décembre 2008 dépassent 96 milliards de dollars, soit, aux prix courants de cette monnaie, 236 221 000 000 de dollars. Il n’est pas difficile d’imaginer les progrès que Cuba aurait pu faire si elle
n’avait pas été privée de cette somme à cause du blocus et de la guerre économique cruelle que lui font les USA. Défiant ouvertement ceux qui, aux USA et ailleurs, réclament l’élimination de cette politique, la nouvelle administration Obama a réitéré à plusieurs reprises son intention de maintenir le blocus, le vice-président Joseph Biden ayant affirmé : « Les États-Unis maintiendront le blocus comme instrument de pression sur Cuba1. »
On trouvera dans le présent Rapport une analyse de la véritable portée des mesures adoptées par la nouvelle administration étasunienne et un inventaire des dommages que le blocus a causés de mars 2008 à avril 2009.