Catalunya/Catalogne
Mercredi 8 Mars 2017
Allocution du chef du Parti Québécois, Jean-François Lisée, lors de "La República que farem" organisée par le parti de gauche indépendantiste Esquerra Republicana de Catalunya (ERC).
Toutes les générations ne sont pas égales face à l’histoire, et certainement pas face à la liberté. Et c’est bien ce qui est au cœur de votre combat, plus que les revendications sur les responsabilités, la fiscalité ou la culture. Au cœur de votre combat, il y a la question de la liberté.
Et votre génération connaît, mieux que plusieurs autres, la valeur de la liberté. Pourquoi ? Parce que beaucoup de gens affirment que vous n’êtes pas libres. Que vous n’avez pas le choix de créer un pays qui s’appellerait Catalogne et qui siégerait dignement à la table des nations, en Europe et dans le monde. Vous vous étonnez sans doute de rencontrer des citoyens d’autres pays, de pays libres, de pays qui ont conquis il y a longtemps leur indépendance, et qui pourtant se montrent réticents devant votre propre quête de liberté. C’est qu’ils ne sont pas de la génération qui, dans leur propre pays, l’a conquise ou l’a perdue. Ils n’en comprennent pas la valeur, puisqu’ils l’ont déjà. Et lorsque les peuples sont libres, ils deviennent normaux. Ils ont des échecs et des succès, ils sont occupés à bien d’autres choses qu’à leur liberté, puisqu’elle est tenue pour acquise, comme l’eau courante ou l’électricité. Tant qu’il n’y a pas de panne, tout va bien. Seulement les générations qui sont en panne de liberté savent la valeur de ce qu’ils cherchent à obtenir, et plus fortement encore parce qu’on leur conteste le droit de l’avoir. Les détracteurs de cette liberté ne manquent pas d’arguments pour dénigrer la volonté d’autodétermination. Ils font de cette liberté une chose obscure, rétrograde, un repli sur soi. Peu après la prise du pouvoir du Parti Québécois en 1976 le premier ministre du Canada, Pierre Trudeau, le père du premier ministre actuel Justin Trudeau, avait utilisé l’argument ultime. S’adressant aux membres réunis du Congrès des États-Unis à Washington, il avait affirmé que l’indépendance du Québec serait ’’un crime contre l’histoire de l’humanité’’. Rien que ça. Qu’une nation démocratique avancée, le Québec, décide par voie de référendum de quitter une pays démocratique avancé, le Canada, serait un ’’crime contre l’histoire de l’humanité’’. À mon avis, c’est plutôt l’utilisation de ce genre d’argument qui est un crime contre l’histoire de la pensée démocratique. Contre l’histoire de la liberté. D’ailleurs, les Québécois ont usé de leur liberté, lors du premier référendum en 1980 pour rester dans le Canada, en échange d’une promesse de M. Trudeau d’introduire des changements. Et il a changé la constitution du Canada, en enlevant des pouvoirs à la nation québécoise. Et il l’a fait contre le vœu de tous les partis politiques au Québec et sans référendum. C’est ainsi que, depuis maintenant 35 ans, la constitution du Canada s’applique sans la signature et sans l’accord du Québec. La morale de cette histoire: méfiez vous, justement, de ceux qui tentent de vous faire des leçons de morale. Que devez-vous faire avec votre liberté ? En tant que chef du Parti québécois il ne m’appartient pas de dire aux Catalans comment utiliser leur liberté. Comme il ne vous appartient pas de dire aux Québécois s’ils doivent se prononcer pour ou contre la création d’un Québec indépendant. Ces décisions appartiennent à nos peuples. Au nom de mon Parti il m’appartient cependant d’affirmer deux choses très fortes. D’abord que le Québec se tiendra aux côtés des Catalans quel que soit leur choix. Ensuite et plus fondamentalement, il nous appartient de dire que l’histoire, la morale, la démocratie, le droit international, sans même parler de la contribution inestimable de la Catalogne au patrimoine mondial, que tout, donc, milite pour reconnaître aux Catalans leur droit à la liberté. Votre génération est mise à l’épreuve. Elle est soumise au doute. On fait planer sur votre volonté de liberté les plus noirs nuages, les pires pronostics. En cas d’indépendance, l’économie catalane va s’effondrer. L’État va être paralysé. Vous serez exclus de l’Europe. Ils sont tellement nombreux à le dire et ils le disent avec tant d’assurance que cela peut susciter un doute. D’ailleurs, qui peut vraiment prédire l’avenir ? Chez nous, quelqu’un avait dit que la monnaie d’un Québec indépendant ne vaudrait que 60 cents du dollar américain. Une catastrophe. Quelques années plus tard, le dollar canadien n’a plus valu que 60 cents ! Nous avons demandé ’’est-ce que ça veut dire qu’on est indépendant maintenant ?’’ La réponse était non. La réponse est toujours non. Mais l’expérience de plusieurs pays de l’Est européen, qui ont prospéré davantage, ces dernières décennies, après leur indépendance qu’avant, montre bien que ces scénarios ne sont que des écrans de fumées. L’histoire récente du Brexit est éclatante. Les crises annoncées n’ont pas eu lieu. Les sociétés et les économies s’adaptent aux décisions politiques des peuples. Votre génération est en train de connaître le principe du point de bascule. Obtenir la liberté, c’est pousser au bout de ses bras un énorme rocher vers le pic d’une montagne. Plus vous montez, plus le rocher semble lourd, plus il fait froid. D’abord, il pleut, puis il vente, puis il grêle. Plus vous vous approchez du sommet, plus il vous semble éloigné. Et pourtant, dès que vous avez franchi le pic, le rocher se met à rouler, tout seul, de l’autre côté, de plus en plus vite. Et gare à ceux qui voudraient le freiner. Au lendemain d’un Oui, la force d’inertie change de camp, les tenants de la stabilité ne veulent pas de remise en cause du vote, de délais, de longue incertitude. J’étais le conseiller du premier ministre Jacques Parizeau pendant la campagne référendaire de 1995 pour l’indépendance du Québec. Et nous avons senti ce poids, ce froid et cette grêle lorsque nous avons poussé le rocher jusqu’à un millimètre du sommet, jusqu’à 49,4% de Oui. On nous a annoncé toutes ces catastrophes. Mais nous avons appris depuis que si nous avions poussé de 0,6% de plus, le rocher aurait suivi son cours de l’autre côté de la montagne. Même si le gouvernement du Canada avait décidé de ne pas reconnaître un résultat positif, les capitales étrangères, de Paris à Londres, étaient prêtes, elles, à reconnaître cette décision démocratique. Les milieux d’affaires canadiens auraient insisté pour que l’indépendance du Québec soit négociée le plus rapidement possible, pour pouvoir restabiliser rapidement la situation. Le gouvernement américain, pourtant très pro-canadien, aurait aussi plaidé pour une stabilisation rapide. Nous comptions sur ces réactions de bon sens et c’est pourquoi nous étions prêts à engager immédiatement une transition négociée vers l’indépendance. La voie de la raison, c’est celle d’une volonté, calme et sereine, des indépendantistes de régler rapidement les différends afférents à l’accession à l’indépendance, sans esprit revanchard et dans le respect mutuel. Dans ces moments où l’émotion est parfois vive, les arrangements les plus simples sont souvent les meilleurs. Il vous appartiendra de décider si, par voie référendaire ou électorale, vous déciderez d’user de votre liberté pour choisir ou non des réformes qu’on vous propose, pour choisir ou non l’indépendance, pour choisir entre les réformes et l’indépendance, peut-être. Cela vous regarde. Mais si vous choisissez l’indépendance, sachez que la condition de son succès est votre claire détermination à la mettre en œuvre. À la rendre irréversible. Alors, l’inertie changera de camp et jouera pour vous. Si vous hésitez, elle hésitera aussi. Et il n’y a rien de pire que de ne pas savoir si le rocher va rouler de l’autre côté, ou se retourner contre vous. Alors oui, dans ce cas, poussez, poussez jusqu’au bout. Mais surtout, poussez pour votre Liberté Car comme le disait Jean-Jacques Rousseau, ou comme il l’aurait dit s’il parlait catalan: «Renunciar a la libertat és renunciar a la qualitat d’home, dels drets de la humanitat, i renuncar aixi mateix als seis dévres. » Blog-ue de Jean-François Lisée |
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