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Jeudi 18 Février 2016
L'arrestation du leader syndical étudiant de la Jawaharlal Nehru University, Kanhaiya Kumar (membre de la All India Students Federation - branche étudiante du Parti Communiste d'Inde), a provoqué des manifestations massives dans une vingtaine de campus universitaires du pays
Le premier ministre indien, Narendra Modi, fait face à une contestation étudiante sans précédent depuis vingt-cinq ans. L’arrestation, vendredi 12 février, de Kanhaiya Kumar, le leader du syndicat communiste étudiant (All India Students Federation) de l’université Jawaharlal Nehru (JNU) de Delhi, accusé de "sédition", a provoqué des manifestations dans une vingtaine de campus universitaires du pays.
Les autorités lui reprochent d’avoir organisé un rassemblement à l’occasion du troisième anniversaire de l’exécution d’un militant séparatiste cachemiri. Un ancien professeur de l’université a également été arrêté, tôt dans la matinée du mardi 16 février. Syed Abdul Rehman Geelani est accusé d’avoir organisé un événement similaire dans la capitale où des slogans « anti-indiens » auraient été entendus, selon la police, qui ne donne pas davantage de détails sur la nature de ces slogans. « Si quiconque chante des slogans anti-indiens et remet en question l’unité et l’intégrité de l’Inde, il ne sera pas épargné », a justifié, samedi 13 février, le ministre indien de l’intérieur, Rajnath Singh, ajoutant, sur la foi d’un tweet qui s’est révélé être un faux, que les manifestants de JNU avaient le soutien de Hafiz Saeed, le leader d’un groupe terroriste pakistanais. Lequel a répondu, mi-surpris, mi-amusé, qu’il n’avait rien à voir avec des manifestations sur un quelconque campus en Inde.
Audience ajournée
La colère est montée d’un cran, lundi 15 février, lorsque des hommes se présentant comme étant des avocats, s’en sont pris à des journalistes, étudiants et professeurs, venus au tribunal pour assister à l’audience, finalement ajournée, de Kanhaiya Kumar. Un député du parti nationaliste hindou au pouvoir, O.P. Sharma, a même été filmé en train d’attaquer l’un d’eux, au motif qu’il était justifié de « battre » celui qui chantait des slogans « anti-indiens ». Les victimes, dont plusieurs ont été hospitalisées, dénoncent la passivité de la police. La Cour suprême a accepté, mardi en fin d’après-midi, d’examiner « en urgence » la plainte déposée par l’une d’entre elles pour « violences subies » et « inaction de la police ». « C’est une campagne orchestrée et minutieusement préparée par le gouvernement et ses alliés fondamentalistes hindous pour faire taire toute critique et liberté d’expression sur les campus, explique Shreya Gosh, une étudiante de JNU. Les accusations de sédition sont sans fondement. Elles ne servent qu’à bâillonner les étudiants par la menace. » La loi contre la sédition invoquée par le gouvernement date de la fin du XIXe siècle, lorsque les colons britanniques s’inquiétaient de la « nervosité affective des Indiens ». Cette même loi, aujourd’hui utilisée par le gouvernement d’une Inde libre et indépendante, avait été invoquée par les Britanniques pour arrêter le Mahatma Gandhi en 1922. Lequel avait eu ce commentaire peu amène à son propos : « Elle est sans doute la reine des articles du Code pénal destinés à supprimer la liberté du citoyen. » Ce qui n’a pas empêché les gouvernements successifs, après l’indépendance de 1947, d’user de cet article de loi pour faire taire les critiques. « C’est plutôt cette section 124-A qui est “anti-indienne”, puisqu’elle s’oppose à l’idée de la légitimité d’un Etat libéral et démocratique », estime l’avocat Suhrith Parthasarathy dans les colonnes du quotidien The Hindu. « Tyrannie du plus haut niveau » Jamais, depuis que M. Modi est arrivé au pouvoir, des arrestations ont provoqué une telle indignation dans le pays. « Le patriote », a titré en « une », mardi 16 février, le quotidien indien The Telegraph pour illustrer la photo d’un étudiant à terre, battu par des partisans de M. Modi, au-dehors d’un tribunal de Delhi. « La réponse disproportionnée du gouvernement sent à plein nez la tyrannie du plus haut niveau », écrit Pratap Bhanu Mehta, le directeur du think tank Center for Policy Research (CPR), basé à Delhi, dans une tribune d’une rare véhémence publiée par The Indian Express. « C’est une déclaration ouverte du gouvernement contre toute dissidence qu’il ne tolérera pas », précise M. Mehta, accusant les autorités de « vouloir écraser toute opinion ». L’université de JNU, un foyer historique de la contestation étudiante dans le pays, est aussi célèbre pour avoir formé une bonne partie de l’élite du pays. Plus de 450 universitaires du monde entier, issus de Yale, Columbia, Harvard ou encore Cambridge, ont signé une pétition dans laquelle ils disent suivre « avec préoccupation » les manifestations des étudiants et de leurs professeurs. « JNU symbolise un imaginaire vital de l’espace universitaire – un imaginaire qui embrasse la pensée critique, la dissidence démocratique, le militantisme étudiant et la pluralité des opinions politiques, écrivent les signataires. C’est cet imaginaire critique que le pouvoir actuel cherche à détruire. » L’audience de Kanhaiya Kumar, devant un tribunal de Delhi, est prévue mercredi. En attendant, des professeurs de JNU organisaient, mardi en fin d’après-midi, des cours en plein air sur le thème du « nationalisme ». http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/02/16/vastes-manifestations-etudiantes-en-inde-apres-plusieurs-arrestations-pour-sedition_4866445_3216.html#AH5eJ4oi01BxjztP.99 |
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