Cher camarade,
A l’inverse de ton prédécesseur à ce poste, tu m’envoies régulièrement copie de tes interventions et appels à rassemblement au nom du PCF. Dans la période d’interrogations qui secoue l’organisation après sa récente défaite électorale, je le reçois comme la reconnaissance, enfin, que l’avenir du parti passe aussi par les dizaines de milliers de communistes qui ne sont plus adhérents du PCF, parce qu’ils sont en désaccord absolu avec ses orientations opportunistes : il limite aujourd’hui ses ambitions à atténuer les effets du capitalisme et de l’impérialisme, au lieu de les combattre et de vouloir les supprimer. Tu connais mon parcours, puisque nous nous sommes côtoyés de longues années au sein de ce que l’on nommait jusque dans les années 2000, la section de politique extérieure du PCF.
Militant depuis 1957, élu du PCF en Val d’Oise quand ce département comptait plus de 10.000 adhérents, je m’honore d’avoir protesté contre les dérives conciliatrices de nos dirigeants dès 1981, quand ils prônaient le soutien sans principe aux mesures « d’austérité salariale » prises par un gouvernement de gauche avec des ministres communistes, contre la volonté des salariés que nous étions supposés représenter. Pour être des gouvernements successifs, pour se faire élire localement grâce aux voix « de gauche », la dérive s’est aggravée durant vingt ans : peu à peu, les dirigeants du PCF n’eurent plus pour objectif premier, que les alliances nécessaires à conquérir des strapontins de pouvoir, à les conserver. Les visées de transformation de la société, de ce fait, disparurent, au profit d’un ralliement à la croyance de la pérennité du capitalisme, qu’il suffirait « d’humaniser », y compris dans ses comportements guerriers.
L’effondrement de l’URSS, et des espoirs parfois naïfs qu’elle incarnait, facilita cette décrépitude du PCF, elle n’en fut pas la cause essentielle. En 2007, nous sommes au terme du processus : le tissu militant, découragé, écoeuré délibérément, a progressivement disparu du PCF : le Val d’Oise n’a plus qu’un dixième des adhérents d’il y a trente ans, et j’ai moi-même abandonné l’adhésion, devenue non-sens, après vingt ans de protestations internes totalement méprisées. Plus grave encore, le PCF est contrôlé sans partage, nationalement et localement, par des carriéristes politiciens, prêts pour conserver leur pouvoir à ne pas déplaire à un parti socialiste, qui n’a « de gauche » que le nom et le verbiage.
Les dirigeants européens, étasuniens, organisateurs de la mondialisation capitaliste, le savent bien, puisqu’ils ont fait de Strauss-Kahn et Lamy, socialistes français, les dirigeants du Fonds Monétaire International et de l’Organisation Mondiale du Commerce. Evidemment, le discrédit du PCF auprès de salariés qu’il ne représente plus guère, ne pouvait que devenir massif : Marie-George Buffet en a fait l’amère expérience, qui s’évertuait à expliquer qu’elle voulait « faire élire la gauche » ! Ce dernier traumatisme électoral, pour prévisible et mérité qu’il soit, annonce-t-il la disparition du PCF, s’il continue sur les mêmes bases opportunistes et suicidaires, ou sa renaissance en tant qu’organisation révolutionnaire en France ? La seconde solution est possible : il existe encore au sein du PCF des dizaines de milliers de communistes honnêtes, désireux de transformation sociales anti-capitalistes, et qui n’ont jamais retiré de leur adhésion le moindre avantage personnel, salaire ou pouvoir. Il existe aussi des milliers de communistes convaincus, rejetés par leur parti au cours des ans, souvent désespérés de cette éviction. Ils ne demanderaient qu’à affluer vers une organisation qui aurait enfin retrouvé ses idéaux fondateurs.
Malheureusement, depuis l’échec du printemps 2007, de nombreux responsables nationaux et locaux du PCF se répandent en déclarations sur la refondation nécessaire du parti, en proposant de le tirer encore plus vers la droite ; « à l’italienne », « à l’allemande », ils veulent le transformer définitivement en « machin » politicien à l’image des partis sociaux- libéraux de la gauche européenne, qui ne combattent pas le capitalisme et l’impérialisme, mais se contentent au plus d’en dénoncer les excès. Paradoxalement, leur envie peut être une chance pour le PCF : que tous les carriéristes sans principes, les partisans de ce nouveau parti social-démocrate français le forment et laissent les communistes, enfin, restaurer leur parti. Car la France et son peuple ont plus que jamais besoin d’un parti communiste, seul capable d’organiser les aspirations populaires anti-capitalistes et anti-impérialistes. Il peut, il doit réunir les communistes véritables, dans leur diversité, qui enrichit le combat collectif au lieu de le limiter. Encore faut-il pour cela qu’il rassemble en son sein des militants sur la base de quelques principes simples, élémentaires, mais en rupture avec les dérives droitières des années passées.
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