Les élections législatives convoquées suite à la dissolution anticipée du Parlement de Catalogne par le Président de la Generalitat de Catalunya, Pere Aragonès (ERC), ont mobilisé peu d'électeurs. Seulement 57,94% des inscrits se sont déplacés dans les urnes et l'électorat catalanistes, indépendantistes, s'est massivement abstenu.
Victoire des partis unionistes et des sociaux-démocrates
Le Parti des socialistes de Catalogne (PSC-PSOE) est arrivé en tête des élections avec 27,96% des voix (+4,92) et 42 sièges (+9). Salvador Illa, tête de liste des sociaux-démocrates, peut espérer devenir le prochain Président de la Generalitat. Il remporte une victoire symbolique forte, actant un changement de cycle dans la politique catalane après de longues décennies de gouvernements indépendantistes.
Le PSC-PSOE malgré des scores importants, notamment dans les circonscriptions de Barcelone (29,90%) et de Tarragona (25,43%). Le PSC-PSOE ne dispose cependant pas de majorité au Parlement où il lui faut 68 sièges. Il sait qu'il aura le soutien des Communs (6 sièges) et il devra trouver le soutien d'ERC (20 sièges) pour former un gouvernement.
Le parti de Carles Puigdemont (Junts Per Catalunya) réalise un retour en force dans l'espace indépendantiste. C'est bien la personnalité atypique de Carles Puigdemont qui permet ce résultat, rappelons-le, dans un contexte d'abstention massive des électeurs indépendantistes. Avec 21,61% des voix (+1,57) et 35 sièges (+3), Junts Per Catalunya récupère le leadership de l'indépendantisme au détriment d'ERC et replace Carles Puigdemont au centre du jeu politique catalan. JuntsCat continue d'être la force politique structurante dans les circonscriptions de Girona (34,88%) et de Lleida (30,37%).
Mais pour Carles Puigdemont, le retour à la generalitat s'éloigne puisque les partis indépendantistes n'ont plus de majorité au Parlement (Junts 35, ERC 20, CUP 4, sans inclure les deux sièges de l'Alliance catalane).
Pour la Gauche Républicaine de catalogne (ERC) les résultats sont amers. Pere Aragonès paie de plein fouet ses hésitations politiques, jouant alternativement la partition de Pedro Sánchez, puis celle de l'indépendantiste catalan. ERC réalise un mauvais résultat, perdant ses acquis politiques au profit du PSC-PSOE, notamment dans la ceinture rouge de Barcelone. Avec 13,68% des voix (-7,62%) et 20 sièges (-13), il s'effondre dans ces bastions de Barcelone (13,68%) et de Tarragona (16,09%).
Défaite de la gauche indépendantiste
Père Aragonès a annoncé tout refus de coalition avec le PSC-PSOE, nous "passons à l'opposition", laissant ainsi au PSC-PSOE et à Junts le soin de définir l'avenir institutionnel de la Catalogne.
À la surprise générale, le Parti populaire (droite conservatrice, unioniste) fait son retour politique avec 15 sièges (+12) et 10,97% des voix (+7,12). Un résultat objectivement bon, bien plus si l’on considère d’où vient le PP, avec ses 3 sièges de 2021. Il reste néanmoins en dessous de ses records historiques, avec les 19 députés obtenus en 2012. Le PP a clairement bénéficié de la disparition de Ciudadanos, de l'effacement dans les mémoires de l'application de l'article 155 qui avait mis sous tutelle la Catalogne en 2017 et de son opposition à Pedro Sánchez. Mais la présence de VOX lui bloque toute perspective de progrès.
L'extrême droite espagnole, VOX, conserve ses 11 sièges et reste sur ses scores antérieurs. avec 7,96% des voix, et le soutien du RN, dont le maire de Perpinyà, VOX n'est plus en dynamique.
L'échec de Sumar et des Communs
Les Communs (devenus Comuns Sumar pour ces élections), un espace politique organisé autour du parti Esquerra Verda (ex-ICV, lui-même ex-PSUC), de Sumar, des restes de Barcelona en Comú et d'izquierda Unida (Esquerra Unida en catalan), paie durement ses soutiens aux sociaux-démocrates.
Avec 5,82% des voix (-1,02) et 6 sièges (-2), les Communs réalisent le plus faible score de cet espace politique. Ils conservent uniquement des sièges dans la circonscription de Barcelone (6,67%) et perdent leurs sièges sur Tarragona et Girona.
Les Communs n'ont pas pu profiter de la vague Sumar aux élections espagnoles où Yolanda Díaz a réussi à être la deuxième force politique devant ERC et Junts en intention de vote. Les Communs paient aussi les pots cassés de la crise entre Sumar et Podemos.
Jéssica Albiach, la tête de liste, appelle à former un gouvernement de coalition avec le PSC-PSOE et ERC.
Pour la gauche indépendantiste et anticapitaliste, CUP (Candidature d'Unité Populaire), les résultats sont mauvais. Les Cupaires subissent les effets du refroidissement du débat sur l'autodétermination, paient aussu la montée d'un abstentionnisme indépendantiste et ils n'ont pas réussi à capitaliser sur le désenchantement des électeurs de l'ERC et des Communs.
Avec 4,09% des voix (-2,58) et 4 sièges (-5), la CUP conserve trois sièges pour Barcelone (3,98%), un siège pour Girona (4,94%).
Pour fermer le ban, l'Aliança Catalana, parti indépendantiste d'extrême droite, entre au Parlement de Catalogne avec deux députés - Sílvia Orriols pour Girona et Ramon Abad pour Lleida. C'est la première fois depuis la fin de la dictature de Franco, qu'un parti indépendantiste catalan d'extrême droite réalise des scores importants (3,78%). AC espérait manger l'espace politique de VOX, mais en réalité il échoue.
L'avenir institutionnel de la Catalogne n'est pas encore écrit, d'autant plus que Junts, comme ERC, ont les clefs pour faire une majorité. Le PSC-PSOE a la possibilité d'avoir une coalition, reste à savoir quelle sera la position d'ERC et le rôle de Carles Puigdemont. D'autant plus que les sociaux-démocrates devront assumer un virage catalaniste s'ils espèrent diriger une Catalogne toujours marquée par l'indépendance.