EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Afin de se plier aux règles européennes et de réduire son déficit budgétaire, le Gouvernement a fait adopter une loi de programmation des finances publiques réduisant de 50 milliards d’euros les dépenses publiques sur 2015-2017.
Les collectivités territoriales, instances de démocratie de proximité et de lien social, sont particulièrement visées. Le Gouvernement leur impose un effort à hauteur de 3,67 milliards d’euros en 2015. D’ici 2017, ce sont 11 milliards d’euros par an (28 milliards cumulés), normalement consacrés aux services publics et aux prestations de solidarité, qui seront sacrifiés sur l’autel de la compétitivité et de la concurrence. Un choix d’autant plus pénalisant et injuste que les collectivités ne sont en rien responsables du déficit public. Celles-ci votent des budgets à l’équilibre réel.
Pour réduire notre déficit, voire générer un excédent, nous devrions plutôt nous attaquer à la finance, aux dividendes des actionnaires, qui parasitent notre économie. Nous devrions remettre en cause les cadeaux fiscaux et sociaux au grand patronat, faire une réforme fiscale, renationaliser des pans de l’économie, comme les autoroutes, engendrer une politique de croissance sociale et durable. Nous devrions lutter efficacement contre l’évasion fiscale, évaluée chaque année à environ 70 milliards d’euros.
Le choix de l’austérité et de la politique de l’offre se traduit par des conséquences désastreuses pour les services publics, notamment dans les conseils départementaux, collectivités dotées essentiellement de compétences d’actions de solidarité. Les départements sont chargés par exemple de l’attribution des trois allocations de solidarité nationale : Revenu de solidarité active (RSA), Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et Prestation de compensation du handicap (PCH).
Depuis l’acte II de la décentralisation, l’écart se creuse entre le poids des compétences transférées et leurs compensations financières. Cela occasionne pour les départements un reste à charge qui pénalise gravement leurs capacités d’intervention et menace leur pérennité financière à court terme.
La progression des contributions aux Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), en lieu et place de l’État (la sécurité civile étant une mission régalienne), impacte lourdement les finances départementales.
Par ailleurs, une étude de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) confirme que la hausse des charges liées au RSA, à cause de la hausse continue du chômage, asphyxie les conseils départementaux : « Dans les prochaines années, cette situation ne sera plus supportable par les départements. Ils ont été épargnés par la réforme territoriale, mais ils risquent de s'effondrer sous la pression financière induite par l'augmentation constante des dépenses sociales ».
D’après l’ODAS, l’avenir est sombre pour les départements, contraints de faire face à une progression constante du nombre d’allocataires, alors que les compensations de l’État sont en recul, tout comme l’ensemble des dotations.
L’organisme indépendant souligne que, pour l’année 2014, la dépense nette restant à la charge des conseils départementaux après déduction des apports financiers de l’État a été en progression de 5,2 %. Il précise également que les départements n’ont aucune maîtrise sur ces données. On apprend que la contribution financière de l’État, qui était en 2009 de 80 %, a chuté à 66 % en 2014, laissant cette dernière année 2,9 milliards d’euros à la charge directe des départements.
Pour faire de nouvelles économies imposées par l’Union européenne et par les marchés financiers, il est à craindre que les conseils départementaux optent pour des choix politiques d’austérité. Déjà, des coupes budgétaires ont lieu ou sont annoncées. Les fonctionnaires territoriaux paient aujourd’hui un lourd tribut. Des investissements sont gelés, retardés ou abandonnés, avec toutes les conséquences que cela implique en termes d’emplois dans le pays. Cette tendance est d’autant plus alarmante que les politiques volontaristes et l’investissement public sont indispensables dans notre société, tant pour les solidarités que pour l’activité économique qu’ils génèrent.
La baisse de la qualité de services publics offerts dans le secteur de l’action sociale serait d’une gravité exceptionnelle. C’est pourtant la voie choisie, par exemple, par le Conseil départemental du Nord qui prévoit des baisses drastiques des dépenses de fonctionnement alors même que l’État doit plus de 3 milliards d’euros à ce département, du fait des transferts de compétences non compensés depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Ce plan d’austérité départemental vise ainsi à réduire de 8 % le nombre d’agents d’ici 2020, à abandonner certaines politiques publiques volontaristes, comme dans la culture, à réduire les investissements à 200 millions d’euros au lieu des 300 prévus initialement pour 2015.
Les décisions de l’État envers les départements menacent directement les politiques de solidarité et les allocataires, nombre d’emplois locaux et le bien-vivre dans les territoires. L’avenir des départements est en jeu. C’est pourquoi, au regard de ces éléments, il est urgent d’évaluer les conséquences précises de la politique financière de l’État envers les départements.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête parlementaire de trente membres visant à évaluer les conséquences sur l’investissement public, les services publics de proximité et les prestations de la baisse des dotations de l’État aux départements et de l’absence de compensation intégrale des transferts de compétences.