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Déclaration de politique générale: les députés communistes et apparentés (Front de gauche) dénoncent "l'indéfendable bilan" du quinquennat et refusent la confiance au gouvernement Cazeneuve. L'intervention d'André Chassaigne député PCF du Puy-de-Dôme




M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, depuis le début de ce quinquennat, les déclarations de politique générale se suivent et se ressemblent.

« Roma locuta, causa finita ». Rome a parlé, la cause est entendue.

Votre déclaration, monsieur le Premier ministre, ne fait pas exception, si ce n’est qu’elle intervient après la déclaration de candidature présidentielle de votre prédécesseur, Manuel Valls, qui incarne la dérive droitière du pouvoir socialiste, ressentie comme une trahison par le peuple de gauche. La législature se termine comme elle a débuté, sur fond de profonde déception, de désenchantement et de rejet de nos concitoyens toujours plus nombreux à être confrontés au chômage et à la précarité. Ils pensaient avoir mis la gauche au pouvoir ; ils ont finalement subi une politique libérale et « austéritaire ».

Certes, nous avons pu vous suivre sur un certain nombre de mesures conduites durant ce quinquennat, et nous les avons votées. Nous vous avons également soutenus, lorsque vous avez créé des postes dans l’enseignement, la justice et la sécurité, qui avaient été si malmenés sous la précédente législature. Pour autant, ces quelques mesures n’ont pas suffi à bâtir une véritable politique de progrès. Telle est la source de la fracture entre le pouvoir et le peuple, fracture qui explique le renoncement du Président de la République à se représenter devant les électeurs pour défendre cet indéfendable bilan, qu’il vous faut cependant défendre aujourd’hui.

Certes, le temps de votre gouvernement est compté, monsieur le Premier ministre. L’heure n’est donc plus à un quelconque changement de cap ou tournant progressiste.

M. Gaby Charroux. C’est vrai !

M. André Chassaigne. D’accord ou pas avec vous-même, vous êtes de fait condamné à assumer le rôle d’exécuteur testamentaire de la politique conduite – un sombre testament qui prépare une accélération de la régression sociale. Si la droite sortait victorieuse des prochaines échéances électorales, cela signifierait : massacre du service public, guerre contre les fonctionnaires, casse de la Sécurité sociale et de l’héritage du Conseil national de la Résistance, suppression de l’ISF, cadeau aux privilégiés au détriment des plus modestes.

Le Gouvernement comme le Président de la République n’échapperont pas à leur bilan. Vous avez déjà dit l’assumer pleinement, et vous l’avez redit. Or, l’effet de sidération n’est pas près de s’estomper, au regard de l’espoir déçu de ces cinq dernières années, quels que furent les visages des Premiers ministres en place. « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire », disait Jean Jaurès dans son si beau discours à la jeunesse d’Albi, que vous avez cité. Aussi, pourquoi occulter aujourd’hui le constat des promesses non tenues ?

Le candidat Hollande s’était engagé à renégocier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Il n’en a rien été. Le Président Hollande, comme sa majorité, ont au contraire approuvé, sans la moindre contrepartie, ce funeste corset budgétaire qui fait de l’austérité l’unique projet de société européen.

Le candidat Hollande avait proclamé que le monde de la finance était son adversaire, mais là encore les promesses n’ont pas été tenues. Le Président Hollande et sa majorité ont au contraire multiplié des dispositifs en trompe-l’œil, tant pour ce qui concerne la lutte contre les paradis fiscaux, la séparation des activités bancaires, que l’encadrement des rémunérations délirantes des dirigeants des grandes entreprises.

François Hollande s’était engagé à inverser la courbe du chômage et à combattre la pauvreté. Il a lui-même tiré les leçons de son échec. Au-delà des promesses non tenues et des renoncements successifs, comme sur le droit de vote des étrangers pour ne prendre qu’un exemple, nos concitoyens ont assisté, médusés, à l’adoption d’un chapelet de lois régressives sur le plan des libertés comme sur le plan économique et social.

Ce quinquennat aura en effet été rythmé par des textes qui, à quelques exceptions près, sont étrangers à tout idéal progressiste et animés par une même volonté de remise en cause de notre pacte social. La loi de transposition de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, intervenue en 2013, a marqué à cet égard un tournant. Elle restera comme la première loi dite « sociale » de l’ère Hollande qui, plutôt que de garantir la sécurisation de l’emploi, garantit la sécurité des seuls employeurs.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Dans le prolongement de ce mouvement de soumission aux exigences patronales, nous avons eu ensuite le mal nommé pacte de responsabilité et le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE. Ces mesures devaient créer, selon l’inénarrable Pierre Gattaz, un million d’emplois ! Au final, ces aides, financées par des coupes budgétaires, auraient créé ou sauvegardé de l’ordre de 50 000 à 100 000 emplois, chacun revenant de fait à plus de 300 000 euros. Consenties sans contreparties, elles ont appauvri nos hôpitaux, nos services publics, nos collectivités, alimentant la fracture sociale et territoriale.

Mme Marie-George Buffet. Eh oui !

M. André Chassaigne. La loi Macron est venue étoffer cette série noire législative, avec en prime le coup de force démocratique et le premier usage de l’article 49-3, preuve que le libéralisme économique se marie mal avec le principe du pluralisme politique et du débat démocratique. Derrière l’apparence d’un fourre-tout, ce texte portait un message clair reposant sur une doctrine cohérente. L’abandon du ferroviaire au profit de sociétés privées d’autocars, l’affaiblissement du service public de la justice au profit de cabinets à l’anglo-saxonne, l’abandon des commerces de proximité au profit du développement de la grande distribution, l’extension du travail dominical, la privatisation de la gestion de nos aéroports au profit de sociétés étrangères domiciliées dans des paradis fiscaux, ou encore l’allégement des obligations patronales en matière de licenciements économiques : autant de coups portés à notre modèle social afin de privilégier une logique de déréglementation tous azimuts, frappant aussi bien les marchés des biens et services que le marché du travail et la protection sociale.

Ultime trahison d’un pouvoir présidentiel soumis aux marchés financiers : la loi travail qui représente la plus importante régression de notre droit social depuis des décennies. Si, demain, la droite s’installe au pouvoir, elle pourra s’appuyer sur ce texte pour parachever la quadrature du cercle, pour boucler la boucle. Sur ce texte indigne, le Gouvernement est passé en force, méprisant la mobilisation sociale exceptionnelle partout dans le pays. François Hollande, Manuel Valls et leur majorité portent ici une responsabilité historique car ce sont ces choix qui ont fracturé la gauche dans toutes ses composantes. Au-delà de la fracture de la gauche, c’est un gouffre qui se creuse entre le peuple et ses dirigeants, en France comme en Europe et outre-Atlantique. Les votes intervenus aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie en sont la parfaite illustration. Ils appellent à reconsidérer en profondeur le fonctionnement de nos institutions afin de juguler le phénomène de confiscation du pouvoir par les intérêts des grandes firmes multinationales.

Le changement de majorité, en 2012, offrait l’espoir d’un changement dans la conduite des affaires internationales. Il était temps, en effet, de rompre avec la politique menée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont nous payons encore aujourd’hui les dérives et les échecs. Pourtant, la France n’a pu retrouver sa voix sur la scène internationale et notre diplomatie, sa crédibilité. Ses errements, notamment au Moyen-Orient, et ses liens avec les pétromonarchies nourrissent les logiques de guerre. La dérive atlantiste s’est renforcée. La France n’est plus dans le monde cet acteur singulier œuvrant pour la paix et les peuples, et nous en payons malheureusement le prix fort en contribuant au chaos sur lequel prospère Daech. Monsieur le Premier ministre, notre pays a connu des événements tragiques et vous avez eu la lourde tâche de les affronter en première ligne. Pourtant, le choix de reconduire indéfiniment le régime d’exception de l’état d’urgence n’est pas la réponse pour prévenir de manière pérenne la menace terroriste qui pèse sur notre pays. Nous aurons l’occasion d’y revenir ce soir.

Dans ces circonstances, et malgré ce triste bilan, les élus du Front de gauche restent mobilisés. Nous continuons sans relâche de faire entendre la voix des sans voix, pour que soient respectés les principes et valeurs de la gauche. Nous restons fidèles à nos engagements, ceux d’une gauche mue par les valeurs de justice sociale, de développement durable et de solidarité internationale. Une ligne morale et politique pleinement assumée durant toute la législature et qui s’est traduite à la fois par une série d’initiatives et propositions législatives, mais aussi par un travail permanent de contrôle politique de l’action gouvernementale allant jusqu’à censurer le Gouvernement pour rejeter les textes les plus régressifs. Cependant, persuadés, comme le poète René Char, qu’« il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière », nous avons voté les textes, trop rares, qui allaient selon nous dans le bon sens. Malheureusement, le compte n’y est pas. Nous restons pourtant convaincus qu’une alternative progressiste à la politique actuelle est possible. Elle exige une lutte déterminée, créative et rassembleuse contre le capital financier, avec des propositions cohérentes au service du mouvement social. Par le rassemblement le plus large, cette lutte – et elle seule – pourra permettre à la gauche de faire barrage à une droite et une extrême droite revanchardes et réactionnaires.

C’est donc avec responsabilité que les députés du Front de gauche refusent de voter la confiance à votre Gouvernement. Oui, avec responsabilité et en semant les graines d’une gauche de transformation de la société, à laquelle nous croyons toujours. Puisque nous sommes aujourd’hui même au soixante-dixième anniversaire de l’édition française du Petit prince de Saint-Exupéry, je terminerai avec cette belle citation : « Les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu’à ce qu’il prenne fantaisie à l’une d’elles de se réveiller. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Marc Dolez. Excellent !

[…]

Vote en application de l’article 50-1 de la Constitution

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

En application de l’article 65 du règlement, la Conférence des présidents a décidé que le vote se déroulerait dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera clos à dix-huit heures vingt.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement :

Nombre de votants 554

Nombre de suffrages exprimés 544

Majorité absolue des suffrages exprimés 273

Pour l’approbation 305

Contre 239

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement.)
Les députés communistes dénoncent "l'indéfendable bilan" du quinquennat et refusent la confiance à Cazeneuve

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