Vie du PCF et du MJCF
Lundi 21 Novembre 2022
Contribution aux débats du 39ᵉ congrès national du Parti communiste français
La majorité des contributions présentées par les communistes portent sur le bilan du PCF, de ses tactiques, ses stratégies depuis le 38ᵉ congrès. Dans la ligne de mire des camarades, l’analyse de la campagne de Fabien Roussel, ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné.
Deux lignes s’affrontent, celle qui tire un bilan globalement positif du 38ᵉ congrès, tout en pointant les limites du PCF et ceux qui tirent un bilan globalement négatif et qui souhaite en finir avec la stratégie d’affirmation du PCF face à LFI. Ces débats vont être au centre du 39ᵉ congrès. Et ils vont avoir un impact sur la ligne politique qui sera adoptée, sur les statuts qui seront amendés. Mais il y a un débat qui manque. Un débat de fond. Un débat sur le bilan idéologique du PCF. Beaucoup de camarades, notamment les plus jeunes, souhaitent un retour au marxisme-léninisme et au socialisme. Alors proposons une contribution pour engager, enfin, une révolution culturelle au sein du PCF.
Sommaire :
Visée communiste ou socialisme Pourquoi le socialisme ? Pourquoi le socialisme permet d'éviter les écueils ? Le socialisme permet d'engager la transformation de la société Le socialisme est le rejet du néolibéralisme Dictature du prolétariat ou… … Marche démocratique vers le socialisme ? Et l’autogestion ? Concrètement, qu’est-ce que cela va changer au PCF ?
Visée communiste ou socialisme
La question du socialisme fait débat au sein du Parti communiste français. S’affrontent plusieurs courants idéologiques, plusieurs visions. La première, celle qui est actuellement mise en avant, c’est son rejet. L’idéologie officielle du PCF, celle validée par les différents congrès, acte que la transition du capitalisme au communisme est un mouvement linéaire qui ne nécessite pas de phase ou d’étape. Elle s’appuie, en grande partie, sur les théories de Lucien Sève, qui elles-mêmes s’appuient sur les travaux du jeune Marx et d’une approche idéologique qui se veut « marxienne », c'est-à-dire débarrassé du « marxisme » et donc des apports théoriques issues du mouvement ouvrier après la révolution d’octobre 1917. Ainsi la « visée communiste » portée dans la ligne officielle du PCF se résume à cette célèbre citation de Karl Marx et Friedrich Engels : « Le communisme est le mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses. » (L’idéologie allemande , 1845). Malheureusement, les travaux idéologiques du PCF sur cette question ne vont pas plus loin que cette simple citation. C’est en réaction à l’effondrement du bloc socialiste que ce courant de pensée s’est imposé au sein du PCF. Un véritable traumatisme qu’il fallait dépasser, en tentant de se renouveler, de se différencier et d’apparaître comme un parti lambda qui ne pourrait être identifié à aucun parti communiste ayant exercé, ou exerçant le pouvoir. On s’est donc retrouvé à condamner l’intégralité des expériences révolutionnaires, y compris celle de Cuba. Fort heureusement, une nouvelle génération de communistes, n’ayant pas connu l’URSS, ni le choc de l’effondrement du bloc socialiste, se réapproprient l’histoire du mouvement ouvrier, et se réapproprient les concepts de socialisme, et de marxisme-léninisme. Ce courant idéologique a développé ces dernières années le concept de « communisme déjà là » où qui arrive « à maturité » (Sève, Vasseur, Friot). Malheureusement, cette idée ne se base sur aucune expérience réelle, d’autant plus que ni la Sécurité sociale, grande conquête du mouvement ouvrier, ni l’idée des « communs » ne peuvent représenter cette idée du « communisme déjà là ». Le second courant, celui de la réintroduction du socialisme, est en dynamique depuis plusieurs années. Même si le texte du 38ᵉ congrès du PCF, le Manifeste, avait tenté d’introduire le socialisme comme une phase permettant l’avènement d’une « société supérieure : le communisme », il avait été sorti du texte final, pour rassembler les éléments modérés et revenir à la « visée communiste ». Dans sa « Critique du programme de Gotha », Marx explique qu'il y a deux phases dans la société communiste, une phase inférieure et une phase supérieure. Pour clarifier les choses, les marxistes vont désigner la phase inférieure comme le socialisme et la phase supérieure comme le communisme. Dans la phase inférieure, le socialisme, le principe directeur est « de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail ». Dans la phase supérieure, le communisme, le principe directeur est « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Le but du socialisme est de passer au communisme - de passer d'une société basée sur le travail à une société basée sur le besoin. La tâche du socialisme est de passer de la société capitaliste à la société communiste, d'une société dirigée par et pour les riches, basée sur l'exploitation, l’aliénation et l'oppression, à une société sans classes, sans exploitation, sans aliénation et oppression.
Pourquoi le socialisme ?
Le lien entre le socialisme et le communisme permet d'éviter plusieurs erreurs majeures : Le Socialisme permet de ne pas réduire l'action politique à la seule action sur les leviers économiques, où, comment déjouer les pièges de l'économisme et de l'idéalisation du capitalisme monopoliste d'état. Vouloir largement investir sur la demande (salaires, pensions, minima sociaux ...) apparaît aujourd'hui comme une évidence vu la situation sociale dramatique. Avec plus de 10 millions de pauvres, plus de 5 millions de chômeuses & chômeurs et le développement du travail précaire (uberisation, CDD, intérim), il y a une urgence à intervenir pour rendre du "pouvoir d'achat" à celles et ceux qui vivent dans la précarité et qui ne parviennent plus à finir le mois. Vouloir reprendre la main sur les secteurs clefs de l'économie (énergie, transport, santé-pharmacie, banque, etc.) est une évidence vu la situation de crise dans laquelle se trouve l'économie en pleine pandémie de Covid-19. Les capitalistes et les actionnaires ont démontré qu'ils ne pouvaient pas répondre aux besoins minimum des populations et que l'accumulation du capital s'oppose systématiquement à la satisfaction des besoins élémentaires et à la préservation de l'environnement. Il est donc évident que des pans entiers de l'économie devront être retirés des griffes des capitalistes et des actionnaires. La solution qui nous vient à l’esprit : La nationalisation. Réduire l'action politique du PCF à ces deux leviers nous place face à plusieurs écueils : On mène une politique économique de type keynésienne et avec toutes conséquences que cela peut avoir : inflation, stagnation, etc. On interprète les comportements politiques, sociaux et culturels uniquement via une approche économique (ce que l'on nomme l'économisme). On reconstruit un modèle de capitalisme monopoliste d’État (importance des secteurs publics de financement, de production et de consommation - voir l'excellente contribution de Paul Boccara sur ce stade de développement du capitalisme).
Pourquoi le socialisme permet d'éviter les écueils ?
Le socialisme n'isole pas l'action économique de toutes les autres luttes et des actions non économiques. Il y a une globalité d'actions, un lien de cause à effet et une logique démocratique qui doit permettre le passage du capitalisme au communisme, pendant une période plus ou moins longue que l'on nomme le socialisme. Cette phase inférieure du communisme, dans laquelle la société capitaliste et patriarcale, ses normes, ses modes de productions et d'aliénations disparaissent et que se construit une humanité nouvelle, libérée de l'exploitation, de l'oppression, et de l'aliénation, et qui aboutit à la création d'une société supérieure que l'on nomme le communisme. Petit joker, on tranche une bonne fois pour toute la question de la sortie ou du maintien dans l'Union Européenne. Vous allez comprendre que le Socialisme s'oppose à l'UE, ses institutions et ses traités. Pas besoin d'invoquer un Frexit puisque ce dernier peut très bien conduire à un maintien du système capitaliste. Le Socialisme permet de poser la question démocratique, dans la production jusque dans les hautes sphères de l’État Le socialisme pose la question fondamentale de la démocratie dans toutes les sphères de la vie. Il développe une approche révolutionnaire & populaire de la démocratie. La démocratie dans le socialisme est présente dans toutes les sphères de la vie, de la production jusqu'aux institutions représentatives. La démocratie ne se résume pas à une délégation de pouvoir à l'état, une réforme simple d'institutions bourgeoise, où à une élection. Le socialisme est une action résolue pour se doter d'institution populaire. Dans l'économie, c'est la socialisation qu'il faut viser, avec une planification de l'économie et un développement de l'autogestion (on a pas besoin d'actionnaires et de patrons pour conduire une production). Dans la politique, il faut construire un véritable pouvoir populaire, avec des institutions propres (des Conseils locaux dans les entreprises, dans les quartiers, dans tous les lieux de vie et de production) qui disposent de leviers d'actions et permettent une véritable représentation du monde. Dans l’État, où il faut se doter d'un état populaire, qui aura vocation à disparaître sous le communisme, pour mener à bien toutes les transformations de la société. Cette transition socialiste (nommée Dictature du prolétariat) n'a pas vocation à s'éterniser, naturellement, elle doit permettre le passage du capitalisme au communisme.
Le socialisme permet d'engager la transformation de la société
Il est illusoire de croire que le communisme est un état de fait, et qu'il existe du "communisme déjà là". Les théories de Lucien Sève et des marxiens sont des chimères et de dangereuses approches révisionnistes désarmant les communistes. Il n'y aura pas de passage du capitalisme au communisme sans phase inférieure. Le socialisme sera cette transition du capitalisme au communisme et la nier n'est qu'un mensonge que l'on s'inflige. La bourgeoisie n'abandonnera pas son pouvoir économique, idéologique et politique. Un affrontement existera entre les deux grandes classes antagonistes que sont le prolétariat et la bourgeoisie. C'est dans les flammes de cet affrontement que se construira la société nouvelle, d'abord par le socialisme dont la vocation est d'abolir l'État capitaliste & patriarcal et de faire éclore le communisme, stade suprême du développement humain.
Le socialisme est le rejet du néolibéralisme
Le socialisme comme ligne politique et concept n'est pas affilié à la social-démocratie. Ce n'est pas parce qu'un parti s'appelle socialiste qu'il défend le socialisme. Le socialisme n'est pas figé, ni unique, il a sa propre voie, ses particularités et surtout, il est, un programme politique crédible liant les actions immédiates à la construction du communisme On reproche, avec une certaine réalité, que le programme du PCF (La France des jours heureux) est proche de celui de la France insoumise (L'Avenir en Commun). C'est vrai. Malgré certaines approches, ces deux programmes ont des points communs : Ils sont keynésiens. Ils sont réformistes. Ils ne proposent pas de ruptures franches avec le capitalisme. Le socialisme permet de déjouer les limites de ces programmes, car il y a une perspective communiste qui ne se résume à une injonction (le communisme déjà là), mais bien à une construction qui doit se voir en 3 temps : L'action immédiate, qui permet de gagner des conquêtes sociales immédiates, qui permet la conscientisation et l'organisation du prolétariat. Le temps intermédiaire, avec la prise du pouvoir et la gestion de ce dernier, avec la mise en place d'une société socialiste. Le temps long, avec la société communiste qui éclot de la disparition de l'état & naît sur un ordre social d'émancipation. Le socialisme, c'est un programme politique d'action global d'émancipation individuel et collectif. Le socialisme s'inscrit dans le matérialisme dialectique, dans le matérialisme historique, et dans le marxisme-léninisme. De fait, il est une antithèse du postmodernisme et de ses avatars. Le néolibéralisme, stade de développement du capitalisme, crée sa propre idéologie et crée ses propres leurres pour maintenir sa domination dans le rapport infrastructure/superstructure. C'est dans ce cadre-là que son apparu des théories postmodernes. Il est temps d'engager l'affrontement idéologique avec les fausses solutions du postmodernisme et d'expliquer en quoi le socialisme apporte une réponse globale aux crises initiées par les systèmes d'exploitation que sont le capitalisme et le patriarcat. Le socialisme ne réduit pas son combat à l'affrontement peuple/oligarchie. Il permet de comprendre que la bourgeoisie, comme classe sociale, est responsable des crises et le peuple, un concept bien trop flou qui subordonne le prolétariat, comme classe sociale, à un peuple composé aussi par des forces réactionnaires. Les formations politiques populistes ont échoué et là où elles existent encore, se sont ralliés au vieux système bourgeois institutionnel. Les thèses de Chantal Mouffe & Ernesto Laclau sont aujourd'hui déjà obsolètes. Ce qui est important avec le socialisme, c'est que le prolétariat devient le peuple, le peuple productif, le peuple constructeur. Il affirme l'autodétermination des travailleurs-travailleuses vis-à-vis de la bourgeoisie, de ses normes, et de ses structures. Il pose la question de l'autodétermination et de l'organisation du prolétariat. Cette autodétermination et organisation du prolétariat permet d'engager la lutte victorieuse contre les oppressions, les aliénations qui découlent du capitalisme et du patriarcat. Il rejette l'approche idéologique qui vise à l'atomisation des luttes et leurs individualisations. Il apporte une réponse globale (le communisme), une visée claire (le socialisme) , à partir de combats immédiats (grèves, luttes contre le racisme, solidarité ...). Il ne réduit pas les luttes à de simples sections hiérarchisées, où poncifs contre des groupes disposants de "privilèges", mais porte les luttes à l'unité du prolétariat, à son autodétermination et à sa victoire contre le capitalisme-patriarcat. Avec le marxisme-léninisme, le socialisme dépasse l'intersectionnalité comme idéologie et méthode s'inscrivant dans les codes et normes du néolibéralisme. L'intersectionnalité, en niant la relation infrastructure/superstructure et en rejetant le matérialisme dialectique et historique, permet ni plus ni moins de maintenir le seul privilège existant, celui que possède la bourgeoisie : la propriété privée des moyens de production et d'échange. Le privilège ne se mesure pas dans les fanfaronnades hautement réactionnaires que sont les "check tes privilèges", mais par la place occupée dans le rapport de production. Mais alors faut-il délégitimer les luttes dites "sociétales" ? Non, car elles s'inscrivent dans le combat global contre le capitalisme et le patriarcat et de ne sont pas à subordonner aux luttes économistes. Tout est lié et la réponse doit passer par : La création d'organisations de masse spécifiques aux luttes, le tout coordonné par un Parti communiste d'avant-garde. La seule forme d'intersectionnalité qui vaille, ce sont celles d'organisations de masse spécifiques qui convergent vers le Parti communiste pour conduire au socialisme-communisme. Le renforcement de la conscience de classe, dans la production comme dans les lieux de vie. Cela passe par des formes de mobilisation spécifiques aux combats à mener et le tout avec des militants et militantes révolutionnaires, conscients, formés et qui comprennent la relation socialisme-communisme. La dénonciation des thèses opportunistes postmodernes. La bataille sera rude tant ces thèses ont pénétré les organisations de la classe ouvrière. Oublier, volontairement ou pas, ces luttes dites "sociétales" serait préjudiciable car comme l'exprime avec justesse, Lénine "la révolution socialiste peut éclater non seulement à la suite d'une grande grève ou d'une manifestation de rue (...) ou à la faveur d'un référendum à propos de la séparation d'une nation opprimée, etc." Les thèses postmodernes conduisent au réformisme et au gauchisme. Il suffit d'observer les organisations qui propagent ces thèses pour comprendre qu'aucunes d’entre elles ne souhaitent rompre avec le capitalisme. De la social-démocratie convertie au libéralisme en passant par les black-blocs, il n'existe plus réellement d'organisations d'importance capable de défendre idéologiquement, politiquement et structurellement la révolution en France et le renversement du capitalisme-patriarcat. Ainsi le socialisme est : Une méthode, une dialectique. Un mot d'ordre concret, une visée révolutionnaire. Un chemin qui permet d'entre voir l'objectif final : le communisme. Le socialisme-communiste n'est pas : Une idée fixe immuable qu'il faut écrire systématiquement dans tous les tracts et sur toutes les affiches. Une idée du passé que nos détracteurs sauront très bien condamner. Une chimère.
Dictature du prolétariat ou ...
Nous entrons dans un débat théorique qui divise les communistes : Que faire de la dictature du prolétariat ? La dictature du prolétariat est une étape, dans laquelle les conflits de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat seront exacerbés. La réponse qu’apporte le mouvement communiste dans cette étape est la démocratie des masses, en réponse à la dictature de la bourgeoisie. Lorsque la classe ouvrière prend le pouvoir et qu’elle exproprie la classe capitaliste, la dictature du prolétariat s’établit pour éliminer les contradictions héritées de la société capitaliste. L'une des tâches les plus importantes de l'État socialiste est l’abolition du pouvoir économique, politique et idéologique de la bourgeoisie. Prenons l’exemple du « droit bourgeois ». Dans la société capitaliste, le « droit bourgeois » fait référence aux droits légaux de propriété et au pouvoir social et politique que le capitaliste tire de la possession de capital. Ainsi, dans la société capitaliste, le droit bourgeois constitue la base des rapports de production capitalistes, permettant au capitaliste d'accumuler en privé des richesses à partir de l'exploitation du travail dans le processus social de production. La révolution socialiste vise à supprimer la propriété privée des moyens de production, et donc de supprimer l'accumulation privée de richesse. Cependant, comme le dit Marx, le socialisme est né du sein du capitalisme et porte avec lui les marques de naissance du capitalisme. Mais le droit bourgeois est qualitativement différent sous le socialisme que sous le capitalisme, puisque la propriété privée des moyens de production a été abolie. Lénine l'explique très bien dans son livre L’État et la Révolution : "Dans la première phase de la société communiste (le socialisme), le "droit bourgeois" n'est pas aboli dans son intégralité, mais seulement en partie, uniquement en proportion de la révolution économique atteinte jusqu'à présent, c'est-à-dire uniquement en ce qui concerne les moyens de production. . Le « droit bourgeois » les reconnaît comme la propriété privée des individus. Le socialisme les convertit en propriété commune. Dans cette mesure — et dans cette mesure seulement — le « droit bourgeois » disparaît. « Cependant, il continue d'exister en qualité de régulateur (facteur déterminant) de la répartition des produits et de la répartition du travail entre les membres de la société. Le principe socialiste : « Celui qui ne travaille pas ne doit pas manger », est déjà réalisé ; l'autre principe socialiste : « Une quantité égale de produits pour une quantité égale de travail », est également déjà réalisé. Mais ce n'est pas encore le communisme, et il n'abolit pas encore le « droit bourgeois », qui donne à des individus inégaux, en échange de quantités inégales de travail, des quantités égales de produits ». « C'est un 'défaut » explique Marx, mais c'est inévitable dans la première phase du communisme [le socialisme] ; car si nous ne voulons pas nous livrer à l'utopisme, nous ne devons pas penser qu'après avoir renversé le capitalisme, les gens apprendront immédiatement à travailler pour la société sans aucune norme de droit ; et en effet l'abolition du capitalisme ne crée pas immédiatement les prémisses économiques d'un tel changement. « Et il n'y a pas d'autre norme que celle du « droit bourgeois ». Dans cette mesure, il reste donc encore besoin d'un État qui, tout en sauvegardant la propriété publique des moyens de production, sauvegarderait l'égalité dans le travail et l'égalité dans la répartition des produits. En d'autres termes, si la distribution de ce qui est produit est mesurée par le travail, alors le problème qui se pose est que l'apport du travail est inégal. Certaines personnes sont plus en forme ou plus fortes. Certains ont des enfants à charge et d'autres responsabilités tandis que d'autres n'en ont pas. Certains travailleurs peuvent souffrir de problèmes de santé, d'autres non. Certains peuvent vivre plus loin de leur lieu de travail. Certains peuvent avoir un meilleur accès aux outils et aux machines, certains peuvent travailler sur des terres plus ou moins adaptées. De même, certains peuvent avoir plus de facilité à apprendre et sont ainsi en mesure d'atteindre des niveaux d'éducation plus élevés. Toutes ces inégalités fondamentales permettent une accumulation inégale de la richesse, et toutes ces inégalités fondamentales nécessitent des solutions. Les opposants au marxisme présentent souvent cette inégalité fondamentale entre les individus comme une réfutation du socialisme, comme si Marx ne le comprenait pas ou ne l'abordait pas. Au contraire, cette inégalité fondamentale entre les individus est l'un des problèmes les plus urgents que le socialisme peut et doit résoudre. Le marxisme-léninisme comprend très bien que la bourgeoisie représente un danger, car elle fonctionne comme un frein au développement socialiste. Si la bourgeoisie sous le socialisme n'est pas contrôlée, alors cette accumulation inégale de richesse, de pouvoir et de privilèges peut conduire à la corruption, à l'aggravation de l'antagonisme de classe et donne une base matérielle à la restauration du capitalisme. Une tâche fondamentale de l'État socialiste doit être de combattre et de déraciner l’idéologie bourgeoise. Comment est-ce accompli ? Lénine souligne deux facteurs. Premièrement, les gens doivent apprendre à travailler pour une société sans le droit bourgeois à un salaire égal pour un travail égal, et, deuxièmement, comprendre que la base matérielle de cette nouvelle société doit permettre une distribution basée sur le besoin plutôt que sur le travail qui doit être en place. Transformer la façon dont les gens pensent le travail et la société est un projet à long terme, basé sur l'éducation. Cela signifie démanteler l'influence de l'idéologie bourgeoise et éduquer les masses populaires à l'idéologie de la classe ouvrière, et en la science issue du marxisme-léninisme. Révolutionner les forces productives pour créer une société où chacun peut avoir ce dont il a besoin sans recourir à un système de distribution basé sur le travail est également possible. Cela nécessite l'élimination de la rareté et, par conséquent, prend également du temps. La transition du socialisme au communisme dépend de la résolution des contradictions qui persistent dans la société socialiste, à la fois antagonistes et non antagonistes. La lutte des classes continue sous la dictature du prolétariat. L'État socialiste doit résoudre les contradictions qui contraignent le développement des forces productives, la contradiction entre la ville et la campagne, la contradiction entre le travail intellectuel et manuel, les contradictions enracinées dans la question nationale et le patriarcat, et la contradiction entre les dirigeants et les dirigés.
… marche démocratique vers le socialisme ?
On doit au Parti communiste italien et à Palmiro Toglitati l'idée de "Polycentrisme" et de "voies nationales vers le socialisme" (à ne pas confondre avec les modèles socialistes aux caractéristiques des pays qui l'applique). Le polycentrisme montre qu'il n'y a pas de voie linéaire unique pour atteindre l'objectif du socialisme et que le modèle soviétique ne pouvait pas être la seule méthode pour vaincre l'impérialisme. La voie nationale vers le socialisme s'inscrit avec et dans certaines expériences issues de la démocratie libérale, sous peine d'épuisement du projet révolutionnaire. Pour les communistes italiens, la réalisation des revendications économiques et la jouissance des libertés constitutionnelles doit affecter les rapports de production capitaliste pour permettre le démantèlement des structures les plus arriérées de l'économie italienne et la réduction et l'élimination des structures monopolistiques les plus étouffantes et les plus parasites du système capitaliste. Le Parti communiste français adopte ces thèses à partir de son 22ᵉ congrès (4 au 8 février 1976), le PCF, dans sa résolution, il affirme qu'il existe une "voie démocratique au socialisme" qui rejette la "dictature du prolétariat" (abandon théorique que l'on ne retrouve pas dans le modèle italien promu par Togliatti). Le PCF affirme, lors du 22ᵉ congrès, une voie autonome au socialisme qui s'inscrit depuis les années 1960 dans une modernisation engagée par Waldeck Rochet, explorant les possibilités d’un changement démocratique et majoritaire (Manifeste de Champigny, Défi démocratique). Cette recherche aboutit en 1972 à la signature du programme commun de gouvernement par le PCF, le PS et le MRG et au soutien à la candidature de Mitterrand en 1974. Après l'échec du gouvernement commun, le PCF va abandonner progressivement cette référence au socialisme démocratique. En décembre 1987, lors du 26ᵉ congrès du PCF, elle est absente des textes & résolutions adoptées, même si Georges Marchais continue de faire référence au socialisme dans son livre Démocratie (1990). Après 1994, le socialisme, tel que présenté depuis le 22ᵉ congrès du PCF, est absent du débat politique et c'est la première fois qu'un Secrétaire général (Robert Hue) assume pleinement son abandon. La suite sera celle de l'affaiblissement idéologique du PCF (Mutation), de l'acceptation du marché comme mode de développement (allant même jusqu'à reconnaître l'utilité des Partenariat-public-privé et des privatisations). Cette "voie nationale au socialisme" se retrouve aujourd'hui dans les corpus théoriques de la majorité des Partis communistes (sauf quelques exceptions, comme au PCF où le socialisme n'existe plus) et est une norme partagée par tous les Partis communistes et ouvriers dans les pays socialistes. On va donc valider ce postulat et accepter d'être "gravement coupable d'avoir mis dans la tête des jeunes communistes d’aujourd’hui cette idée historiquement indéfendable" (Lucien Sève -2010).
Et l’autogestion ?
Le mot d'ordre d'autogestion n'a jamais été une revendication explicite du PCF. À partir du 22ᵉ congrès du PCF, il entre dans la réflexion politique et s'inscrit dans une époque où des mots d'ordre autogestionnaires éclosent dans les luttes ouvrières des années 70. Georges Marchais dans Le Défi démocratique (1973) écrivait que " Si l’autogestion veut dire démocratie dans l’entreprise, dans les communes, dans la société, alors nous ne sommes pas contre. Mais si cela signifie prétendre apporter des changements dans la gestion des entreprises, sans les modifications structurelles nécessaires, sans poser le problème de la propriété, alors l’autogestion n’a pas de sens." Cette idée d'autogestion, s'inscrit logiquement dans les thèses du 22ᵉ congrès, sans pourtant en faire une référence explicite lors du congrès de l’abandon de la dictature du prolétariat, et de la définition d’une "voie démocratique au socialisme", voie française à "un socialisme aux couleurs de la France". Jean Fabre, François Hincker et Lucien Sève dans Les communistes et l’état (Éditions sociales, 1977) évoquent "une conception non étatiste de l’État", un socialisme autogestionnaire. Dans les réflexions du PCF, l’autogestion ne s'oppose pas à la propriété collective des grands moyens de production et d’échange, elles apparaissent comme complémentaires. Georges Marchais se réfère explicitement à l’autogestion dans L’espoir au présent (Éditions sociales, 1980). Développons l'idée autogestionnaire du PCF. Elle se base à partir de l'expérience de la Yougoslavie socialiste. Félix Damette, dans son article "socialisme et autogestion : réflexion à partir de l'expérience yougoslave" (dans la revue Économie et politique) démontre que l'autogestion yougoslave ne s'oppose pas à l’État socialiste. "L'autogestion ne s'oppose aucunement au centralisme, bien au contraire, elle implique un État central important et puissant" écrit-il, développant qu'opposer ces deux concepts est une "absurdité de première grandeur". Enfin, pour lui, le socialisme yougoslave permet de "garantir le rôle dirigeant de la classe ouvrière" et que le "rôle unificateur du Parti de la classe ouvrière" (la Ligue des communistes de Yougoslavie) permet de dépasser la technocratie managériale. Il démontre que, dans les conditions de la France, la planification démocratique ne s'oppose pas à l'autogestion et qu'en réalité, elles s'articulent pour former une "planification autogérée". Cette articulation n'est possible que dans un cadre socialiste. À partir de ce constat, le PCF formule sa vision de la "démocratie politique et de la démocratie économique", pour les communistes, les deux sont indissociables. Francette Lazard dans L'Humanité 17 août 1977 développe qu'après le socialisme viendrait le communisme "une société d’individus libres et égaux, disposant de moyens de produire, capables de répondre à tous les besoins, s'autoadministrant eux-mêmes, gérant les affaires communes par consentement mutuel et sans contrainte étatique." Pour ce faire, Francette Lazard préconise "l'autogestion nationale" et le développement des "droits et pouvoir des travailleurs, en leurs donnant les moyens d'intervenir efficacement dans les entreprises". Un des exemples cité étant l'organisation d'élections libres pour désigner les PDG dans les entreprises nationales. Anicet Le Pors dans l'Humanité du 3 novembre 1977 oppose l'autogestion nationale préconisée par le PCF au capitalisme d’État. Un anti-étatisme assumé qui, dans le cadre du socialisme, prépare la mise à bât du "Capitalisme monopoliste d'état". Les communistes ne comptent pas sur l’État, mais sur le "mouvement des masses unies" pour faire de "l'autogestion nationale" une "forme supérieure de maîtrise collective de toute la vie sociale", conduisant ainsi au dépérissement de l’État. Georges Marchais explique que "pour que le changement soit réel, il s'agit d'avancer de front dans tous les domaines vers une société toujours plus démocratique, décentralisée, autogestionnaire, une société faite pour les travailleurs et par les travailleurs eux-mêmes" (9 novembre 1977)
Concrètement qu'est-ce que cela va changer au PCF ?
Socialisme, socialisme-communisme, socialisme bolivarien, socialisme aux caractéristiques chinoises, socialisme du XXIᵉ siècle, socialisme démocratique, écosocialisme, socialisme autogestionnaire, voie démocratique au socialisme, mouvement au socialisme… La question du socialisme est vaste, plurielle, riche. Les adhérents du PCF ont entre leurs mains la possibilité de réintroduire dans les textes, l’un des plus grands concepts du marxisme. Il peut être balayé, comme au 38ᵉ congrès, il peut être introduit et laissé comme un simple mot, sans vie, dans un texte oublié, où il peut être introduit et ouvrir une période de révolution culturelle dans un parti qui a besoin de se révolutionner et de renouer avec les masses. Si le socialisme est réintroduit sérieusement dans les textes, cela peut avoir plusieurs conséquences positives. Dans la recherche, dans les études, dans les propositions, le socialisme peut relancer une dynamique immense tellement il touche à tous les domaines : économie, antiracisme, justice, démocratie, institution, science. Dans les stratégies et tactiques électorales. Il deviendrait, dans les limites que nous imposent le capitalisme et notre situation structurelle, une ligne de direction pour construire des alliances, des majorités, des actions. |
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Perspective communiste
[Fr] Perspective communiste, blog francophone ayant pour vocation le partage d’informations nationales et internationales. De proposer des analyses marxistes de l’actualité et du débat d’idée. Ainsi que de parler de l’actualité du Parti Communiste Français et du Mouvement des Jeunes Communistes de France.
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