Le coup d'État militaire au Myanmar le 1er février est le produit de la longue crise sociale et économique du pays, selon le Parti communiste de Birmanie (le parti préfère désigner son pays comme la Birmanie plutôt que par le nom de Myanmar choisi par l'armée.)

Le Parti communiste de Birmanie (CPB) a été fondé en août 1939 par un groupe de révolutionnaires dans une colonie sous domination britannique. Les fondateurs comprenaient le héros national Aung San, père d'Aung San Suu Kyi.

Le parti a survécu à des décennies d'illégalité, y compris à des périodes prolongées de lutte armée contre les occupants étrangers et à une succession de régimes militaires répressifs. Il a subi une crise majeure à la fin des années 80 avec la perte de ses bases restantes dans les régions frontalières de la Birmanie. Les membres ont ensuite été dispersés et ont dû reconstruire leurs structures souterraines à l'intérieur du pays et dans les communautés exilées.

Soulignant la crise actuelle, un porte-parole du CPB a déclaré: "Des gens de tous horizons luttent avec un courage exemplaire contre les lâches oppresseurs militaires qui mènent une guerre impitoyable contre des civils non armés. Notre parti a eu recours à tous les moyens disponibles pour soutenir notre peuple courageux."

Le régime militaire actuel trouve ses racines dans l'arrivée au pouvoir du Parti du programme socialiste birman (BSPP), parfois connu sous le nom de Parti birman de la voie du socialisme, en 1962. Le CPB estime que le BSPP a gaspillé les possibilités de faire progresser le développement national, l'industrialisation, ainsi que le bien-être populaire et - loin de prendre une voie socialiste - ont retenu le pays avec son système de capitalisme de connivence.

"Le développement de la société et de l'économie birmane a fait très peu de progrès depuis Bo Ne Win et le coup d'État du BSPP en 1962. On peut facilement assister au déclin de la quantité et de la qualité dans tous les domaines, y compris l'éducation, la santé, la protection sociale et bien d'autres aspects. Si quelqu'un dit qu'il y a plus d'investissements et d'entreprises étrangers que par le passé, nous ferons simplement remarquer qu'il faut vérifier qui en a profité. La classe dirigeante - ainsi que les généraux - affirment avoir créé des emplois pour les gens ordinaires pendant leur règne. Pour être exact, le nombre est d'environ 500.000 travailleurs dans un pays de 50 millions. Certes, les gens ordinaires obtiennent des emplois, mais les profits sont allés dans les coffres des membres de la famille des généraux et de leurs copains de toutes sortes. Les soi-disant industries introduites en Birmanie par les généraux militaires consistent principalement en des industries domestiques, où ni la technologie moderne ni les investissements lourds ne sont impliqués."

Le Myanmar est un exemple classique de capitalisme de connivence parasite. L'armée est profondément ancrée, ce qui entraîne la pauvreté pour l'écrasante majorité de la population et la prospérité pour quelques-uns.

"Quand on voit de nouveaux immeubles hauts et des limousines chics, on ne peut s'empêcher de se demander à qui elles appartiennent. Cela indique seulement la différence de revenu entre les personnes aux revenus les plus élevés et les plus faibles."

Comme pour certains autres pays d'Asie du Sud-Est, le Myanmar exporte une grande partie de sa population à l'étranger en tant que travailleurs migrants. Malgré leur surexploitation, dont beaucoup travaillent illégalement, ils sont devenus une source importante de revenus et de fonds pour le pays.

"Il y a quelques jours, j'ai remarqué des chiffres publiés par le ministère du Travail du gouvernement actuel en Birmanie. Il a déclaré: "Jusqu'en juin de cette année, le montant total des transferts d'argent par les travailleurs migrants du Myanmar s'élevait à plus de 500 millions de dollars américains". En outre, il a déclaré: "Les transferts officiels d'argent représentaient 0,81% du PIB au cours de l'exercice 2016-2017 et 1,06% au cours de l'exercice 2017-2018."

Le chiffre proposé par la Banque mondiale est de 3,2% pour 2019.

"Après l'éclatement du COVID-19 et le conflit actuel en Birmanie, les travailleurs migrants - dont la plupart ont quitté le pays illégalement - n'ont pas pu renvoyer leur argent aux membres de leur famille à faible revenu dans leur pays d'origine, et les membres de la famille sont confrontés difficultés insurmontables. Les travailleurs migrants birmans travaillent principalement dans les pays voisins tels que la Thaïlande, la Chine, la Malaisie, etc., et totalisent environ cinq millions de personnes. Vous pouvez trouver des travailleurs birmans même dans des pays lointains comme le Qatar, la Corée du Sud et la Jordanie. Environ trois millions à eux seuls travaillent en Thaïlande, la plupart en tant que travailleurs à bas salaire, selon U Myo Aung, le secrétaire permanent du ministère du Travail. »

Certaines estimations suggèrent que jusqu'à 10% de la main-d'œuvre du Myanmar sont des travailleurs migrants. Outre ceux qui ont un emploi, le Myanmar a également connu une hémorragie de ses populations les plus vulnérables dans des camps de réfugiés à l'extérieur de ses frontières, qui sont souvent confrontés à des hostilités supplémentaires en exil.

"L'autre exportation de la Birmanie vers les pays voisins, ce sont les réfugiés, qui ont quitté leurs foyers à cause de la guerre ou de l'oppression raciale. Des camps d'immigrants, contenant pas moins de 100.000 chacun, sont disséminés le long des frontières, et ils y existent sous le mépris de leurs hôtes."

Le CPB estime que l'élite dirigeante n'a pas réussi à mettre en œuvre une stratégie économique indépendante, malgré la richesse naturelle considérable du pays.

"Les investissements étrangers sont centrés sur l'exploitation des ressources naturelles de la Birmanie, principalement le pétrole et les pierres précieuses. De nombreux projets à forte intensité de main-d'œuvre comme les plantations et l'exploitation minière sont également dispersés dans tout le pays, exploitant l'une des sources de main-d'œuvre les moins chères au monde: les villageois birmans. En fait, tant les ouvriers des plantations que la population locale bénéficient d'un avantage minime des diverses plantations qui cultivent des bananes, du caoutchouc, du maïs, des herbes médicinales, etc., tandis que les investisseurs qui emportent plus de 90% de la production à leur les zones destinées ont récolté des récoltes à haut rendement chaque saison. Autrefois la plus grande nation exportatrice de riz au monde, la Birmanie est aujourd'hui devenue la plus grande nation exportatrice de main-d'œuvre au monde. La croissance de l’industrie nationale est insuffisante, ce qui oblige à importer des produits industriels de toutes sortes de pays."

La crise, souligne le Parti, n'est pas simplement une crise de retard industriel, mais découle également de l'échec de la modernisation durable de la production dans le secteur agricole.

"L'exploitation des ressources ne se traduit pas seulement par la destruction de l'environnement; il épuise la terre de ses ressources naturelles irremplaçables et de sa fertilité. Le sol riche a été laissé sec et stérile à cause des engrais artificiels et des pesticides lorsque les terres des plantations ont été rendues à la population locale. Le peuple birman souffre de l'exploitation forestière, de l'exploitation minière et des plantations inconsidérées par les investisseurs étrangers et les riches locaux. Les glissements de terrain sur les pentes des montagnes, l'érosion des sols, l'assèchement des ruisseaux et des rivières, la diminution des espèces d'animaux sauvages et, bien sûr, les changements climatiques, se retrouvent dans tout le pays."

Le CPB exhorte à mobiliser une solidarité internationale efficace contre le coup d'État.

Kenny Coyle, pour le Morning Star, quotidien socialiste britannique