Les révolutions bourgeoises européennes ont toutes été marquées par une importante participation des femmes du peuple à la lutte pour le renversement des monarchies et l’instauration de la République dans laquelle elles plaçaient tous leurs espoirs. Très vite, le clivage de classe a partagé les femmes selon leurs aspirations sociales et leur degré d’engagement dans la lutte pour l’abolition radicale de tous les vestiges économiques et politiques de la féodalité. Les porte-parole les plus éclairées des femmes appartenant aux couches moyennes et à la bourgeoisie se battaient pour le droit de vote et, essentiellement, pour l’égalité devant le patrimoine. Comme la grande majorité de la bourgeoisie, elles cherchaient elles aussi un compromis avec la monarchie et n’étaient pas intéressées par l’élimination complète des institutions royales. Au cours de la révolution française de 1789, les femmes du peuple et du prolétariat naissant comprenaient instinctivement que l’évolution de leur condition et la conquête de droits politiques étaient d’abord liées à la victoire complète de la République. Leur expérience dans la lutte pour supprimer des privilèges révolus leur avait enseigné qu’aucun droit à l’égalité juridique ne serait acquis si au préalable la monarchie n’était pas balayée et si le peuple n’arrivait pas à écraser la contre-révolution des nobles et des privilégiés de l’ancien régime soutenus par tous les monarques coalisés d’Europe.
La révolution démocratique bourgeoise n’a cependant pas concédé les droits réclamés par les femmes. Après avoir remplacé la féodalité, la bourgeoisie cherchait à consolider ses intérêts en tant que classe exploiteuse. Elle n’hésitait par à s’allier avec les anciens aristocrates et les couches rétrogrades et conservatrices de la société pour juguler la lutte du prolétariat dont les rangs croissaient rapidement avec le développement du capitalisme. Pour elle le plus grand danger étaient désormais le prolétariat et le socialisme sous la bannière duquel se rangeaient les éléments les plus avancés de la classe ouvrière et de la société.
Il a fallu des décennies de luttes opiniâtres conduites par les partis marxistes pour que des droits juridiques nouveaux soient peu à peu arrachés. Les partis marxistes qui s’appelaient tous jusqu’en 1917 partis social-démocrates ont joué un rôle fondamental dans ce combat. C’est à leur initiative qu’en 1910 la journée du 8 mars fut déclarée journée de luttes internationales des femmes pour l’égalité. Rares étaient au cours de la première partie du 20è siècle les pays qui avaient reconnu aux femmes le droit de vote. En France, par exemple, ce droit n’a été obtenu qu’après 1945 dans un rapport des forces marqué par la puissance du mouvement ouvrier animé par le PCF et le rayonnement de l’URSS où la femme jouissait déjà d’une grande considération dans tous les domaines.
C’est justement la Révolution d’Octobre 1917 qui a aboli de façon radicale l’inégalité que les femmes subissaient. D’ailleurs le renversement du Tsar en février 1917 a commencé par des manifestation de femmes contre le rationnement injuste du pain et du bois de chauffage. D’emblée, la Russie dirigée par le parti bolchevik a effacé toutes les discriminations dont les femmes souffraient. Le pouvoir des Soviets proclamé le 25 octobre 1917 leur avait accordé le droit de vote, le droit d’élire et d’être élue, le droit de choisir librement son compagnon, le droit au divorce, le droit à l’avortement, le droit au travail, le droit au logement, l’égalité devant les salaires selon le principe « à travail égal, salaire égal ». La révolution socialiste a supprimé d’un seul coup les discriminations entre enfants « légitimes » et enfants nés hors mariage ou enfants dits « illégitimes ». Aucun autre pays, même parmi les plus démocratiques de l’époque, n’avait accompli en plusieurs siècles ce que le pouvoir soviétique avait proclamé en quelques jours. Les décrets de la Révolution d’Octobre vont donner une formidable impulsion à la lutte des femmes à l’échelle planétaire. Partout la bourgeoise devra tenir compte de cette donnée nouvelle. Elle sera obligée de faire des concessions pour éviter dans son esprit que le mouvement des femmes n’aille plus loin dans ses objectifs.
Lénine et les bolcheviks appelaient de toutes leurs forces à encourager les femmes à exercer des responsabilités. Lénine exhortait en 1918 à voter pour les femmes ouvrières au soviet de Moscou même si elles étaient sans-parti.
Les révolutionnaires russes savaient cependant que la tâche allait être rude face aux préjugés, à l’ignorance, à l’influence des hommes de religion, des popes et des mollahs. Ils ne sous-estimaient pas, comme l’attestent de nombreux écrits de l’époque, le poids du retard économique dans la réalisation effective de l’égalité juridique. Les bolcheviks mettaient l’accent sur la nécessité d’ouvrir des crèches, des restaurants, de développer l’économie et tout ce qui pouvait sur le plan matériel libérer la femme pour l’arracher à la servitude « de la cuisine, de la chambre à coucher et du lavage du linge », pour reprendre leur expression. Le triomphe de la révolution était tributaire de la participation massive des femmes ouvrières et de couches populaires à la défense de la révolution et à l’exercice des responsabilités sociales. Ce n’est pas un hasard si elles se sont engagées massivement dans la défense de leur patrie socialiste sauvagement attaquée par l’armée nazie allemande en 1941 pour mettre fin à cette première grande expérience socialiste dans l’histoire de l’humanité.
La victoire de la contre-révolution dans les années 1990 a eu pour conséquence une régression de la condition des femmes dans les pays de l’ex-URSS et les anciens pays socialistes. Certes, la réaction n’a pas réussi à effacer comme elle l’aurait voulu toutes les conquêtes juridiques et économique de la femme. L’œuvre de la révolution a été en effet si profonde et d’une telle concordance avec les aspirations des femmes que la réaction, malgré ses efforts, malgré ses tentatives de criminalisation du communisme, avec le renfort de l’Église, du Vatican et des pays impérialistes, n’a pas réussi à rétablir les rapports archaïques de la période antérieure au socialisme. Il n’en reste pas moins que le démantèlement économique qui a suivi la destruction du socialisme a plongé d’innombrables femmes dans les tourmentes de la misère et du chômage. Ce sont elles qui ont payé le plus lourd tribu au retour aux temps maudits du capitalisme. Dans l’ex-RDA les femmes ont perdu les avantages que le socialisme leur procurait : crèche, congés de maternité, etc. Pourquoi s’étonner que de nombreux anciens pays socialistes soient devenus de grands pourvoyeurs de prostituées pour les pays occidentaux ? Voilà le bilan du capitalisme réel !
Ce n’est pas par hasard que partout on assiste à l’affirmation d’une « nostalgie » pour le socialisme qui se traduit notamment par des taux très élevés d’abstention aux élections, les citoyens refusant de choisir entre partisans du capitalisme et mafieux enrichis par la dépossession des travailleurs. Les peuples sont en train de faire leur expérience après avoir été bernés par les Walesa, Gorbatchev, Eltsine and Co, face aux difficultés de la construction du socialisme, de l’encerclement et de la propagande impérialistes, aux erreurs des dirigeants, au sabotage sournois des adversaires du socialisme dont les méthodes avaient été adaptées à l’impossibilité de mener ouvertement leur opposition au socialisme.