« Ces sessions extraordinaires deviennent ordinaires, remarquait, en juin, le Groupe communiste, républicain et citoyen au Sénat. Les conditions d’un débat démocratique ne sont pas réunies dans de telles conditions et les assemblées se transforment en chambres d’enregistrement accéléré. (….) L’attitude du gouvernement (…) relève aujourd’hui de la manipulation des institutions au profit d’une agression libérale que le peuple rejette de plus en plus fortement. » Même dans la majorité, les critiques ont fusé, cette année, sur un ordre du jour d’été surchargé : pas moins de 25 textes et 13 accords internationaux. La députée UMP du Haut-Rhin Arlette Grosskost a récemment concédé qu’il s’agissait là d’une « tactique », « les réactions de la rue étant souvent moins importantes » en juillet. Retour sur la session extraordinaire de l’été 2008, cousue comme les précédentes de régressions sociales et démocratiques.
Temps de travail. L’UMP enterre les 35 heures
Mardi 8 juillet, l’Assemblée nationale adopte le texte « Travail : démocratie sociale et temps de travail », sur lequel le gouvernement a déclaré l’urgence le 18 juin 2008. Fruit de ce qu’il faut bien appeler une entourloupe du ministre du Travail, Xavier Bertrand, qui a réintroduit, dans un projet de loi sur la représentativité syndicale, des dispositions refusées par les syndicats, ce texte détruit la durée légale du temps de travail en permettant aux patrons de recourir massivement aux heures supplémentaires. Il s’agit bien, selon les termes de Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP, d’en finir avec le « système des 35 heures ». « Les conséquences de ce texte seront extrêmement graves pour les droits des salariés, analyse Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, dans l’Humanité du 10 juillet. Cette loi vise à instaurer une plus grande subordination des salariés à l’organisation du travail telle que la décideront les employeurs (et à leur offrir) de nouveaux moyens de pression sur les salariés. » « Cette loi est dangereuse parce qu’elle fait disparaître des règles collectives de référence en matière de droit du travail et parce qu’elle fait des droits sociaux un enjeu de concurrence entre les salariés au détriment de leur sécurité et de leur santé », dénoncent aussi dans un communiqué commun les parlementaires PCF, PS et Verts. L’opposition a annoncé la semaine dernière le dépôt d’un recours devant le Conseil constitutionnel.
Chômage. Les demandeurs d’emploi privés de droits
Le 23 juillet, après seulement une journée de débats à l’Assemblée nationale, la politique de culpabilisation des chômeurs et de détricotage de leurs droits franchit un nouveau seuil avec le vote, toujours en urgence, d’une loi relative aux « droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ». En fait de droits, c’est plutôt un nouveau régime de sanctions que ce texte entérine avec la notion « d’offre raisonnable d’emploi ». Après trois mois d’inscription à l’ANPE, le chômeur serait contraint d’accepter toute offre correspondant à 95 % de son salaire antérieur. Un taux qui passerait à 85 % après six mois, dans la limite d’une heure de transport ou de 30 kilomètres entre le domicile et le lieu de travail. Après un an de recherche d’emploi, un chômeur devra accepter n’importe quelle offre dont la rémunération serait supérieure au montant de son allocation chômage. Impossible désormais de refuser deux « offres raisonnables d’emploi » sous peine d’être radié. « Régression du Code du travail », dénonce le député PCF Maxime Gremetz. Le député PS Michel Issindou estime de son côté qu’il s’agit d’un texte « humiliant pour les demandeurs d’emploi ».
Institutions. Sarkozy se taille une Constitution sur mesure
À deux malheureuses voix près, dont celle de Jack Lang, seul parlementaire socialiste à avoir approuvé le texte, la révision constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy est adoptée par le Congrès de Versailles lundi 21 juillet. Un vote arraché au prix de marchandages, promesses, menaces et autres pressions qui ont finalement « convaincu » la plupart des radicaux de gauche et nombre de parlementaires de la majorité pourtant récalcitrants de ne pas s’opposer à ce texte. Lequel ouvre les portes du Parlement au président de la République, dont les pouvoirs, comme ceux de la majorité présidentielle, sont renforcés. Autres critiques de l’opposition : cette « réforme » fige le mode de scrutin antidémocratique pour les élections au Sénat et ménage de vastes zones d’ombre qui permettront à Nicolas Sarkozy de remodeler les institutions par le vote de lois organiques moins contraignantes que le passage devant le Congrès. Adoptée de justesse après l’échec du « compromis bipartisan » avec le PS voulu par l’UMP, ce texte crée « une confusion des pouvoirs comme il n’en existe dans aucune démocratie », selon les termes du sénateur communiste Guy Fischer. Pour le socialiste Arnaud Montebourg, il consacre la « monocratie » d’un chef de l’État qui « monopolise tous les pouvoirs ».
Éducation. Service minimum à l’école
Une « entrave » au droit de grève inscrit dans la Constitution, dénoncent les sénateurs socialistes qui ont saisi le Conseil constitutionnel contre la loi sur le service minimum à l’école, votée le 23 juillet. Promis par Nicolas Sarkozy le 15 mai dernier au soir d’une journée de mobilisation dans la fonction publique, qualifié de « provocation » par l’opposition, ce texte instaure « un service minimum d’accueil » en cas de grève. Il impose aux municipalités de prendre en charge la mise en oeuvre de l’accueil des enfants dans les maternelles et les écoles primaires dès lors que 25 % des enseignants sont déclarés en grève, ce service étant dans ce cas assuré par des personnels municipaux ou autres (associatifs, par exemple). Cette loi stipule aussi : « Afin de prévenir les conflits, un préavis de grève concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques ne peut être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives qu’à l’issue d’une négociation préalable entre l’État et ces mêmes organisations. »
Outre la remise en cause d’un droit de grève honni par Nicolas Sarkozy, la polémique a enflé, dans la dernière ligne droite de l’examen du texte, sur l’application de ce service minimum en cas « d’absence imprévisible d’un professeur ». « Vouloir transformer les écoles en garderie est une perversion grave de leur mission », fait remarquer le député (PCF) Jean-Jacques Candelier.
Économie. L’ultralibéralisme grimé en « modernisation »
Inspirée du rapport Attali qui a nourri la controverse jusque dans les rangs de la droite, la loi de modernisation de l’économie a été rebaptisée par ses détracteurs « loi Michel-Édouard », du prénom du patron des magasins Leclerc. Un sobriquet qui en dit long sur le lobbying ouvertement exercé par les grandes surfaces et les centrales d’achats pour obtenir dans cette loi des dispositions qui leur sont scandaleusement favorables. Les premières se voient reconnaître, au nom de la « concurrence », la liberté d’installation en dessous de 1 000 m2. Les secondes se voient garantir une position de force avec l’obtention d’une totale liberté de négociation des prix avec leurs fournisseurs. Libéralisation, plutôt que liberté, dénoncée par les petits commerçants comme par les agriculteurs, qui y voient « un pas de plus vers la loi du plus fort », selon les termes de la FNSEA.
Ce texte invente aussi la carte de résidence spécial riches, dont la délivrance est facilitée pour les étrangers apportant une « contribution économique exceptionnelle » à la France. Il ouvre la distribution du Livret A à toutes les banques et consent des avantages fiscaux multiformes aux entreprises. La LME « acte un projet de société où tout devient marchand », a critiqué au Sénat le communiste Guy Fischer. Pour le député (PS) François Brottes, c’est un « paquet fatal » « pour les consommateurs, les commerçants de proximité, les entreprises et les producteurs, le logement social ».