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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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Marxisme-Léninisme, socialisme, communisme

Dans une interview accordée à « Corse Matin » le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est dit prêt « à aller jusqu'à l'autonomie » pour la Corse. Cette proposition n'a pas manqué de faire réagir les candidats à l'élection présidentielle. Mais surtout, si sur le principe elle est légitime, elle pose des questions.


L'autonomie de la Corse et le droit des peuples à disposer d'eux mêmes
Cette affirmation soudaine du ministre de l'intérieur, qui est avant tout une proposition opportuniste à quelques jours du 1er tour des élections présidentielles, relance les débats sur l'avenir de la Corse.

Fabien Roussel, le candidat du PCF à la présidentielle, se positionne « contre l'autonomie de la Corse » expliquant que « l'autonomie ne va pas remplir les frigos des Corses ». On sent que Fabien Roussel pas très à l'aise sur cette question, et en général le PCF ne maîtrise pas réellement l'enjeu de se positionner en faveur des droits à l'autodétermination des peuples dès lors que cela se situe en Europe.

Oui, « l'autonomie » comme seul remède ne remplira pas les frigos des corses, ni ne résoudra la crise sociale dans l’île. Mais à terme la question de l’autodétermination des corses se posera. A voir si elle se posera dans un cadre serein où dans un cadre conflictuel comme en Espagne.

L'AUTONOMIE ET LA QUESTION NATIONALE

Le principe d’unité et d’indivisibilité de la République française vise à garantir l’homogénéité des lois, des droits et des devoirs sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Il s’agit d’un principe qui doit permettre de crée une égalité de fait de toutes les personnes résidentes sur le territoire national.

A) Une unité et indivisibilité de façade

Très souvent cette unité et indivisibilité n’existe que sur le papier et dans les faits, les citoyen.ne.s ne sont pas égaux. Il suffit de comparer les niveaux de développement des territoires pour comprendre qu’un.e habitant.e de Paris sera dans une meilleur position qu’un.e habitant.e de Corse. La présence de l’État, de ses services publics, gage de l’unité et de l’indivisibilité de la République ne sont pas les mêmes entre la métropole et la Corse, entre les grandes villes et les villages montagnards et que l’organisation territoriale ne cherche qu’à satisfaire les besoins d’une classe sociale dominante  : la Bourgeoisie. La question nationale n’échappe pas à la relation Infrastructure/superstructure.

Notons que la création des régions, des communautés d’agglomérations et des métropoles ne font que remettre en cause ce qui devrait être un principe de base : l’Égalité. Je laisse de côté les arguments portant sur les complots de l’Union européenne pour faire éclater les états, la crise en Catalogne a largement démontré que l’UE ne veut pas faire éclater ses états membres.

La République française a hérité d’une histoire faite de conquêtes et d’annexions, si dans les textes elle se revendique comme une et indivisible, ne reconnaît qu’une communauté (les citoyen.ne.s), il existe en son sein des groupes sociaux spécifiques, dont l’histoire, la culture et la langue sont propres. Les basques, les catalans, les corses, les alsaciens, les mosellans, les bretons, les flamands, les occitans. Il se définissent comme des peuples, et revendiquent une identité propre, souvent définie par une langue propre et une culture propre.

Au nom de l’unité et de l’indivisibilité, ces peuples ont été stigmatisé, décrié et infériorisé. Il n’y a qu’à regarder l’image qui est donné du breton ignare (Bécassine), du corse réactionnaire (Astérix), de la glottophobie contre les « accents » des gens du sud. Il faut se rappeler qu’il n’y a pas longtemps, les enfants étaient battus par les instituteurs pour avoir parler leurs langues à l’école.

B) Qu’est-ce qu’un peuple ?

C’est la question la plus complexe. Un peuple est une construction sociale complexe basée sur les langues, les cultures, les habitats, les histoires (etc.), sur une construction économique basée sur les classes sociales (L’Union soviétique était le pays des ouvriers et des paysans, dans lequel s’exprimait des nationalités unie dans un même but : le socialisme) et enfin sur une construction philosophique basée sur une communauté de destin où une communauté stricte.

Existe t-il un peuple corse ? Oui il existe un peuple corse. Avec une histoire, une culture, une langue, une lutte des classes et des problèmes profonds liés au capitalisme.

Pour aborder la question de la Corse il faut avoir en tête 3 achoses :

La question économique. La Corse, comme les territoires ultramarins, connaît la vie chère, un développement économique limité au tourisme et à l'agriculture. Le niveau de vie est inférieur à la métropole et la présence des services publics a reculé ces dernières années.

La question sociale. La pression touristique est telle que les résidents corses ne peuvent plus se loger. Cette situation, renforcée par une situation économique difficile, crée des problèmes sociaux majeurs dans l’île.

La question linguistique. Le français est définie comme la seule langue nationale et langue de l’État. Et pourtant il existe une revendication, celle de la co-officialité de la langue corse et de son enseignement à l’école.

Sur la reconnaissance des spécificités linguistiques, il faut noter que c’est un combat communiste de longue date et trop souvent ignoré. Pour compléter ce point, je vous renvois vers la lecture des textes de Marcel Cachin sur la langue bretonne & sa protection, cet article sur la question nationale bretonne (https://renemerle.com/spip.php?article1059) et cette étude sur l’implantation du PCF dans un terreau social propice à l’adhésion au communisme : la Bretagne bretonnante rurale (https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/872387/filename/Campagnes_rouges_de_Bretagne.pdf)

C) Quelle autonomie pour la Corse ?

La Révolution française a doté la France d’une structure administrative unique et moderne : L’État, le département, la commune. Une héritage que l’on doit aux Jacobins et qui permet de proposer une unité administrative réelle dans tout le territoire (à l’exception des colonies). Cette centralité reconnaît une forte autonomie, notamment des départements et des communes, le lieu par excellence de la souveraineté populaire.

Malheureusement l’autonomie des départements et des communes est attaquée par la régionalisation, la métropolisation, et la suppression de ses moyens financiers (suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation …). Les communes, les départements n’ont plus les moyens d’agir et ils transfèrent leurs compétences à des centres bureaucratiques hors sol. Certains parlent de « pacte girondin », mais en réalité il ne s’agit que l’une adaptation de la superstructure (l’État et son organisation territoriale) à l’infrastructure (le capitalisme néolibéral).

On en revient toujours à la question du capitalisme et de l’organisation du mode de production. La République est un mode d’organisation qui ne se place pas en dehors du lien Infrastructure/Superstructure.

La question de l’autonomie corse se pose dans ce cadre.

Le scénario d’indépendance n'est pas d'actualité, il n'existe pas en France métropolitaine et en Corse de mouvements indépendantistes fort, ni de sentiment indépendantiste. Et ce qu'il manque en Corse c'est un mouvement communiste fort, seul capable d'allier les renvendications économiques et sociales aux renvendications culturelles et linguistiques. La reconstruction du PCF est une nécessité.

Il existe l’article 74 de la Constitution de la Vème République. La Constitution consacre le principe de spécialité législative et d'autonomie. Les Collectivités d’Outre Mer sont dotées d'un statut fixé par la loi organique qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République

Cet article 74 permet de transférer certaines compétences qui peuvent permettre d’agir sur la gestion de l’emploi, du foncier et de l’usage des langues dite régionales. Est-ce la bonne solution ? Aux corses de se prononcer.

Est-ce que cela résoudra les problèmes de l’île ? Non, car le problème principal c’est le capitalisme.

L'autonomie de la Corse et le droit des peuples à disposer d'eux mêmes
DU DROIT DES PEUPLES A DISPOSER D'EUX MÊMES

Mais si le problème principal c’est le capitalisme pourquoi prendre position sur la question de l’autonomie des corses ?

Il y a un texte qui est essentiel sur cette question du droit à l'autodétermination des peuples et du droit des nations à disposer d'elles-mêmes. C'est un texte écrit en 1916 par Lénine et qui porte sur "La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes".

Ce texte enrichit une réflexion de Karl Marx et Friedrich Engels sur la question nationale irlandaise.

Dans une lettre à Engels du 10 décembre 1869, Karl Marx écrit : "longtemps j’ai pensé qu’il était possible de renverser le régime actuel de l’Irlande grâce à la montée de la classe ouvrière anglaise (…) Or une analyse plus approfondie m’a convaincu du contraire. La classe ouvrière anglaise ne fera jamais rien tant qu’elle ne se sera pas défaite de l’Irlande. C’est en Irlande qu’il faut placer le levier. Voilà pourquoi la question irlandaise est si importante pour le mouvement social en général". (Karl Marx, Friedrich Engels, Correspondance, vol. X, Éditions sociales, 1984).

La lecture du chef d’œuvre de Friedrich Engels sur "La Situation de la classe ouvrière en Angleterre" de 1844 est d'ailleurs conseillée pour comprendre la relation entre le prolétariat anglais et irlandais en cette époque et aussi avoir une approche matérialiste (et surtout pas post-moderniste) sur la question du racisme. Mais là n'est pas la question.

A) Le socialisme et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes

Pour Lénine "le socialisme victorieux doit nécessairement instaurer une démocratie intégrale et, par conséquent, non seulement instaurer une égalité totale en droits des nations, mais aussi mettre en application le droit des nations opprimées à disposer d'elles-mêmes, c'est-à-dire le droit à la libre séparation politique". Il réaffirme le rôle des partis socialistes (les partis communistes n'existaient pas encore à l'époque) à permettre l’émancipation des "nations asservies" et que toutes les "alliances libres" entre les nations ne peuvent être véritables que si la "liberté de séparation" est garantie, sous peine de "trahir" le socialisme.

Il est important de noter que Lénine souligne que la révolution socialiste ne se mène pas sur un seul front. Et que le droit des nations à disposer d'elles-mêmes n'est ni "irréalisable" ou "illusoire" à "l'époque de l'impérialisme".

C'est avec justesse que Lénine explique que "la révolution socialiste peut éclater non seulement à la suite d'une grande grève ou d'une manifestation de rue (...) ou à la faveur d'un référendum à propos de la séparation d'une nation opprimée, etc."

L'objectif, pour Lénine, du socialisme est de mettre fin au morcellement de l'Humanité et que la fusion des nations libérées du joug de l'exploitation capitaliste ne se fera que par "la libération complète des nations opprimées, c'est à dire de la liberté pour elles de se séparer."

Trois types de pays par rapport au droit des nations à disposer d'elles-mêmes

Pour Lénine une "union pacifique de nations égales en droit à l'époque de l'impérialisme, est une utopie qui trompe me peuple". Le message est ainsi clairement exposé. Le prolétariat doit "revendiquer la liberté de séparation politique pour les colonies et les nations opprimées par "sa" nation. Sinon, l'internationalisme du prolétariat demeure vide de sens et verbal".

Pire sans liberté de se séparer il ne peut y avoir une "unité complète et absolue" du prolétariat.

Ainsi Lénine va distinguer trois principaux types de pays.

1- Les pays capitalistes avancés de l'Europe occidentales et les États-Unis. Ces "grandes nations" qui "opprimes d'autres nations dans les colonies et à l'intérieure de ses frontières".

2- Les pays de l'Est de l'Europe (Autriche-Hongrie, Balkans, Russie). Dans ces pays où existent une forte lutte nationale (et bourgeoise), le prolétariat ne peux pas passer outre ces mouvements. Si il ne défend pas le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, il n'y aura pas de révolution socialiste.

Il y a une tache ardue pour le prolétariat, c'est de "fusionner la lutte de classe des ouvriers des nations oppressives et des ouvriers des nations opprimées."

3- Les pays semi-coloniaux (Chine, Perse, Turquie, Inde ...). Dans ces pays, les socialistes ne doivent pas seulement réclamer la liberté du pays (simple revendication du droit des nations à disposer d'elles-mêmes), "les socialistes doivent soutenir de la façon la plus résolue les éléments les plus révolutionnaires des mouvements démocratiques bourgeois de libération nationale de ces pays et aider à leur insurrection (ou, le cas échéant, à leur guerre révolutionnaire) contre les puissances impérialistes qui les oppriment".

B) Le piège du social-chauvinisme

Lorsque Lénine rédige cet article en 1916, nous sommes en pleine boucherie mondiale. Depuis 1914, les grandes puissances européennes et coloniales se font la guerre et des millions de personnes sont déjà mortes pour enrichir les marchants de canons.

Pour Lénine il est nécessaire "de lutter contre le chauvinisme et le nationalisme dans les pays avancés". Parmi ces gens là deux catégories de de sociaux chauvins : les "opportunistes" et les "kautskistes", ces gens là "maquillent et idéalisent la guerre impérialiste, réactionnaire, en lui appliquant la notion de défense de la patrie".

Ces faux révolutionnaires "prostituent le marxisme" selon Lénine car, explicite t-il, ils perdent toute faculté de comprendre la portée théorique et l'importance tactique de Karl Marx portée dans l'analyse de la situation de l'Irlande.

Rappelons les écrits de Marx cités en début d'article : "Longtemps j’ai pensé qu’il était possible de renverser le régime actuel de l’Irlande grâce à la montée de la classe ouvrière anglaise (…) Or une analyse plus approfondie m’a convaincu du contraire. La classe ouvrière anglaise ne fera jamais rien tant qu’elle ne se sera pas défaite de l’Irlande. C’est en Irlande qu’il faut placer le levier. Voilà pourquoi la question irlandaise est si importante pour le mouvement social en général". (Karl Marx, Friedrich Engels, Correspondance, vol. X, Éditions sociales, 1984).

En guise de conclusion. Le combat des communistes pour libérer la classe ouvrière du système d’exploitation capitalisme et le combat pour le droit des nations, des peuples, à disposer d’eux mêmes convergent vers un objectif : Le socialisme.

Il ne peut y avoir de nation libre sans une libération totale de la classe ouvrière. Le socialisme porte la question nationale et développe des modes d’organisation permettant (avec des erreurs parfois) de faire vivre les cultures propres, des langues tout en développant une centralité démocratique.

Le capitalisme crée des divisions, joue des antagonismes pour maintenir ses taux de profit, le socialisme uni, et libère.
L'autonomie de la Corse et le droit des peuples à disposer d'eux mêmes

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