Surtout, le Manifeste place ses orientations politiques dans une perspective d'alternance politique, dans le cadre en définitive d'une simple régulation des politiques actuellement menées, ne répondant en rien aux enjeux économiques et sociaux de la période. Soulignant l'avancée que représente le Traité de Lisbonne, les plaçant dans l'acceptation du cadre libéral tel qu'il s'est construit ces dernières années et tel qu'il montre aujourd'hui ses limites, dramatiques pour les salariés, les jeunes, les retraités, pour les sociétés dans leur ensemble en Europe et dans le monde (« C'est pourquoi l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, après ratification par tous les États membres, donnerait à l'Europe plus de moyens pour mener, face à nos problèmes, une action démocratique, transparente et efficace »).
Comment alors oser parler des citoyens d'abord, quand les votes contre le TCE, premier brouillon du Traité de Lisbonne, sont balayés d'un revers de main ?
L'absence de remise en cause du fonctionnement actuel de l'UE, préférant avoir pour perspective la démocratisation des institutions internationales telles l'OMC ou le FMI apparaît complètement déconnecté, à la fois des instruments qui permettraient aux citoyens d'être au centre du processus décisionnel de l'UE mais également des quelques avancées sociales prônées par ce texte. On ne peut déconnecter le « progrès social » des institutions actuelles et dans ce cadre faire référence à la Charte des droits fondamentaux, dont des droits pour beaucoup de salariés européens. On ne peut déconnecter la revendication de plus de services publics sans la remise en cause du pacte de stabilité et du pouvoir quasi unilatéral de la BCE.
Le Manifesto contient explicitement des mesures libérales et atlantistes :
- « il faut parachever le marché intérieur européen - et réduire les formalités imposées aux entreprises »
- « construire un partenariat transatlantique fort »
- « La nouvelle initiative européenne de défense doit être développée en coordination avec l'Otan »
Cet exercice d'équilibriste, au-delà d'effets sur le réel limités sur le moyen et le long terme, prépare au mieux l'alternance mais ne serait en aucun cas représenter l'alternative à laquelle les mobilisations actuelles liées à l'ampleur de la crise du capitalisme financier nous confronte.
Une vision de la crise en trompe l'oeil.
En effet, ce texte amenuise la portée de la crise. Pire, il se félicite de l'engagement de l'Europe à répondre à la crise financière quand des milliards ont été donnés aux banques sans aucun contrôle et que chaque jour aux quatre coins de l'Europe des salariés voient leurs emplois détruits (« L'action concertée des Européens a prouvé son utilité en nous armant face à la crise financière »).
Sur tous les sujets qui fondent les enjeux de la période, écologie, droits des femmes...les propositions du Manifesto sont en deçà de véritable revendications pour la transformation sociale :
- concernant l'immigration, rien n'est écrit sur les sans papiers, seule la lutte contre l'immigration illégale et l'égalité étudiants-européens est affirmée. C'est laisser des milliers de personnes dans un statut de précarité et de peur.
- concernant la défense des droits des femmes, le droit à l'avortement et à la contraception n'apparaissent pas dans ce texte, signe des contradictions qui existent au sein du PSE sur cette question fondamentale du droit des femmes à disposer de leur corps.
- concernant l'OTAN, c'est bien de coordination avec le commandement de l'OTAN qu'il s'agit alors que la situation de tensions internationales démontre l'enjeu de mettre en œuvre une politique de paix
Le PSE en version française
Le Parti socialiste français converti à l'accompagnement social du libéralisme, dénonçant les dérives néolibérales qui ont amené à la crise, structurent leur campagne autour du rejet de Sarkozy et de sa politique et du rejet de Barroso (actuel Président de la commission, ce qui n'est pas sans faire de remous au sein même du PSE). Chacun sait d'ailleurs, y compris au PS, qu'un nouvel accord dit « technique » est en préparation entre le PPE et le PSE pour se partager en deux périodes égales de deux ans et demi la présidence de l'Assemblée européenne.
Leur impuissance liée aux derniers revers électoraux et aux messages contradictoires qu'envoient leurs représentants (cf. certaines interventions lorgnant sans vergogne vers un Bayrou dans une logique de stratège perdant de 2012, quand le Modem reste sans conteste un parti de droite, vote avec elle au Parlement...) ne sauraient les présenter comme les défenseurs des salariés contre la casse sociale de ce pays.
Ils s'inscrivent pleinement dans le Manifesto, fini les oppositions internes sur le TCE« Les querelles institutionnelles ne sont plus de saison » écrivent-ils, et le traité de Lisbonne est considéré comme « une donnée » par un ancien partisan du Non, et le vote de ce traité à Versailles a été rendu possible grâce à l'accord ou à l'abstention de nombreux députés ou sénateurs socialistes, au mépris du vote du peuple français. Preuve en est, s'il en fallait, le meeting de lancement de la campagne du PS français à Toulouse où main dans la main, les ténors socialistes français, avaient invités toute la social démocratie d'Europe, autant celle qui gouverne avec la droite, que celle qui applique ses politiques. Logique quand on y pense, le texte d'orientation du PSE est aussi la base programmatique du PS...