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Actions des Député.e.s, des Sénateurs et Sénatrices Communistes

André Chassaigne, Député PCF du Puy de Dôme


Monsieur le président,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs les ministres,

Chers collègues,



La première responsabilité d’un gouvernement est de conduire la politique choisie démocratiquement et en conscience par le peuple.

Pourtant, monsieur le Premier ministre, en écoutant votre déclaration de politique générale, je n’ai pas trouvé les orientations politiques qui ont conduit en 2012 à la victoire, victoire obtenue grâce au soutien populaire à la gauche dans sa diversité.

Du reste, vous fermez la porte à tout dialogue et à toute discussion sur le contenu de la politique que vous entendez mener.

Vous refusez par avance tout débat sur les choix qui sont les vôtres en matière économique et sociale, comme vous refusez de consulter le peuple sur le bouleversement de notre architecture territoriale.

Il en va de même pour les choix faits sur la scène diplomatique, qui engagent pourtant la crédibilité internationale de la France.

Je ne reviendrai pas sur l’épisode désastreux de Gaza et l’abandon du peuple palestinien, mais notez combien il est absurde que notre représentation nationale soit obligée de quémander un débat alors que la France s’apprête à rejoindre une coalition, sous l’égide de l’OTAN, pour intervenir contre l’État islamique dans une région dévastée par les interventions à répétition.

Je le dis avec force, nous n’avons aucune complaisance pour les fanatiques, qui commettent tant de crimes contre l’humanité, mais, une fois encore, le Parlement ne sera consulté qu’après coup alors que le choix d’intervenir sans mandat de l’ONU est un signal funeste pour notre diplomatie, qui ne sait plus faire entendre la voix originale de la France, une diplomatie qui, désormais, tourne le dos à la voie diplomatique.

Nous mesurons combien il est urgent que notre pays se dote d’une nouvelle Constitution pour que voie enfin le jour une VIe République parlementaire, sociale et participative.

À l’heure même où le peuple attend, plus que jamais, que nous le représentions pour résoudre les graves difficultés du pays, vous nous dites qu’il n’y a pas d’alternative, que la voie sans issue dans laquelle vous êtes engagés est la seule voie possible.

Pourtant, nos concitoyens font le constat que les majorités qui se succèdent appliquent aveuglément les mêmes recettes depuis des années sans que la situation ne s’améliore, sans que les inégalités reculent.

Aussi, le vote que nous allons émettre tout à l’heure engage non pas seulement votre responsabilité, mais aussi la nôtre. Il engage notre responsabilité d’élus du peuple, déterminés à défendre les intérêts de nos concitoyens.

Vous avez fait le choix de rompre unilatéralement et sans appel le contrat qu’avait signé François Hollande avec les Français en 2012.

En gouvernant à contresens des engagements pris, monsieur le Premier ministre, vous précipitez la crise morale et politique que nous traversons et, en affirmant qu’il n’y a pas d’alternative, en justifiant vos choix libéraux par des impératifs techniques, en masquant l’enjeu d’une offre politique de gauche, vous faites obstacle au débat de fond sur les choix de société.

La vérité, c’est que vous êtes résigné et tétanisé face à la puissante vague néolibérale et réactionnaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La vérité, c’est que vous vous proclamez progressiste et moderne alors que vous avez déserté le combat des idées et des valeurs pour vous laisser guider par une maladie certes ancienne, le réalisme gestionnaire, un prétendu réalisme, devrais-je dire, puisqu’il se traduit en réalité par une aggravation permanente des difficultés qu’il prétend combattre.

Pour notre part, nous refusons que l’obsession des équilibres financiers tienne lieu de cap et de vision politique, comme si notre destin commun, le destin de notre peuple, son bonheur, ne s’appréciaient qu’à l’aune de la seule rentabilité financière des entreprises du CAC 40 et des milliards d’euros de baisse des dépenses publiques.

Vous l’avez d’ailleurs dit, la fracture est de plus en plus nette entre le peuple et les élites, politique, financière, médiatique, bureaucratique, intellectuelle. Elle se nourrit de l’accroissement sans précédent des injustices et des inégalités économiques et sociales. Ce terreau de l’inégalité et de l’injustice crée lui-même les divisions et les antagonismes dans une société sous tension identitaire et incertaine de ses valeurs communes.

Non seulement votre politique est injuste mais elle masque aussi la vérité.

À l’heure où l’on rappelle à juste titre le devoir d’exemplarité des élus, faut-il souligner que le premier de nos devoirs d’exemplarité est le devoir de vérité ? Pourquoi cacher qu’il existe une alternative à gauche à la politique d’accélération des réformes libérales que vous nous proposez de soutenir et d’accompagner, à la servilité volontaire à l’égard de la Commission européenne et du gouvernement allemand, au suivisme de notre diplomatie sur les positions de l’OTAN et des États-Unis ?

C’est en le reconnaissant que la France se grandira. Pourquoi cacher qu’il existe une alternative à la complaisance dont vous faites preuve à l’égard du MEDEF, au discours qui prétend faire des chômeurs des coupables, à la politique d’austérité, au pacte de responsabilité, au CICE ?

Oui, monsieur le Premier ministre, il existe bien une alternative aux recettes qui donnent depuis des années les mêmes résultats économiques, sociaux et politiques. Une partie grandissante de la majorité dans cette assemblée est d’ailleurs disponible pour accompagner une telle politique.

Nous croyons à la possibilité de bâtir une autre Europe que celle imposée par les techno-libéraux, qui confond allègrement le bonheur des peuples avec celui des banques et autres firmes internationales.

Nous portons l’exigence que soit enfin donnée une impulsion politique en faveur d’une Europe sociale et l’élaboration d’un véritable traité social européen, porteur de valeurs et de normes protectrices de nos travailleurs, socle d’une Europe solidaire libérée de la tutelle des marchés financiers, des dogmes du libéralisme et de l’austérité budgétaire.

Comment accepter que le projet européen soit d’aller plus loin encore dans l’idéologie du libre-échange et la doctrine de la concurrence libre et non faussée en soutenant le processus de négociation du Traité transatlantique, hors de tout contrôle démocratique et au mépris de la souveraineté des peuples ?

Ce traité, dicté, rappelons-le, par les seuls intérêts des firmes internationales et des grands opérateurs économiques, ne vise qu’à la conquête des marchés, la mise en concurrence des salariés et le nivellement par le bas des normes sociales, sanitaires et environnementales. L’objectif est, là encore, contraire à notre modèle social, à notre mode de développement et aux valeurs de la gauche.

Nous continuons à exiger la suspension immédiate des négociations transatlantiques, inacceptables sur la forme comme sur le fond. Or rien ne nous porte à croire que votre gouvernement rejettera ce traité. Pis, si l’on en croit les modifications apportées par les députés de votre majorité à notre proposition de résolution de mai dernier, nous sommes, hélas, en mesure de penser qu’il tient pour acquis qu’il s’agira d’un bon texte.

Mes chers collègues, nous avons la conviction que l’avenir de la gauche dans notre pays passe par l’élaboration et la mise en œuvre d’un authentique pacte de solidarité, à la hauteur des attentes et des aspirations de nos concitoyens. Pour cela, la gauche doit s’engager dans une dynamique de rassemblement, parce qu’il n’est pas trop tard pour remettre l’emploi, le progrès social, la reconversion écologique au cœur des réflexions et des propositions de la gauche.

Monsieur le Premier ministre, vous adoptez une attitude de repli et de conservatisme idéologique. Or ce n’est pas par la baisse des dépenses publiques et la poursuite fiévreuse de la compétitivité que l’Europe et notre pays pourront sortir de la crise.

Il faut faire le choix de l’investissement public, du relèvement des salaires, de l’innovation et de la promotion de l’emploi qualifié.

Malheureusement, la feuille de route que vous venez de tracer n’offre aucune perspective en ce sens.

Pourtant, depuis 2012, un bilan objectif de la politique conduite aurait dû vous servir de lanterne.

Vous prétendiez réduire les déficits, ils se sont aggravés.

Vous prétendiez inverser la courbe du chômage, des milliers de nos concitoyens perdent chaque jour leur emploi.

Vous prétendiez faire reculer la pauvreté, les pauvres sont aujourd’hui de plus en plus pauvres et les travailleurs pauvres ne font plus figure d’exception dans le monde du travail.

Vous prétendiez vous poser en protecteur des plus fragiles, vous annoncez un simple petit coup de pouce pour les petites retraites, une simple prime en lieu et place d’une revalorisation pourtant promise.

Vous proclamez souvent, monsieur le Premier ministre, votre amour pour l’entreprise, mais, si l’on aime vraiment les entreprises, la première des preuves d’amour n’est-elle pas de les empêcher de fermer ?

Je ne suis pas de ceux qui vous blâment d’avoir répondu à l’invitation du MEDEF. Le premier responsable de l’action du Gouvernement se doit de répondre à l’invitation de tous ceux qui ont une responsabilité dans la marche du pays, mais l’on ne peut y aller, comme vous l’avez fait, pour caresser la main de ceux qui portent une si lourde responsabilité dans l’échec du redressement économique.

Ce qu’il fallait dire aux représentants des grandes entreprises, c’est que la gauche n’accepte plus de voir les richesses produites par les salariés être dilapidées dans les dividendes stériles versés aux actionnaires.

Ce qu’il fallait leur dire, c’est que la hausse de 30 % des dividendes en un trimestre, 40,7 milliards de dollars, est un hold-up insoutenable pour le pays, auquel il faut mettre un terme.

Ce qu’il fallait leur dire, c’est que la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, qu’ils ne cessent d’entretenir et d’aggraver par leurs montages financiers, leurs filialisations et les délocalisations, allait devenir la priorité de l’action politique de la gauche, pour rapatrier, de gré ou de force, les 80 milliards d’euros volés chaque année au budget de l’État.

Ce qu’il fallait leur dire, c’est que le coût exorbitant du capital, les près de 300 milliards d’euros versés chaque année aux actionnaires et aux banques en intérêts, est le principal boulet de la compétitivité française, le cancer de la raison économique, qui doit être combattu.

Ce qu’il fallait leur dire, c’est que leur boulimie financière est un crime contre la société française, contre sa jeunesse, contre ses forces vives.

Vous n’auriez sans doute pas gagné les applaudissements de l’assemblée patronale, mais vous auriez démontré, courageusement, que l’économie française n’a pas vocation à être la variable d’ajustement des puissances financières. Disant cela, vous auriez été un fidèle artisan de la responsabilité politique et du respect de la parole du Bourget.

Avec les 40 milliards d’euros de nouvelles subventions publiques en direction des entreprises, le patronat n’est pourtant pas à plaindre, mais cela n’empêche pas le MEDEF de multiplier ses revendications, et hier encore.

Espérons qu’au-delà des mots de votre déclaration d’aujourd’hui, vous ne le suivrez pas dans ses nouvelles provocations. Il reste que vous vous engagez à le satisfaire sur bon nombre de points : le travail du dimanche, la baisse des cotisations sociales, le relèvement des seuils sociaux, et j’en passe sans aucun doute.

Monsieur le Premier ministre, la question centrale n’est pas aujourd’hui une prétendue insuffisance de la capacité d’offre ou encore le coût du travail. Le problème, c’est que les carnets de commandes de nos entreprises, nos PME, nos petites entreprises et nos artisans sont vides.

Dans ce contexte, votre politique, qui conduit à la stagnation des salaires et à la réduction des dépenses publiques, alimente la récession.

Comme nous l’avions souligné dès son élaboration, le pacte budgétaire est le péché originel de François Hollande.

Ce traité s’avère, comme nous le craignions, mortifère pour les pays de la zone euro, condamnés à se livrer une guerre économique sans merci plutôt que de coopérer. Or, la France devrait aujourd’hui constituer un large front en Europe pour promouvoir une nouvelle stratégie fondée sur des investissements massifs en faveur de la transition écologique, une lutte résolue contre l’évasion et l’optimisation fiscales, des mesures fortes pour réorienter l’activité bancaire et réduire la domination de la finance sur l’économie réelle, et une volonté farouche de redonner du souffle aux services publics et aux collectivités locales. Telle n’est pas la voie que vous avez choisie.

En veilleur des valeurs de la gauche, Jean Jaurès alertait sur les risques de dérive. Il le disait avec des mots forts : « Les hommes pratiques […] sont ceux qui emploient quelques mots humanitaires pour amorcer les suffrages du peuple et qui, sous ces mots, ne mettent aucun sentiment ardent, aucune idée précise qui puisse inquiéter les privilégiés. »

En cette année d’hommage à sa pensée et à son action, un gouvernement qui se dit de gauche se doit d’y être attentif et de s’inspirer de son esprit de justice et de solidarité.

Pour les députés du Front de gauche, cette déclaration de politique générale sonne comme une déclaration de défiance à l’endroit du peuple. C’est pourquoi nous ne vous accorderons pas notre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Vote en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à dix-huit heures trente.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quarante.)


Discours de politique générale : intervention d... by andrechassaigne

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement :

Nombre de votants 566

Nombre de suffrages exprimés 513

Majorité absolue des suffrages exprimés 257

Pour l’approbation 269

Contre 244

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)
Intervention au nom des députés communistes suite au discours de politique générale du Premier ministre

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