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Ce mardi 18 août marque le 70e anniversaire de l’assassinat du député communiste serésien Julien Lahaut. L’homme longtemps accusé d’avoir crié le " Vive la République " entendu lors de la prestation de serment du futur roi Baudouin en tant que prince royal une semaine plus tôt. On sait aujourd’hui que ce cri devait être lancé par l’ensemble des élus de ce parti mais que la voix captée par les documents sonores de l’époque était celle du député carolorégien Henri Glineur. Cet anniversaire est marqué, comme chaque année, par une commémoration au cimetière des Biens communaux de Seraing.


Il y a 70 ans, le député communiste belge, Julien Lahaut, était assassiné à Seraing
18 août 1950. 21h15. Deux hommes sonnent à la porte du 65 rue de la Vecquée à Seraing. C’est le domicile du député communiste Julien Lahaut, président du parti communiste belge (fonction honorifique). C’est son épouse qui ouvre la porte. Les deux hommes demandent à parler au député. Un d’eux se présente comme le " camarade Hendrickx ". Julien Lahaut arrive. Trois coups de feu résonnent. Ils sont tirés avec un pistolet automatique de calibre 45. Un d’entre eux sera mortel, une balle dans l’abdomen. Une quatrième balle sera tirée dans sa joue, puis une cinquième qui ne touche que le seuil de la maison. Julien Lahaut est mort. Les deux hommes prennent la fuite en voiture. Deux complices les y attendent. Ils ne seront finalement pas punis pour cet assassinat.

Très populaire

Julien Lahaut est pourtant une personnalité politique très populaire. 100.000 personnes l’accompagneront lors de ses funérailles. Le personnel des grandes entreprises liégeoises observera un arrêt de travail à ce moment. L’homme est né à Seraing le 6 septembre 1884 et très jeune, il est marqué par les questions sociales et le combat syndical. A 7 ans déjà, il jouait à manifester dans la rue, avec un drapeau rouge, en chantant " Vive la révolution ".

Un idéal qui se trouvera renforcé lors de la première guerre mondiale. A ce moment, il est engagé volontaire, affecté à l’unité des auto-canons qui se retrouve sur le front russe au moment du déclenchement de la révolution russe (1917). Il en reviendra imprégné des idéaux communistes. En 1932 et 1936, il est un des leaders des grandes grèves de l’époque. C’est aussi en 1932 qu’il est élu député, un des trois premiers communistes à siéger à la Chambre. Il y sera réélu sans discontinuer jusqu’à son assassinat. Autre fait marquant, en 1941, en pleine occupation allemande, il mène la " grève des 100.000 " qui voit de très nombreux ouvriers métallurgistes liégeois arrêter le travail. Une action qui fera réagir Hitler en personne. Un mois et demi plus tard, il sera arrêté et déporté.

Une enquête bâclée

Au moment de l’assassinat, plusieurs pistes sont évoquées, dont un lien avec le " Vive la République " et la mouvance léopoldiste. C’est une semaine plus tôt, le 11 août 1950, que le roi Léopold III avait transféré ses pouvoirs au Prince royal Baudouin, avant d’abdiquer en sa faveur près d’un an plus tard.

Mais cette piste ne sera pas la bonne. Et dès le départ, l’enquête n’a pas bien débuté. Tout d’abord, le juge d’instruction en charge du dossier (parce qu’il était de garde ce soir-là) était le plus inexpérimenté des juges liégeois. C’était sa première grande enquête criminelle. Les lieux n’ont pas été sécurisés, le corps a été déplacé, de nombreuses personnes sont présentes, des traces ont été détruites et des indices déplacés.

En 1972, l’enquête sera classée sans suite, ce qui fera scandale. Il faudra attendre le résultat d’une enquête menée par trois historiens pour que la vérité sur cet assassinat soit connue, en 2015. Les quatre complices et auteurs ont été identifiés : François Goossens, les frères Eugène et Alex Devillé et Jan Hamelrijck. Tous quatre sont des militants anticommunistes, membre d’un réseau dont le chef, André Moyen, bénéficie de relations et protections au sein de la police judiciaire et parmi les dirigeants de plusieurs grandes entreprises. Aucun ne sera condamné pour cette affaire et cet assassinat s’inscrit donc aussi dans un contexte de guerre froide qui avait déjà vu un premier projet d’homicide de Julien Lahaut voir le jour en 1948.

70 ans après

Septante ans plus tard, la commémoration de cet assassinat reste un rendez-vous annuel pour les communistes belges et leurs héritiers. Julien Lahaut est aussi un des deux seuls parlementaires en exercice à avoir été assassiné depuis l’indépendance de la Belgique, le second étant André Cools. Outre le mystère et le scandale entourant cette mort, la popularité de l’homme est aussi un élément qui intervient dans la mémoire persistante du député serésien, comme le précise l’historien Jules Pirlot, président du Carcob (Centre des archives du communisme en Belgique) : " Il y a eu des tas de gens qui étaient au courant et qui se sont tus. Ça, c’est une partie de la réponse à pourquoi ces commémorations. Julien Lahaut, on commémore aussi parce qu’il a été assassiné et que les assassinats politiques sont très rares en Belgique. C’est un cas spécial. A cause de sa popularité extrême puisqu’il était déjà une légende de son vivant, et à cause de ce mystère qu’il y a autour de l’assassinat. Quand il y a eu un classement sans suite au début des années’70, c’était évidemment un scandale. Et puis il y a eu les révélations en’87. Un journaliste et un historien flamands qui faisaient une enquête dans les milieux d’extrême droite flamands sont remontés à l’équipe du criminel et on sait dès lors qui est l’assassin. Donc chaque fois ça relance cette volonté à la fois de connaître la vérité mais aussi de ne pas oublier ", explique-t-il.

Pour la mémoire de celui qu’un comte polonais avait surnommé " L’homme qui portait le soleil dans sa poche et en donnait un morceau à chacun " durant sa captivité lors de la seconde guerre mondiale, il reste aussi de nombreux livres, une pièce dont il est le héros (" L’homme qui avait le soleil dans sa poche ", de Jean Louvet), et cinq rues portant son nom (à Seraing, Liège, Charleroi, Courcelles et Morlanwez).

RTBF

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