1 - LA CRISE OUVERTE EN GUADELOUPE PLONGE SES RACINES DANS LE MODELE ECONOMQUE HERITE DE L'ESCLAVAGE
Le mouvement social, qui est resté actif durant toute l'année 2009, n'a pas été déclenché par la crise du capitalisme. Celle ci n'a fait que rendre plus visibles les mécanismes de la «pwofitasyon» en oeuvre dans notre société, depuis les temps de l'esclavage.
II est donc tout a fait faux et tendancieux de désigner le mouvement dirigé par le LKP comme responsable d'une crise depuis longtemps connue par tous les experts économiques et les services spécialisés des Pouvoirs.
Cette crise qui est d'abord celle du système colonial départementalisé a été diagnostiquée par le Parti Communiste Guadeloupéen depuis le début des années 1950. L'analyse du Parti démontrait que la politique d'assimilation économique, sociale, culturelle et éducative, mise en oeuvre par les Pouvoirs français, au détriment de l'égalité des droits et du développement endogène, conduisait le Pays dans une impasse.
Ce sont les contradictions de cette politique assimilationniste arrivées aujourd’hui à maturité qui explosent à la face du monde, mettant en évidence, 152 ans après l'abolition de l'esclavage physique des nègres, la permanence de l'économie de plantation, les rapports de races et de classes qui structurent la société guadeloupéenne et qui sont les vecteurs de la "pwofitasyon".
La prise de conscience de cette réalité, à l'origine des discriminations, des souffrances, du déni de droits et d'atteinte à la dignité de l'homme, a jeté dans les rues de Guadeloupe des milliers de Guadeloupéens au cri de : «La Gwadloup sé tan nou, yo péké fè sa yo vlé adan péy an nou».
Ce mot d'ordre fédérateur continu à fortifier un fort sentiment identitaire d'appartenance à une même communauté de destin et à mobiliser les forces vives du Pays contre les manifestations de la domination, de l'exploitation, de l'exclusion, qui matérialisent la «pwofitasyon».
Dans ce contexte de luttes et de résistance, la mobilisation des masses a fait reculer les puissances capitalistes et le Pouvoir politique. Mais, la bataille n'est pas définitivement gagnée. Les «pwofitè», avec la complicité de l'Etat, n'ont de cesse de chercher leur revanche sur le mouvement social.
Il - L'ACHARNEMENT DU FRANÇAIS POUVOIR
Le Pouvoir d'Etat français, surpris, dans un premier temps, par l'ampleur du mouvement et la puissance du message de rupture avec le système, lesquelles s'exprimaient dans les manifestations, a vite fait de retrouver ses réflexes de conservation et de contournement.
Pour mobiliser à nouveau les entreprises du MEDEF en déroute, confrontées à une situation de vérité, l'Etat a commencé par vider l'accord Bino de son contenu, lancer une offensive politique avec les Etats Généraux, violer l'accord sur le gel du prix de l'essence. Cette demande constante pour contourner le protocole de suspension du conflit par1icipe à cet acharnement. L'Etat français provoque ainsi le mouvement social pour avoir l'oppor1unité de prendre sa revanche.
Dans le même temps, s'appuyant sur les conclusions préétablies, sorties des Etats Généraux bidons, il met en place des mesures fiscales et financières, en faveur des entreprises, pour garantir la poursuite de la «pwofitasyon».
III - LA PWOFITASYON EST CONSTITUTIVE DU COLONIALISME ET DU CAPlTALISME
La «pwofitasyon». est un modèle de société, basé sur la domination économique, politique, qu'exerce la Nation française sur le Peuple guadeloupéen, condamné à vivre des miettes laissées par les envahisseurs de nos meilleures terres agricoles, des industriels et des entreprises parasitaires, «suceurs» des aides publiques de l'Etat et des collectivités locales.
Ce n'est pas être raciste que de reconnaître que cette société de «pwofitasyon»est structurée, se pérennise par les contrôles exercés par l'oligarchie blanche sur les services de l'Etat en Guadeloupe, les organismes financiers, l'école, la justice et les grands moyens de communication.
La situation que vit la Guadeloupe, un an après le déclenchement du puissant mouvement social qui a retenu l'attention du monde entier, montre que les adversaires du peuple dans la lutte contre la «pwofitasyon» sont :
- L'Etat français à travers ses institutions.
- La bourgeoisie européenne, française et guadeloupéenne parasitaires.
- Les politiciens, les élus inféodés à l'Etat et au système de "pwofitasyon".
- Les organisations politiques et sociales qui revendiquent toujours plus d'assimilation de l'Etat français et de l'Union européenne.
Depuis la suspension du conflit, ce ne sont plus le Medef, la CGPM, la CC! de Pointe-à-Pitre qui sont en première ligne face au LKp, mais le Gouvernement français avec, en tête de cordée, le chef de l'Etat en personne.
Les grèves, les blocages, les occupations, actions légitimes lors d'un conflit et qui devraient être efficaces pour obliger un patronat retord, arrogant, à négocier et à concéder un meilleur partage des richesses créées par le travail, n'atteignent pas toujours les objectifs d'amélioration durable de la condition des travailleurs. Ils ne parviennent pas à réduire les moyens d'exploitation des patrons capitalistes, car, l'Etat colonial et capitaliste intervient toujours pour, dans le cas de la Guadeloupe par exemple, renflouer leurs caisses, à travers toutes sortes de plans de relance. La lutte contre la «pwofitasyon» ne peut pas s'arrêter sur le terrain social. Elle droit être GLOBALE.
IV - UNE RÉPONSE POLITIQUE À LA CRISE DE NOTRE SOCIÉTÉ
Le Parti Communiste Guadeloupéen n'a jamais été un adepte du grand soir. Il ne s'est jamais contenté de regarder se dégrader la situation en misant sur une possible insurrection des masses désespérées pour prendre le Pouvoir. Ces postures conduisent à des désenchantements, souvent désastreux, pour les avancées du combat de libération.
Il appelle et encourage les travailleurs, les jeunes, les larges masses, à poursuivre et amplifier la lutte revendicative dans tous les domaines, pour améliorer leur sort, gagner en expérience et en combativité, contraindre les «pwofitè» et l'Etat français à engager toujours plus de moyens pour maintenir leur système inique.
Mais, il faut faire converger toutes les luttes, toutes les actions, vers un objectif précis, les lier à une stratégie politique claire, connue de tous et qui vise à soustraire la Guadeloupe de la domination de l'Etat colonial français qui organise la «pwofitasyon».
Notre démarche qui n'exclut pas la responsabilité de l'Etat français dans la faillite économique, la misère sociale, les désordres écologiques, le malaise qui ronge notre jeunesse n'est pas de lui demander de faire à notre place.
Nous affirmons que nous sommes les mieux placés pour mettre en oeuvre, dans notre pays, un modèle de développement endogène mixte, de type diversifié. Cela est possible avec nos propres moyens et ceux que l'Etat français doit mettre à notre disposition, à titre notamment de la réparation des crimes de l'esclavage et de l'empoisonnement au chlordécone.
Le Parti Communiste réaffirme que, pour assurer la rupture avec la société de "pwofitasyon", il faut un pouvoir national guadeloupéen d'orientation socialiste et communiste.
Cela passe à l'étape actuelle par les conquêtes d'un statut politique d'autonomie élaboré par les élus du peuple guadeloupéen dans le cadre d'une assemblée constituante.
Gagner cette étape exige que toutes les organisations et personnalités anticolonialistes, progressistes et démocratiques se regroupent dans le «Front Patriotique pour un Etat Autonome de Guadeloupe», proposé par le Parti Communiste Guadeloupéen.
Au regard des graves déséquilibres qui s'installent, des souffrances qui s'expriment, du malaise grandissant dans une société de consommation subissant une nouvelle forme d'esclavage, le Peuple guadeloupéen a besoin d'une nouvelle Gouvernance.
La question d'un Pouvoir politique autonome ne peut pas être différée et encore moins invalidée.