Actualités et informations
Mardi 26 Juillet 2011
Avant l’éruption de la crise, la Grèce, comme d’autres pays, a connu un développement capitaliste à grande échelle. Une richesse incroyable s'est concentrée dans les mains de grands bourgeois _ Cécile Chams et Jean Pestieau
De 1990 à fin 2007, le Produit Intérieur Brut (PIB)[1] a quintuplé et les profits ont été multipliés par 28. En 2009, lorsque la crise éclate en Grèce, les compagnies cotées en bourse ont engrangé 11,8 milliards d’euros de bénéfices. Et 55 groupes ont enregistré une augmentation de leurs bénéfices par rapport à 2008.[2] Les avoirs des grandes banques sont passés de 275 milliards d’euros en 2004 à 579 milliards en 2009. En même temps, les salaires des travailleurs se sont maintenus à 60% du salaire moyen européen, alors que la productivité du travail s’élève à 93,5% de la moyenne de la zone Euro.
Le grand capital a réalisé ces superprofits grâce à des subsides, des exonérations d’impôts et d’autres privilèges. L'imposition des bénéfices a été ramenée, ces dernières années, de 19,9% à 15,9% (la moyenne pour l’Union Européenne étant de 33%), tandis que le montant de la fraude fiscale de 6000 grosses entreprises s’élève à 15 milliards d’euros. Par contre, en Grèce, la part des salaires des travailleurs dans le PIB est la plus faible des pays de l’Union Européenne (UE). Selon les dernières statistiques de l'OCDE, les revenus du travail ne représentent que 36,3% du PIB de la Grèce, alors que les bénéfices bruts des entreprises représentent près de 53% de la valeur produite en un an. « La Grèce est de loin l'économie la plus exploiteuse de la zone euro », souligne l'économiste britannique Michael Burke.[3]
Ces statistiques montrent le haut niveau d’exploitation de la classe ouvrière grecque et le vol tout à fait « légal » de la plus-value produite par les travailleurs. Dire que « les Grecs » ont vécu au dessus de leurs moyens est une supercherie. Elle est destinée à faire croire aux travailleurs et aux autres couches populaires du pays qu’ils doivent accepter sans protester qu'on leur impose les charges de la crise capitaliste : la réduction du coût du travail et des prestations sociales (pensions, soins de santé, etc.). Souvent il s’agit de mesures choisies et préparées depuis des années.Le Premier Ministre Georges Papandréou, l’a admis : « La crise nous a permis de prendre des mesures que nous aurions prises de toute façon ». Ce sont des mesures qui ont été prises dans d’autres pays de l’UE et sont décrites dans les traités de l’UE[4].
L’augmentation de la dette et du déficit de l'État est le résultat et non la cause de la crise. La crise est provoqué par la baisse générale du pouvoir d'achat des populations suite aux mesures prises depuis trente ans pour réduire le coût du travail, des allocations sociales, suite à la dérégulation des contrats de travail... Cette baisse du pouvoir d'achat a été masquée pendant des années par la création d'une économie basée sur l'endettement. Mais aujourd'hui cette illusion se termine. Nous sommes dans une crise où la production n'arrive plus à trouver acheteur. La crise trouve sa cause dans le fait que la richesse produite par la société n’est pas rendue à ceux qui l’ont produite mais est concentrée dans les monopoles, entre les mains d’un nombre toujours plus réduit de capitalistes. C’est pour cette raison que l’éclatement de crises est inévitable dans le cadre de la voie capitaliste de développement Le gouvernement social-démocrate du PASOK a pris la responsabilité principale des mesures, mais le parti libéral, la Nouvelle Démocratie, est essentiellement d’accord avec elles, ainsi que les autres partis bourgeois. Certaines forces se disant de gauche (Synaspismos/SYRIZA du Parti de la Gauche européenne, etc.) concentrent leur critique sur le rôle du Fonds Monétaire International (FMI) et cherchent à ménager l’Union Européenne, l'expression politique des multinationales des pays qui la composent. En Grèce, les travailleurs se mobilisent de plus en plus, principalement sous la direction du mouvement syndical PAME (Front militant des travailleurs), animé par le Parti Communiste de Grèce (KKE). Comme l'expliquait le KKE en mars 2010, « le PASOK fera tout ce qui est en son pouvoir pour attaquer et saper le mouvement. Il se recycle lui-même comme un véhicule d'un dangereux anticommunisme. Spécialement avec l'aide de ses appuis dans le mouvement syndical (GSEE - centrale syndicale du privé, ADEDY - centrale syndicale du public, etc) et avec son rachat par l'UE, il va tenter de piéger les travailleurs et les forces populaires avec de nouvelles illusions réformistes sur le " dialogue social ", les consultations et les théories sociales-démocrates sur la réglementation et l’humanisation du système capitaliste. »[5] Nous remercions la Section internationale du CC du KKE de nous avoir fourni une grande partie des données de cet article.
Grèce : paradis pour les riches
Les armateurs grecs détiennent la première flotte commerciale du monde, soit 16% de la flotte mondiale (avant le Japon et la Chine).(6) Mais en même temps, la Constitution grecque leur accorde une immunité fiscale totale. Le fisc ne peut vérifier les comptes de leurs sociétés qui jouissent de facto d’un statut d’extraterritorialité. Il suffit qu’un armateur garantisse que telle ou telle personne possède une partie du capital de sa compagnie pour qu’elle aussi échappe au fisc.(7) Les riches Grecs conservent leurs millions sur des comptes à Zurich, à Chypre, au Liechtenstein et à Londres. Les particuliers grecs auraient déposé plus de 560 milliards d’euros à l’étranger, selon un récent article du Handelsblatt de Düsseldorf, qui s’appuie sur des sources proches des milieux financiers grec et suisse. (A titre de comparaison, le PIB de la Grèce était de 230,2 milliards d’euros en 2010.) (8) Comme l’a souligné Aleka Papariga, secrétaire générale du KKE, « l’État grec a peut-être une dette de 350 milliards d’euros, mais les capitalistes grecs ont déposé près de 600 milliards d’euros dans des banques suisses ». Au sommet de ces riches, il y a la famille de Spiros Latsis, avec une fortune estimée à 3,41 milliards d’euros, équivalente à celle des familles belges Colruyt ou Frère.(9) A part le commerce naval et pétrolier, la famille Latsis possède le holding bancaire EFG Eurobank. Spiros Latsis est un grand ami de José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne. En 2005, ce dernier avait passé une semaine sur le yacht de son ami grec. Un mois plus tard, la Commission approuvait un versement de 10,3 millions d’euros d’aide de l’Etat grec aux chantiers navals de Latsis. Mieux encore, de 1999 à 2004, EFG Eurobank a été choisie par la Commission pour faire transiter l’argent des financements européens en Grèce. (10) (1) L’ensemble des richesses produites par le pays en un an. (2) Conférence nationale du Parti Communiste de Grèce, 6-7 mars 2010. (3) Michael Burke, The Greek Crisis, Socialist Economic Bulletin, 23 juin 2011. socialisteconomicbulletin.blogspot.com/2011/06/greek-crisis.html (4) Essentiellement l’agenda de Lisbonne depuis 2000 (5) Conférence nationale du Parti Communiste de Grèce, 6-7 mars 2010. (6) Review of Maritime Transport 2010, United Nations Conference of Trade and Development. www.unctad.org/Templates/web... (7) Jean Quatremer, Libération, 2 juillet 2010. bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2010/07/le-paradis-fiscal-grec-des-armateurs-et-de-leurs-amis.html (8) Die Zeit, 5 juillet 2011. (9) The World’s Billionairs, Forbes, 2011. (10) Le Canard Enchaîné, 25 mai 2005. |
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