EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 13 décembre 2007, les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont signé à Lisbonne le nouveau traité modifié sur l’Union européenne. Ce nouveau traité fait suite au Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) qu’avaient rejeté, par voie référendaire, les électeurs français le 29 mai et hollandais le 1er juin 2005, respectivement par 54,7 et 61,5 % des voix.
Malgré ce rejet, le Conseil européen, qui réunit l’ensemble des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union, a décidé fin juin, de convoquer une Conférence intergouvernementale (CIG) chargée de rédiger un « traité modificatif ». La CIG a mené ses travaux conformément au mandat détaillé du Conseil européen. Une version provisoire du traité modificatif a été présentée, par la présidence portugaise de l’Union, lors de l’ouverture formelle de la CIG le 23 juillet dernier; puis le sommet des chefs d’État et de gouvernement a adopté le projet final le 18 octobre 2007. Les chefs d’État et de gouvernements ont décidé, qu’à la différence du TCE, ce traité modifié sera soumis à la ratification des membres de l’Union européenne par voie parlementaire, à l’exception de l’Irlande.
Mais en réalité, le texte dit modifié est à plus de 90 % identique au Traité constitutionnel de 2004, rejeté en 2005 par les peuples français et néerlandais. Il reprend sous d’autres formes les points essentiels du Traité constitutionnel. La modification se trouve essentiellement dans le fait que sont retirées de nombreuses dispositions explicites et qu’il dispense la Pologne et le Royaume-Uni du respect de certains engagements, spécialement au regard des droits fondamentaux. Il s’agit d’une modification par simple soustraction.
Le traité, dans la logique néo-libérale qui traversait également le TCE, propose une Europe anti-sociale avec la poursuite du démantèlement des services publics, des privatisations effrénées, des délocalisations sans aucun contrôle démocratique, de la destruction de la sécurité sociale et de la marchandisation de la médecine... Il s’agit de poursuivre la « construction d’une Europe » qui ne cesse d’approfondir sa crise de légitimité devant les citoyens.
Au-delà même de la nécessité d’un référendum, le traité cherche à imposer aux peuples européens une société darwinienne et à consacrer un système social en tant que seul et unique modèle, indépassable et inéluctablement fondé sur la concurrence, c’est-à-dire sur la loi du plus fort. Le traité vise à imposer une société substantiellement inhumaine, destructrice des liens de solidarité et des acquis sociaux.
1. Le traité – rédigé à huis clos – tel qu’il se présente, rend impossible pour les États et pour les peuples un autre choix que celui du libéralisme débridé, qui, sans débat citoyen, sera imposé à tous les peuples européens.
2. Il n’y a toujours aucune alternative au néolibéralisme; même si la concurrence « libre et non faussée » ne figure plus au rang des objectifs de l’Union – ce serait ainsi la preuve que le TCE a bel et bien été abandonné – , au fil des articles, des protocoles et des déclarations, on s’aperçoit que cette concurrence demeure omniprésente, et qu’il est impossible d’échapper au modèle néolibéral. C’est la concurrence qui régit les services d’intérêt économique général (SIEG) et qui risque d’être étendue aux autres services publics. C’est elle encore qui sert d’excuse au refus d’une harmonisation sociale et fiscale par le haut. Cette prétention est complétée avec le système militaire de l’OTAN qui est devenu un élément essentiel du réseau d’organisations mis en place par les grandes puissances qui décident de la guerre et de la paix, des choix politiques et économiques, du respect ou non des droits humains ou syndicaux, de la survie de la planète.
3. Ce traité veut consacrer l’OTAN comme un pilier fondamental de la défense et par là permettre à l’Union européenne de se soumettre à la politique nord américaine, en pleine dérive guerrière et, de plus, responsable de violations graves du droit international.
4. La paix, la coopération internationale des relations internationales pacifiques sont l’affaire des citoyens. C’est à eux de prendre la décision sur ce point et non qu’elle leur soit imposée. Le TCE avait déjà essayé d’introduire ce statut, il a été rejeté par les Français et les Hollandais.
5. La Banque centrale européenne (BCE) échappe à tout contrôle démocratique, et conserve comme seul objectif la stabilité des prix, promue au rang d’objectif de l’Union, laissant de côté les points essentiels comme la politique de l’emploi, de solidarité, la sécurité sociale, les politiques de santé... Ainsi, ce sont des technocrates non élus, donc sans légitimité démocratique, qui décident des politiques sociales économiques, financières et commerciales. Il est juste demandé aux élus, qui pourtant jouissent de la légitimité démocratique, de les appliquer.
En ce qui concerne les droits fondamentaux, la Charte des droits fondamentaux revêt un aspect décoratif destiné à cacher les vrais objectifs que sont la primauté du marché et de la concurrence sur tous les autres droits, y compris sur le droit au travail, à la sécurité sociale, au logement, à l’éducation, à la culture, à l’accès gratuit à la formation.... Avec cette Charte, les droits deviennent une marchandise et se trouvent proposés à la carte.
Par ailleurs, ces droits sont en général de très faible portée et leur application est renvoyée aux « pratiques et législations nationales ». Ainsi, la Charte ne crée aucun droit social européen, se contentant de vagues formulations qui n’engagent à rien. De plus, la Pologne et le Royaume-Uni ont obtenu d’être dispensés d’appliquer ces droits fondamentaux pourtant bien peu contraignants (protocole 7). Se met en place une véritable régression des droits humains qui sont pourtant indissociables et indivisibles.
Autant d’éléments qui figuraient déjà dans le TCE et qui ont été repris mot pour mot dans le nouveau traité.
L’avenir de l’Europe exige un débat public le plus large pour impliquer les citoyens. La méthode employée par le Gouvernement pour imposer ce nouveau traité est une atteinte grave à la démocratie. C’est aux citoyens de se prononcer sur la nature de l’Europe par voie de référendum.
Pourtant le Gouvernement a décidé, cette fois-ci, de ne pas consulter les citoyens, c’est trop dangereux : seule l’Irlande le fera pour respecter l’article 46 de sa Constitution. Ailleurs, c’est la course à qui arrivera le plus vite à ratifier le traité, par voie parlementaire bien évidemment. La colère est grande en France et aux Pays-Bas, qui voient leur vote de 2005 bafoué. Elle l’est aussi au Royaume-Uni, qui devait se prononcer par référendum en 2006, mais où, là non plus, il n’est plus prévu de consulter le peuple. Elle s’étend également à l’Allemagne, à l’Autriche, à la Belgique, au Danemark et à bien d’autres pays de l’Union. Les citoyennes et les citoyens veulent pouvoir s’exprimer, ils ne veulent plus être écartés de la construction européenne. Mi-décembre, plus de 70 parlementaires de gauche ont signé un appel pour demander que les Français soient consultés, comme en 2005. Sur un sujet qui a tant d’influence sur la vie de chacun et l’avenir de la France, l’organisation d’un nouveau référendum est une exigence démocratique majeure pour notre pays. C’est aussi une nécessité pour la construction européenne qui doit être fondée sur l’adhésion des peuples et la souveraineté populaire », écrivent-ils. Parmi eux figurent quarante députés, trente sénateurs et cinq députés européens.
Le référendum dans chaque État membre serait pourtant le seul moyen de combler, au moins en partie, le fossé qui s’est creusé entre les dirigeants de l’Europe et ses peuples.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique: L’article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le référendum a conclu au rejet d’un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d’un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l’objet de la consultation, doit être soumis au référendum ».