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Mercredi 29 Août 2012
Un rapport de l’inspection des finances sur le prix du carburant doit être remis ce matin au ministre de l’Économie. L’Humanité a décrypté la composition du prix. Conclusion: le pétrole cher n’est pas une fatalité. De l’extraction à la fabrication et jusqu’à la pompe, tout au long du processus de production, les compagnies pétrolières organisent la spoliation
1. Coût d’extraction : l’opacité
Première explication avancée par les majors pour justifier les prix : il faut creuser de plus en plus profond et aller dans les zones de plus en plus difficiles d’accès pour pouvoir exploiter l’or noir. Du coup, les coûts d’extraction seraient de plus en plus élevés. En vérité, le coût d’extraction des gisements varie en fonction de l’endroit où ils sont forés. Pour un baril, le coût de production peut aller de 20 à 80 dollars. Pourtant, sur le marché du Brent (forage en mer du Nord), les compagnies pétrolières établissent un prix unique du baril au niveau du gisement dont le coût est le plus élevé, soit 80 dollars. Elles s’assurent ainsi une marge confortable, dans la mesure où une grande partie de leur production leur revient moins cher. Problème : à ce niveau de l’élaboration des prix, l’opacité règne. « Il faudrait fouiller dans les comptes des compagnies pétrolières pour connaître le coût d’extraction de chacun des puits mais également ce qui est mis véritablement sur le marché. Or, c’est une véritable boîte noire », explique Céline Antonin, économiste à l’OFCE. 2. Prix du baril : la spéculation permanente Second argument : tension géopolitique et forte demande asiatique provoquent de graves déséquilibres entre l’offre et la demande et une explosion du prix du baril. Le 21 juin, le baril était coté à 89 dollars mais, depuis, il a progressé de plus de 30 %, alors que la conjoncture économique est mauvaise et que la demande en pétrole des marchés émergents tend à diminuer. Dans ce marché en tension, la spéculation « est permanente, même s’il est difficile d’en évaluer le montant », note l’économiste de l’OFCE. Avec l’amas de liquidités émises par les banques centrales et la crise de la zone euro, les boursicoteurs sont tentés de se tourner vers cet actif. Résultat, le prix de la matière première atteint des records. 3. Raffinage : le coût de la dépendance En trente ans, le marché du carburant a totalement évolué et la dépendance s’est accrue. La France importe un quart des produits raffinés et 40 % de sa consommation en gazole, qui a explosé avec l’accroissement des ventes de véhicules diesel. Plutôt que d’investir dans l’adaptation de leurs raffineries, les compagnies pétrolières ont gelé les investissements, fermé progressivement les usines les moins rentables pour délocaliser la production. « Il n’y a donc pas surcapacité de raffinage mais inadaptation de l’outil, dénonce Emmanuel Lépine, secrétaire à la fédération chimie de la CGT. Et le sabrage de notre industrie nous a rendus encore plus dépendants des marchés. » En effet, pour se fournir, les distributeurs doivent acheter sur le marché de Rotterdam le produit transformé par les raffineries étrangères. Selon l’Institut français du pétrole, il suffirait d’investir 1,2 milliard d’euros dans nos raffineries pour les rénover. 4. Taxes : le consommateur plombé Les taxes représentent plus de 60 % du prix pour le SP-95 et plus de 50 % pour le gazole. Un pactole de plus de 30 milliards d’euros, soit près de 10 % des recettes fiscales. Une partie de la TICPE (voir infographie) est réservée aux régions (4 milliards d’euros en 2010) et aux départements (6 milliards d’euros). Baisser la TICPE reviendrait à amputer les collectivités de moyens. Avec la TVA, la marge de manœuvre est plus facile. Selon les traités européens, la France a le droit d’abaisser son taux à 15 %, mais elle devrait alors l’appliquer à l’ensemble des produits pétrole. « Autre solution : faire entrer les carburants dans la liste des produits taxés à taux réduits à 5,5 % », explique Céline Antonin. À condition d’avoir le feu vert de Bruxelles. D’après les calculs de l’économiste, le manque à gagner pour l’État serait de 6 milliards d’euros. En compensation, le gouvernement pourrait se retourner vers les compagnies pétrolières, en ponctionnant sur leurs profits. Lors du rectificatif budgétaire, le gouvernement a choisi une voie différente en taxant les stocks de pétrole brut et de produits raffinés des raffineries et dépôts pétroliers. Une mesure qui « revient, non seulement à frapper les consommateurs à la pompe, mais aussi directement les résultats économiques des raffineries, déjà gravement mises à mal par les manques d’investissement », note la CGT. Avec 12,4 milliards d’euros de profits en 2011, Total pourrait être mis à contribution sur ses profits. Mais là encore la fiscalité et la comptabilité pour les multinationales permettent à une entreprise de n’être taxée que sur les bénéfices qu’elle réalise dans l’Hexagone. C’est ainsi qu’en 2009 le pétrolier s’est retrouvé à ne pas payer d’impôt, malgré les 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires qu’il avait réalisé dans le monde. 5. L’effet taux de change C’est un nouveau facteur à prendre en compte. Avec la dévaluation de l’euro par rapport au dollar, le prix a augmenté. Selon Céline Antonin, avec « une dépréciation de 10 % de l’euro par rapport au dollar, le prix du litre de carburant est renchéri de 7 centimes ». REPÈRES -La TVA sur le carburant est à 19,6 %. -TICPE : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (ex-Tipp). -Brent : c’est le nom d’un gisement pétrolier découvert en 1971 en mer du Nord. Il sert de brut de référence au niveau mondial. -Marge de raffinage : c’est l’écart entre la valeur des produits pétroliers et le coût du brut à l’entrée de la raffinerie. Le raffinage correspond à la transformation du brut en de nombreux autres produits. -Marge de distribution : marge réalisée par les stations-service. Clotilde Mathieu http://www.humanite.fr/social-eco/cinq-leviers-actionner-pour-stopper-le-racket-sur-lessence-502731?x |
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