Allemagne et ex-RDASur les revenus, le chômage, la démographie ou les résultats électoraux, la frontière est toujours visible entre les deux Allemagnes
Trente ans après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, qui a mené à la réunification du pays en octobre 1990, l’écart en termes économique, social ou même culturel persiste entre l’ex-RDA et Allemagne de l’Ouest.
Dans leur rapport annuel sur « le statut de l’unité allemande », publié en 2018, les autorités du pays pointaient le « très lent rattrapage » des Etats fédéraux (Länder) de l’ex-Allemagne de l’Est. Pourtant, 57 % des citoyens de l’Est se sentent considérés comme des citoyens de seconde zone. Trente ans après la chute du mur, le taux de chômage ou la productivité connaissent encore des écarts substantiels, mais le gouvernement fédéral a fait les comptes : alors que le PIB par habitant de la RDA représentait 43 % de celui de l’Ouest en 1990, le niveau des cinq Länder de l’Est atteignait 75 % de leurs voisins occidentaux en 2018. MÉTHODOLOGIE Ces cartes et graphiques présentent l'héritage de la RDA dans l'est de l'Allemagne aujourd'hui (avec des données de 2011 à 2018) avec une série d'indicateurs économiques, sociaux ou culturels. Pour qu'ils soient retenus, ces indicateurs devaient aussi être disponibles à l'échelle de l'arrondissement (« kreis » en allemand) pour être cartographiés à grande échelle. Ce rattrapage de l’Est et l’Ouest est un processus lent, voire très lent. Sur certains aspects, la frontière entre les deux Allemagnes reste nettement marquée : c’est ce que nous avons voulu montrer en concevant les neuf cartes ci-dessous. Nous avons choisi des indicateurs – revenu des ménages, âge, résultats électoraux, taux d’équipement, religion, etc. – qui couvrent de manière la plus large possible les différents aspects de la vie des Allemands.
Davantage d’athées.
La République démocratique allemande (RDA) était un régime communiste athée, qui décourageait la pratique religieuse. Trente ans après, cet héritage reste marqué. Les disparités sont encore fortement marquées géographiquement entre les arrondissements de l'ex-Allemagne de l'Est et la partie ouest du pays. C'est dans le Land de Thuringe qu'on trouve le plus fort taux de personnes sans religion déclarée avec 94,1 % à Weimar, ou encore 88,1 % à Brandebourg-sur-la-Havel. Une population plus âgée. A la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, la démographie de l’ex-RDA a subi deux bouleversements majeurs. D’une part, une partie des jeunes qualifiés sont allés s'installer à l'Ouest – cela représente 1,9 million de personnes en trente ans. De l'autre, et jusqu'au milieu des années 2000, la natalité a brusquement plongé : le nombre d’enfants par femme s’est effondré de 1,58 à 0,78 en cinq ans, avant de remonter lentement. Avec l'inertie démographique, les conséquences pour la croissance de la population de l'est de l'Allemagne sont toujours visibles aujourd'hui : l'âge moyen de la population est plus élevé à l'Est qu'à l'Ouest (entre 46 et 48 ans à l’Est selon les arrondissements, contre 40 à 44 à l’Ouest), même si la natalité des cinq Länder de l’Est a de nouveau dépassé celle de l’Ouest (1,61 enfant par femme contre 1,57 en 2017).
Un héritage politique toujours marqué à gauche.
Sur les choix politiques, les habitants de l'Est ont conservé certains réflexes, ils votent toujours plus massivement que les autres pour Die Linke, le parti de gauche radicale né de la fusion en 2007 du Parti du socialisme démocratique (l'ancien parti unique de l'ex-RDA) et de l'Alternative électorale travail et justice sociale. Dans les Länder de l'Est, leur moyenne dépassait 16 % aux élections fédérales de 2017. A l’autre extrémité du spectre politique, le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) a réalisé ses meilleurs scores dans l’ex-RDA, 22 % en 2017.
Un chômage difficile à résorber.
C’était l’un des principaux objectifs de la réunification. Pourtant, en trente ans, l’Est n’a pas réussi à rattraper l’Ouest en matière, notamment, d’emploi et de revenus. Ainsi, le taux de chômage recule certes mais atteint encore 6,9 % dans les cinq Länder de l’Est en 2019, soit deux fois plus que les 3,1 % de la moyenne nationale. Des revenus environ 20 % plus faibles. Le niveau de vie des Allemands de l’Est a continuellement augmenté depuis 1989, mais n’a pas rejoint celui de l’Ouest. L’écart de revenu médian entre les deux Allemagnes était à son maximum (à 4 432 euros par an en moyenne) au lendemain de la réunification, en 1991, puis s’est résorbé jusqu’à 2 092 euros en 1997. Mais depuis le début des années 2000, il est lentement remonté pour atteindre 3 623 euros en 2016. Pour toute la période, l’écart des revenus a fluctué mais est resté voisin de 20 %.
Des exploitations agricoles gigantesques.
En trente ans, la transition d’une économie dirigée à une économie libérale n’a pas achevé la transformation des usines ou des structures de production. Ainsi, les anciennes coopératives agricoles ou gigantesques entreprises d’Etat continuent de dominer les structures agraires de l’ex-RDA ; en 2017, une exploitation agricole moyenne de l’Est dépasse les 200 hectares, contre environ 25 hectares à l’Ouest.
Davantage de logement public.
A l’époque de la RDA, l’Etat ne reconnaissait pas la propriété privée et les logements appartenaient au domaine public. L’agence gouvernementale chargée de la privatisation des entreprises d’Etat et de biens immobiliers, la Treuhand, a vendu une part important de l’immobilier de logement dans les années qui ont suivi la réunification, mais une partie de ce parc a été maintenue dans des structures publiques. Moins d’étrangers. La faible part des étrangers dans l’est du pays est elle aussi un héritage de la RDA ; cette situation est aussi une des causes du manque de dynamisme démographique est-allemand. L’immigration compensant moins encore qu’à l’Ouest la faible natalité des Allemands. Un plus faible taux d’équipement automobile. Parmi les indicateurs de consommation, le taux d’équipement en automobile est sans doute parmi ceux qui ont le plus convergé entre l’Est et l’Ouest. Aujourd’hui le taux d’équipement des anciens Länder de l’Est demeure inférieur de 10 à 20 % à celui de l’Ouest. Pierre Breteau Le Monde |
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